Dans le labyrinthe où j'étais, il me fallait trouver le fil. Mais où était le fil de trame? Où, le fil de chaîne? Comment tout cela se tissait-il? Quel ordre pouvais-je reconstituer?
J'ai examiné chaque pièce en détail, je l'ai dit, déjà. Et j'ai cru bien faire ensuite en cherchant les ressemblances. Car, enfin, pour recomposer, il faut trouver des points d'articulation, de jonction. Et c'est l'examen des identités et des différences, qui permet de les découvrir.
Évidemment, lorsque l'on croit voir une ressemblance qui permette un rapprochement, il est encore possible d'être trompé. Si une scène se termine sur la présentation du personnage, et qu'une autre le montre, prêt à quitter la scène, il est permis de supposer que la seconde suit la première, mais ne la suit pas directement, à moins que l'histoire ne soit plus complexe qu'il n'y paraît et que la fin prévue ne soit qu'un leurre.
Il est difficile d'être certain. Alors, comment faire? Il faut s'exercer, composer, décomposer, recomposer.
C'est ainsi, en multipliant les hypothèses, que j'ai cru bon, finalement, de placer, en troisième partie, une pièce qui montre le personnage dans une action centrale, et, en même temps, tout à fait attendue.
La Morsure
La nuit déjà s'avance. Et vois-tu l'ombre, au loin?
C'est celle de la lune, agitée par la brise.
Le silence est dérangé, à peine, et, exquise,
La pâle lumière des étoiles, qui point.
Approche-toi de moi, si tendre et douce amie.
Sois sans crainte. Et laisse-toi aller; on ne meurt,
On ne vit qu'une fois. Ecarte ton ennui ;
Profitons de ce jour, et oublions les pleurs!
Entends-tu le doux son qui émande du monde?
Cette musique étrange est une invitation :
Mélodie envoutante ou sombre incantation,
Elle suscite en moi des passions profondes.
Dansons! N'hésite pas, laisse-toi emportée!
Invoquons de nos pas, nos gestes et nos coeurs,
Les dieux d'antan, les gnomes, les lutins rieurs!
Evoluons ainsi, lourdement escortés!
Ne quitte pas mes yeux. Je plonge dans les tiens.
Les éclats scintillants que je veux y pécher
Sont des perles d'azur, à l'espoir arrachées,
Et qui évoquent en moi des regrets trop anciens.
Bien... Serre-toi plus près; mais n'allons pas trop vite.
Sur ce rythme nouveau, il faut nous accorder.
Je sens ton doux parfum qui en mon âme excite,
D'une pleine vigueur, l'envie de te goûter.
Ne fuis pas si ma bouche erre sur ton épaule.
La douceur de ta peau m'est un délice rare,
Comme un homme assoiffé porte enfin son regard
Sur la neige infinie qui s'étend sous le pôle.
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Ne me résiste pas. Un baiser, est-ce trop?
Expose-moi ton cou, que j'y plonge mes crocs.
Enivrement sublime et nectar délicieux
Qui dilate mon coeur et mon âme et mes cieux.
Je me repais de toi, enfin abandonnée...
Tu glisses lentement - et je te laisse aller.
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Le silence demeure à peine dérangé;
Quelques gouttes encor chutent au sol et claquent;
Des "plics", "placs" où l'écho s'entête à répéter :
Qu'est-ce la vie sinon une petite flaque?
(à suivre)
