Puisque la clef de la compréhension de l'ordre correct des idées semble résider dans le principe de non-contradiction, il faut, pour assurer son choix, s'exercer à percevoir la contradiction partout où elle peut se trouver.
Or celle-ci repose sur l'idée d'une dualité irréductible dont on affirme pourtant l'unité. C'est comme affirmer que « oui » est « non », ou que « positif » est « négatif » ou que « l 'être » est « le non-être ».
Introduire la distinction entre l'être et le non-être est le fondement élémentaire de toute autre distinction.
D'un autre point de vue, tout à fait compatible avec le précédent, le « non-être » consiste précisément à présenter une dualité irréductible : ce qui n'est pas, c'est que l'être soit le non-être.
Ce qui n'est pas, c'est qu'il existe deux réalités incompatibles entre elles.
La réalité est une, et c'est cette unité qu'il faut en tout rechercher, par la chasse à la contradiction, à la dualité irréductible qui introduit le trouble et l'illusion dans la pensée.
Ce qui ne revient pas à dire que toute dualité soit une erreur : ne le sont pas les dualités qui s'unissent et s'ordonnent à l'unité de l'ensemble.
Et c'est sans doute à l'unité aussi que conspirent, malgré eux, notre "héros" et sa parèdre qu'il retrouve ici, après s'être exilé, semble-t-il, du monde.
L'Autre Royaume
Dans les marais noircis, sur les plaines fumantes,
S'attarde quelque fois un être merveilleux.
Sauvage, elle s'esquive, éperdue et errante,
Pour ne pas apparaître, innocente, à vos yeux...
Aucune habileté ne pourrait la surprendre.
Mais avec de la chance, et en sachant attendre,
Furtive, effarouchée, en train de se repaître,
Vous la verrez, peut-être..
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Profitez un instant de cette découverte;
Il n'est rien de plus beau
Dans ce sombre tombeau
Que cette nudité qui vous est toute offerte...
Et que cela fait-il si le plaisir est traitre,
Si la brulure en vous ne peut plus disparaître?
Seul compte désormais l'étrange sensation
Que procure à l'esprit cette vision lascive...
Drogue dure épurée, le corps de la rétive,
Indécente, s'expose à votre déraison...
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Un désir infini,
En des scènes de stupre et d'orgies,
S'élance dans vos crânes écartelés...
Et l'envie s'épandra, sans cesse martelée,
En vos corps pourpres et décrépis,
Pour empoisonner vos vies.
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Que d'os écrasés ainsi, sous les coups répétés
Et sous les contorsions de la belle reptile,
Pendant que la victime, abrutie et docile,
Apathique et servile, s'imagine embrassée!
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Quand de votre cadavre enlacé, au supplice,
Sous les sinuosités de votre séductrice,
Un liquide étonnant coulera goutte à goutte,
Vous l'aurez vu, sans doute...
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L'autre royaume est un autre trépas;
Et la tendre Lilith y règne, tout à côté de moi...
Lilith (1892), par John Collier (1850 - 1934)
(à suivre)
(Ne manquez pas la dernière pièce de ce puzzle!)