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Billet de blog 21 avril 2009

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Séquestrer un patron, c'est pô bien!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Chaque matin, en me levant et en écoutant mon poste, je me demande : et si aujourd'hui ca allait mieux?

Non, en fait, ça, c'est plutôt ce que j'aimerai me demander, mais je dois dire que je n'y pense pas spontanément en me levant. La vérité, c'est plutôt : "alors qu'est-ce que les journalistes auront trouvé aujourd'hui pour faire parler?" Sans doute suis-je trop insensible : la crise ne me touche pas encore directement (même si je sens que la menace se rapproche). Mais je suis toujours étonné des polémiques qui rebondissent et se répondent de jour en jour avant de disparaître dans le silence feutré des couches hertziennes et des profondeurs internautiques. Sarkozy a dit que... Ségolène a répondu que... Paroles, paroles, encore des paroles qu'ils sèment au vent, comme chantonnait à peu près une grande médiatique...

On promet toujours des discussions de fond, des analyses qui vont dépoter, quand on aura le temps, après l'analyse de forme, évidemment, et... on attend toujours! Et pour cause : il est assurément plus difficile de penser que de "bistroter" (si l'on me permet ce néologisme pour évoquer les discussions de café du commerce qui hante de plus en plus nos ondes). Mais enfin, à force de toucher le fond, il faudra bien que le "coeur intellectuel" du pays (si j'additionne les journalistes et leurs invités forcément experts) réussisse à se détacher de la forme - pieux espoir, me dit-on.

En attendant, je trouve quelque distraction à relever quelques contradictions dans les discours des uns et des autres. Une chose qui m'a frappé ces derniers temps, c'est la manière dont la crise, qui ne s'arrange pas, a suscité des réactions de plus en plus radicales.

Non, non, je ne parle pas des ouvriers qui séquestrent leur patron (ça, c'est "normal", si j'ose dire). Je veux parler des réactions que ces séquestrations ont suscitées. D'abord timides, puis de plus en plus sévères.

Les revoilà, les chevaliers de la bonne conscience : "Ce n'est pas bien! On peut comprendre, mais il y a des limites. Il faut appliquer la loi!"

"Ce n'est pas bien!" Et, certes, séquestrer est un acte violent. Mais enfin je ne comprends plus. Cela fait quelque temps maintenant que tout le monde ou presque s'accorde pour dire que "moraliser le capitalisme" n'est pas possible, non pas parce que le capitalisme est immoral, mais parce que l'économie n'a rien à voir avec la morale. Il n'est donc pas question de "bien" ou de "mal" en ce domaine. Hop, circulez, la rémunération des grands patrons, ce n'est ni bien ni mal. Tout ce qui compte, c'est l'efficacité économique! (Pour qui? Chut... n'allons pas si loin dans l'indiscrétion).

Bon en même temps, naïvement, je me dis que séquestrer un patron, c'est un acte qui se passe dans le cadre de relations économiques, et qui est, ma foi, assez efficace. Mais, là, c'est MAL. Alors, allez comprendre...

"Il faut appliquer la loi!" Eh oui, c'est vrai que pour les ouvriers, il y a des lois qui leur interdisent des actions économiquement efficaces. Tandis que lorsqu'il s'agit des patrons, surtout pas de lois!! Ou alors vraiment un petit "décretinounet" de rien du tout, parce qu'il ne faudrait pas brimer ces pauvres gens si utiles pour la société, et si capables pour (prendre l'argent de) leur société.

Donc pour les ouvriers, des actions économiquement efficaces pour eux sont immorales et illégales. Et pour les patrons, des actions économiquement efficaces pour eux sont amorales et légales.

Evidemment, je ne suis qu'un petit observateur lointain de tout cela (je n'ai jamais acheté une action, imaginez!), et je suis même pour la morale (c'est dire si mon cas est sévère). Mais lorsque je vois la manière dont les deux choses sont traitées, il y a mon mauvais fond qui revient : je me dis qu'en l'occurrence, on est faible avec les forts et forts avec les faibles... et qu'il y aurait peut-être derrière tous ces discours si... différents... une certaine domination de classes...

Mais ça c'est mon mauvais fond... Comme quoi, finalement, on a peut-être raison de s'en tenir à la forme, c'est tout de même plus joli.

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