Ce poème que vous ne lirez pas
Des os brisés, la boue du sang coagulé.
Des femmes crucifiées aux entrailles foutues.
Des corps éparpillés, des âmes démembrées.
La mémoire barbelée et les terreurs tues.
Le chuintement humain des terres calcinées.
Dans chaque rue chaque buisson à chaque pas
On reconnait le bruit du corps chu d’un soldat
Sur le corps d’une enfant aux yeux hallucinés.
Et voilà que j’écris un poème de guerre.
Je n’y peux rien le monde dévasté s’imprime
Sur mon écran comme sur le papier naguère.
Dans un tango de mots s’enlacent rime et crime.
Ici-même d’étranges zombies en costume
Mordent nos mots pour mieux mâcher notre cervelle,
Vomissent dans nos vies promises aux poubelles,
Morbides fossoyeurs de nos rêves posthumes.
Ce flot de vers blessés, c’est pas très gai tout ça,
Me direz-vous. Déjà le noir mange le soir.
Alors, comme prie l’incroyant, de désespoir,
J’écris ce poème - que vous ne lirez pas.