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Billet de blog 7 octobre 2008

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A économie virtuelle, crise réelle?

Dans le cadre de notre émission quotidienne "amis, apprenons la magie de la rhétorique", le moment semble propice de rappeler l'étrange devenir de l'adjectif "virtuel".

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Dans le cadre de notre émission quotidienne "amis, apprenons la magie de la rhétorique", le moment semble propice de rappeler l'étrange devenir de l'adjectif "virtuel".

Qui n'a pas entendu, dans les grandes heures où l'on nous expliquait que l'argent perdu par Kerviel était simplement un "argent virtuel", qu'il y avait des pratiques d'économie "virtuelle"?

A l'origine, "virtuel" désigne "ce qui peut se produire" : c'est ainsi qu'un enfant un peu turbulent, aux yeux de certains, sera virtuellement un assassin.

Le mot est d'ailleurs issu du latin "virtus", qui dans le langage philosophique signifie "capacité". Tout cheval est ainsi virtuellement un bon coursier.

Tout a changé avec l'invention des "mondes virtuels" : fruit de l'imagination, ils sont si réalistes que l'on pourrait presque y vivre. Et c'est ainsi, que par un léger déplacement, "virtuel" est devenu synonyme d'irréel, d'imaginaire - mais un irréel produit par un système complexe, comme un système informatique.

Que l'économie financière soit issue d'un système complexe, et même informatique, c'est certain. Mais il ne faut pas se laisser endormir par les mots : en aucun cas, il ne s'agit d'une économie virtuelle. L'argent gagnée pendant des années par les banques, par leurs patrons, et par les traders, n'était pas de l'argent tombée du ciel ni de l'argent virtuelle. Et l'argent perdue aujourd'hui ne l'est pas non plus.

Comment donc une économie virtuelle pourrait intéresser les financiers? Comment donc une économie virtuelle pourrait déboucher sur une crise réelle? Sans doute un certain nombre de décideurs financiers ont-ils pensé jouer, comme au casino. Mais, précisément, comme au casino, ce n'est pas de l'argent virtuel, qui est joué.

Bref, c'est quoi faire le trader? C'est exercer l'art de jouer au casino l'argent des autres, en leur expliquant que ce n'est pas de l'argent parce que c'est virtuel, et que ce n'est pas du casino, parce que c'est complexe.

Et ceci a fonctionné et, c'est à craindre, fonctionnera encore longtemps, enfin... dès que l'on aura réussi à nous faire oublier la crise!

Ah! La magie des mots!

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