Il y a longtemps déjà, j'eus la chance de découvrir un très ancien ouvrage. Pour être honnête, je serais bien en peine d'indiquer à quelle époque il parut. Le fait est qu'il tombait littéralement en poussière : sa reliure était décousue, et ses pages, parcheminées et empreintes d'une humidité persistante, se décomposaient.
En temps normal, je n'y aurais pas accordé la moindre attention. Mais, de la couverture arrachée, on pouvait lire une large partie d'un feuillet, qui contenait des vers. Et c'est eux qui, étrangement, m'attirèrent.
Il faut dire tout de suite qu'après examen ces pages ne m'ont pas semblé correctement ordonnées, de sorte qu'il y avait là un mystère supplémentaire.
En outre, le livre, qui n'était pas fort épais, ne présentait pas de traces d'imprimerie. L'ensemble était rédigé, visiblement à la main, dans une fort belle calligraphie, qui s'approchait du gothique.
Je me suis pris alors au jeu de la reconstitution : délicatement, j'ai pu isoler certaines parties encore lisibles.
L'ensemble devait être une sorte de pièce, ou de mythe, poétique, sur le thème, bien connu, du vampirisme et de Dracula. Il y avait malgré tout d'importantes différences – si du moins mes efforts de lecture ne m'ont pas trompé.
Sur la première page, qui attira tant mon attention, on pouvait encore deviner, en haut, la citation suivante, tiré du chant III de l'Enfer de Dante :
Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate.
Suivait un morceau, composé comme une variation sur ce sujet, et intitulé : « Les Portes de l'Enfer ».
Pensant que cela pourrait vous plaire, ou vous intéresser, je vous en propose ici la retranscription.
Les Portes de l'Enfer
Quittez toute espérance, au delà de ce seuil
La mort est sans repos, et sans fin la tristesse
Ce Royaume est celui de la peur et du deuil
Nous serons sans pitié devant votre faiblesse
Craignez, pauvres mortels, d'être arrivés si loin
Le sang seul en ce lieu peut encore vous sauver
Fuyez sans un regard pour vos hideux défunts
Ils sombreront bientôt dans l'histoire, oubliés
Et vous, âmes trainées en cet endroit maudit
Exsangues et meurtries, savourez cet instant
Les plaisirs désormais vous seront interdits
Vos chairs seront brisées jusqu'à la fin des temps.
N'espérez ni répit ni pitié ni salut
La main du Diable ignore toute miséricorde
En ses griffes tout homme aussi puissant qu'il fût
Ne peut que se soumettre aux tourments de ses hordes.
(à suivre)