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Billet de blog 28 mai 2008

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Vive le libéralisme!!!!! (Régulé)

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Tout compte fait, il est bien peu de choses qui sont absolument certaines en ce bas monde. Mais, depuis le fameux point archimédien de Descartes, l'humanité a enfin fait un grand bon en avant. Car après le cogito ergo sum, il y a sans doute une seconde certitude inébranlable : aucun autre système économique ne peut être plus juste et plus performant que le libéralisme. Cette affirmation ne souffre guère la contradiction si l'on doit en croire le ronronnement des spécialistes de l'économie médiatiques.

Il faut bien dire que la thèse est séduisante, mais qu'elle est aussi tout particulièrement osée.

Elle est séduisante parce que les mots nous plaisent. Ce n'est pas une nouveauté : déjà, les sirènes se servaient de leur voix pour envouter Ulysse. Or qu'entend-on dans le libéralisme? La liberté. Et qui serait assez sauvage pour être contre la liberté? D'ailleurs, on a bien vu ce que pouvait donner un système antilibéral et anticapitaliste, en URSS et ailleurs.

Point de liberté point de salut. Donc point de libéralisme, l'esclavage.

Ce raisonnement est tout de même un peu simpliste. C'est oublier que la liberté n'est pas une notion transparente, et que les philosophes s'arrachent les cheveux (qu'ils ont rares, dit-on) pour savoir en quoi elle consiste exactement et quels en sont les conditions. Etre libre, est-ce pouvoir accomplir ses désirs? Est-ce pouvoir faire n'importe quoi? Peut-on être libre tout en se soumettant à des règles?

Laissons cela pour le moment.

Car la thèse du libéralisme triomphant est surtout audacieuse, à cause de l'actualité qui semble particulièrement instructive.

Rappelons-nous : l'affaire de la société générale, l'affaire des subprimes, les inégalités qui se creusent entre la rémunération des grands patrons et celle des autres, la spéculation sur le pétrole, etc.

Bref : beaucoup d'instabilité économique, pour dire le moins.

Et qu'entend-on? Que le libéralisme n'est pas en cause (dixit J.M Sylvestre) mais qu'il faut simplement trouver à le réguler.

Alors là, soudain, un énorme doute m'envahit. Ai-je jamais compris ce qu'est le libéralisme? Ai-je révé lorsque j'ai lu et entendu des libéraux expliquer qu'il fallait que l'Etat cesse d'intervenir dans les affaires économiques? M'illusionnais-je lorsque je croyais que l'-isme du libéral signifiait qu'il ne fallait offrir aucun obstacle au marché capable de se réguler tout seul? Et que toute intervention extérieure était le facteur déstabilisateur?

Mais il y a mieux. Savez-vous comment nous réglons la crise banquière issue des subprimes? Les banques centrales proposent l'argent que les banques ne veulent plus se prêter.

Ai-je bien entendu? Pour sauver le système libéral, il a fallu quoi? Que les Etats le garantissent?

Alors, bon, bêtement, j'en aurai conclu que la philosophie du libéralisme économique est essentiellement contradictoire, puisque son modèle ne survit qu'à la condition qu'il enfreigne son principe : l'intervention de l'Etat dans l'économie est facteur de désordre.

Mais non. Il parait que c'est normal, parce qu'il faut simplement que le libéralisme soit "régulé".

Mais au fait, comment appelait-on une économie régulée par les Etats autrefois? Peu importe, c'est le nouveau libéralisme. Très bien.

Il y a des gens qui mettent tellement de temps à s'avouer vaincus qu'on finirait par les croire vainqueurs. Le pire est sans doute qu'ils réussissent encore à faire des émules, à force d'agiter des mots devenus pourtant bien vides de sens.

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