Parler quand même
Comment se taire
face au vacarme de la mort
Comment parler
quand chaque mot
cache un massacre
Sur la brutalité des eaux
prolifèrent les naufrages
Dans les ténèbres de la jungle
l’absence d’horizon nourrit d’anciennes sauvageries
Les monstres des contes antiques ont appris
à manier le feu des armes et des mots
Quand la mort est dans l’idée
comme le ver est dans le fruit
l’idée - comme le fruit - pourrit
quand le ver – lui - survit
Jamais le sang ne nettoiera le sang
ni les larmes n’assècheront les larmes
Fécamp, 10 octobre 2023
*
Tuez-les tous
Tuez-les tous
Dieu reconnaitra les siens (*)
proclamait un grand humaniste
comme les peuples parfois les aiment
Et si jamais
(simple hypothèse)
Dieu n’existait pas
qui les reconnaitra ?
Tuez-les tous et laissez-nous vomir
chaque nuit les effets
dans l’ignorance des causes
Tuez-les tous
Et si jamais Dieu existait
(simple hypothèse)
ça ne changerait rien
au cycle des putréfactions
Fécamp, 18 octobre 2023
(*)Phrase attribuée à Arnaud Amaury, abbé de Cîteaux et prélat du Pape, lors du siège de Bézier contre les Albigeois, le 22 juillet 1209.
*
Atterré
La mer rouge de la foule s’ouvre et s’écarte.
Il erre parmi les ruines cherchant les siens.
Quand il les trouve, il s’agenouille, il ne dit rien.
Les corps hurlent pour lui sous le dais des pancartes.
On crache sur la terre, on viole les maisons.
L’un tue depuis le ciel, l’autre avec ses deux mains.
Qui a tué hier sera tué demain.
Chacun a ses raisons d’étrangler la raison.
Des mains désespérées fouillent dans la poussière.
Chacun creuse sa terre et, cherchant ses racines,
Croyant trouver de l’or, tombe sur une mine.
La terre n’appartient qu’à celui qu’on enterre.
Dans le regard brûlé il n’y a plus de larmes.
Quand la gorge est tranchée il n’y a plus de mots.
Pour qui sonne l’alarme il n’est jamais trop tôt.
Il est toujours trop tard pour arrêter les armes.
Fécamp-Marseille, 8-10 novembre/2023