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Billet de blog 19 octobre 2022

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Revue Réparations — L'envers d'un rêve — Angélique Dupommier

À un endroit de violence systémique, Angélique Dupommier apporte une autre lumière sur des vies pour lesquelles la bonne société n’a souvent que jugements sans appel : celles qui incarnent, chacune à sa manière, chacune avec ses enjeux, la figure de la mauvaise fille. ||||| DANS CE TEXTE IL EST QUESTION DE VIOLENCES, NOTAMMENT DE VIOLENCES SEXUELLES SUR MINEURE, AVEC DES PASSAGES EXPLICITES |||||

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

[Dans la société des années 1990, Angélique Dupommier est une adolescente pressée de voler de ses propres ailes, tout droit vers un bonheur aux allures de contes de fée version fashion. Intelligente, critique, mais démunie face aux mensonges et aux implicites et ignorante de tout ce qu’on ne dit pas aux jeunes filles, elle se jette dans la gueule du loup. Il lui faut dès lors apprendre à tenir rêves et lucidité sans s’écarteler. Ce texte est une forme de sa détermination à aller vers la liberté et le bonheur, même par des chemins parfois non conventionnels. Il vient mettre de la justesse et de la douceur à un endroit de violence systémique, apporte une autre lumière sur des vies pour lesquelles la bonne société n’a souvent que jugements sans appel : celles qui incarnent, chacune à sa manière, chacune avec ses enjeux, la figure de la mauvaise fille.]

Illustration 1

C’est une histoire floue. Tout est mélangé : le temps, toi, il et elle. Le passé s’est passé, le présent et le futur aussi.

C’est flou comme la mer quand le ciel est un peu gris, qu’il n’y a pas d’horizon. Quelques rochers pour repères. Un peu, beaucoup, assez effacée, c’est une histoire qui a déjà brûlé, fondu.

Tu peux la lire si tu veux, j’essaie de mettre de la douceur mais à plein d’endroits ça ne tient pas. Le long des couloirs des portes claquent, des chambres froides, des salons enfumés. On aperçoit des prairies.

Tu peux aussi t’arrêter là si tu crains que ça te brasse. Pour être claire, dans ce texte il est question de violences, notamment de violences sexuelles sur mineure, avec des passages explicites.

— — —

Tu entres, souriante, je suis rassurée. J’ai chassé les si dans ma tête. Si je ne reçois pas ton message, et si tu ne réponds pas, et si... Non, je n’ai pas de démaquillant, est-ce que je peux essayer tes fringues ? Ça me va bien, entre nous, une minute. En partant, on continue la discussion. Est-ce que je comprends ? Je ne le ferai pas, mais je comprends que tu le fasses.

Des fois je me suis dit que j’aurais mieux fait, tant qu’à faire, mais ça n’a rien à voir. Tu gères, tu contrôles. Tu prends un rôle, deux heures, tu le remets sur le cintre. Tu joues, tu gagnes, il applaudit. J’aurais pas pu. Tu connais ta valeur, j’avais besoin d’illusions. Il y avait ce caillou qui aspirait tout et tout ce qui brillait était bon à remplir le ciel. J’évoque en passant une histoire banale, particulière. Ça me va que tu ne veuilles pas savoir, j’ai pas l’intention de jeter un froid entre nous. Juste une minute, d’un ton détaché.

Détachée comme une ombre. Faire quelque chose de cette tache. Ça ne s’affiche pas. L’orifice au musée fait refluer les touristes. Je serais restée, j’aime la vérité. Insultée et belle. Exposée et digne.

Seule dans le camion sur le trajet du retour, je me demande qui conduit. C’est après toi, après l’amour, août. J’allume la radio, décembre. Radio rétro, les émotions comme l’ammonite dans la pierre fendue. Ça chante je vis, j’ai mal, je ris, vous me ferez pas crever d’ennui. Je monte le son. Je coupe le contact. Un pied dans le présent, quelques heures à passer et j’ouvre la valise, ma valise, celle qui voyage dans le temps.

Il habitait en face, de ma fenêtre je voyais la sienne, depuis la cuisine aussi. Il m’a vue danser mais non, je ne danse pas pour toi. Je le trouvais beau, cool. Les gens l’aimaient pas, délinquant, mauvais gars, sa pauvre mère. Les gens sont méchants. Mais on l’appelait pas pute, on y pense pas pour un gars. Chez lui il y avait son vieux père, dans des vieux meubles. Dans sa petite chambre, une télé, un lit simple. J’entrais dans la cour des grands. Premier pétard, quelques caresses plus tard il a envie d’aller plus loin mais tu as peur ? Elle est trop grosse ? On ne le fera jamais finalement. J’ai écarté le rideau en reboutonnant ma chemise, comme ça, pour voir dehors. Il m’avait avertie pourtant, mais je voyais le mal nulle part. Elle verrait pas un éléphant dans un couloir, disait ma mère. En face, j’hallucine ou iels ont sorti les jumelles ? En face, sans doute je baisse encore les yeux, peut-être je réponds non, je ne l’ai pas fait, peut être, déjà, je ne dis rien.

Le silence comme du sable. Un sablier immense. Du sable sur les yeux, dans les oreilles. Du sable sur les menaces et sur les bonnes manières. Nous voilà dans le désert. Les hurlements, ce doit être le vent. Le vent que rien n’arrête. Du silence contre la morale. Haine contre mépris. Du silence à rendre, à devenir dingue. Le vent violent. On pourra bien faire semblant qu’il ne s’est rien passé, ces deux années, quelques cheveux blancs de leur côté et mon ombre qui a cillé.

C’était un jour de grand soleil, le début de l’été, on s’était faites belles. Ce n’est pas une raison je le sais maintenant. Je voyais que ça se faisait pas de s’exposer, que j’avais qu’à pas. Sourire, parler, accepter des tours de manège. On était des gamines qui faisaient des tours de manège. Le suivre dans sa caravane pour écouter de la musique. Je ne sais pas s’il a mis de la musique ou si direct il m’a couchée sur le lit, écarté ma culotte, entrée sa bite, sortie, éjaculé. Tu es déçue, elle est trop petite ?

Une minute dans une vie, une goutte ? Est-ce que j’ai saigné un peu ? Je n’avais pas eu mal. J’avais eu rien. Ça, c’est fait, je n’ai plus peur. En tous cas, plus peur de rien.

Tu sais, je ne t’écris pas. Surtout, je ne t’écris pas ça. C’est juste : j’étais là-haut avec toi, au-dessus du monde, j’ai chuté, je ne sais pas pourquoi, dans les eaux profondes.

Dans mes oreilles, dans cette chanson, il y a la puissance. La magie — je peux fuir par les airs — et le rythme — toujours on avance —, les sens qui s’amplifient, aux enfers comme aux paradis. Puissance dans un coquelicot. Puissance et faiblesses. Pourquoi tu me regardes comme ça ?

Peur quand même de la mort, le néant c’est pas rien.

Ils avaient quitté la grande route, pris une plus petite qui montait. On est passés devant la maison de mon amie d’enfance. Je n’ai pas dit oui, mais je l’ai fait, la peur peut-être ou parce qu’il m’a demandé gentiment, comme mon frère quelques années plus tôt. Allez, juste un peu, s’il te plaît. S’il me plaît ? Il sentait que je mouillais, est-ce que ça voulait dire que ça me plaisait, ou que j’en avais envie ? La peur encore, pas de capote, j’ai dit non. Ils m’ont demandé de sortir, ils sont partis et rien. Je n’étais rien. Honte au bord de la route, ça se fait pas de céder. Rien qui voulait tout, à l’instant, pouce en l’air, coup de vent, un tas de feuilles quelque part.

Pouce en l’air avec toi, pour n’importe où, tant que c’est ailleurs, hors contrôle. N’importe quelle rue, bar, boîte, voiture. Même dans les toilettes de la bibliothèque. Tu avais posé ta tête sur mes cuisses puis on a changé de place. Ça me dérangeait pas l’odeur de ton sang, tiède, avec les cigarettes. On était en vacances, en quelque sorte. Tu voulais voir ton amoureux, il n’y était pas mais peut-être on pourrait l’attendre. On attendait, on emmenait son petit frère à l’école le matin et puis on restait à rien faire, regarder parler les gars, tourner les joints. Le plus jeune avait notre âge, c’était l’amant de sa mère, la petite amie de ton mec est passée dire bonjour, j’ai suivi un gars dans une chambre, impolitesse ou irrespect apparemment, la boulette de trop, elle nous a virés. On allait partir de toutes façons. Pas facile de faire plaisir à tout le monde. Toi tu disais toujours non, moi je disais presque toujours oui. C’est-à-dire que je ne disais rien, et qui ne dit mot... Je laissais faire, peut-être que parfois j’en avais envie, je ne sais plus. Je voulais accrocher quelqu’un, quelques temps, parce que pour ça on m’appréciait et c’est important d’être pas que détestée. Il y avait l’amitié, oui, mais j’allais vite, dans le tourbillon parfois je l’égarais et puis j’avais besoin de trop, tu ne pouvais pas être toujours là, ça ne pouvait pas être toi pour tout. J’essayais d’être aimée. Je consentais par habitude, par intérêt, pour dire merci. Comme à ce lycéen qui nous avait hébergées. C’était pas grand-chose. Comme regarder un téléfilm. Des fois y’a des navets, des fois c’est distrayant.

Ton éduc’, je l’aimais bien, ça a duré assez longtemps, quelques mois. Au foyer j’avais embrassé un garçon, il nous avait arrêtés. Ça se faisait pas. Qu’est-ce qu’il faisait là ? On est vraiment tranquille nulle part. Plus tard il m’invitait chez lui le soir — fumer, boire, faire l’amour. Ça se faisait. Et puis on parlait, j’ai oublié de quoi, je le trouvais sympa. Est-ce qu’il était sympa ?

Décision obscure du directeur — tu te rappelles comment on l’appelait ? C’est homophobe mais à l’époque on trouvait ça très drôle. Je n’avais plus le droit d’entrer au foyer. Dégoûtée, triste, mais j’en tirais de la fierté. Je me distinguais, j’étais mauvaise, j’étais pire.

Troisième conseil de discipline, auquel je ne suis pas conviée. Quelqu’un m’a défendue paraît-il, celui qui vivait avec son ancienne élève. Je suis virée du collège parce que je n’y vais pas assez. Et quand j’y vais je n’y fais pas grand-chose, je dessine, j’écris, des fois je m’endors. C’est dur à tenir une double vie, et le harcèlement des ados, et le mépris des profs. Iels s’étaient vengé·e·s. J’avais fait la cigale, j’avais bien ri avec mes ami·e·s, j’avais bien défié l’autorité, j’avais bien tapé sur les nerfs, je faisais moins la maline. Les ami·e·s parti·e·s, réparti·e·s, la petite bande dissoute, j’étais seule maintenant et c’était insupportable. Ça t’as gênée que des gens nous appellent lesbiennes, tu as retiré ta main, ta joue. Tu m’en as voulu de mettre une baffe à ton frère alors que je me défendais. Même dans la cour tu ne me parlais plus, tu disais que les pionnes surveillaient et qu’elles le diraient à ta mère. Ta mère, elle avait trouvé dans ta chambre une lettre de moi — on n’est nulle part chez soi — pleine de mauvais conseils... Comment dresser ses parents. Je plaidais l’humour, mais dans ce sens ça ne passait pas. Comment éduquer ses parents ? Vous voyez, il faut toujours que tout descende, et moi aussi je descendais.

À la maison le froid, les reproches, les suspicions, les inspections, les insultes, les coups. Au collège les insultes, les moqueries, les humiliations. Dans la rue les regards. Au lavoir un gamin me pisse dessus, ils rigolent. Tant pis, je passe, je dépasse les bornes, si ça se trouve, je dépasse la rumeur.

C’est moi qui dois partir donc, mais pour aller dans un autre milieu hostile, le cuir de Mousse sur les épaules, carapace, rester classe. Je le voyais comme un protecteur, puis il m’a violée lui aussi, c’était tellement facile.

Dans ce collège deux personnes me parlent, un garçon dans la cour — et très vite il me demande où et quand on pourrait baiser — et le principal, dans son bureau. Il trouve que je choisis mal mes fréquentations, pose des questions déplacées, fait des avances mal déguisées, prédit même mon avenir. J’abonde dans sons sens, vous serez mon premier client. Il est hors de lui, je jubile en m’enfuyant. La porte claque, je ne reviendrai pas. Les grandes vacances d’hiver. Du sable en guise d’explications, qu’importe, et puis qui croirait ?

Pour ton parrain, tu ne voulais pas me croire. Ça voulait rien dire, qu’il prenne ma main pour la masser, la caresser. Pour ton frère, tu m’en as voulu. Je m’étais allongée sur son lit, j’avais fermé les yeux, j’attendais un baiser. Il a mis son doigt dans mon vagin, j’étais pas une princesse. Moi non plus au début je voyais pas que c’était un connard, c’est devenu officiel, il est venu manger à noël.

Ça irait vite de dire que je manquais de repères, mais des repères il y en avait, à profusion, jusqu’à la nausée. Des panneaux partout : exit.

Au commissariat je dessine des mort aux vaches sur les prospectus. Je fume dans les chiottes du tribunal. Si c’est la seule sortie, je peux bien disparaître au fond de la cuvette, vers le fleuve, savent-iels dans quoi je me lave ? Que c’est elleux qui font l’eau sale ?

Dans les mains du juge, des pages qui m’appartiennent, des écrits intimes que j’avais négligé de détruire. Le viol de l’âme. Le viol collectif de l’âme. La connivence adulte. L’entente entre institutions. Ridicules, à coup de bélier dans la porte quand le toit est grand ouvert. Bonjour oiseaux, sœurs. Regardez-les avec leurs petits statuts, leurs petits carcans, leurs scléroses d’esprit, nous juger. Le psychiatre, psychopathique dit-il, je prends le dictionnaire. J’entends que je détruis ma famille. J’entends ta pauvre mère, j’entends ma pauvre mère. Dessine-moi un monstre.

C’est vrai je me suis demandé ce que ça faisait de mourir, et de tuer. Je les imaginais à mon enterrement, pleurer, regretter. Sûrement iels m’aimaient, iels m’avaient aimée, il devait bien rester quelque chose de ça. L’amour ça se mérite.

Tout ce que ça coûte déjà — manger, dormir, fumer. L’amitié est gratuite. L’amitié c’est de l’amour, c’est vivant, c’est vraiment.

Marcher main dans la main et se coucher sans se toucher, meilleur·e·s ami·e·s, c’était parfait. Je me rappelle quand elle a pris cette photo : mais la tiens pas comme ça ! Alors c’est moi qui te colle, j’ai pas à faire virile. Le joli couple, tapette et pute. Les gens on s’en moque, à pleurer de rire, à en choper des crampes. Loin, seule, je voulais rire encore.

Sur une route, au hasard, dans le trouble, passe cet homme que j’aimerai beaucoup. Il s’appelle comme une insurrection, c’est comme ça qu’il l’interprète, le nom a d’autres sens. Dans ma valise, il y a des serviettes en papier, ses lettres d’Angleterre. J’ai donné le poncho qu’il m’avait offert et les bagues que sa copine avait refusées. J’étais sa petite princesse, on pouvait pas m’appeler Blanche-Neige, j’étais sa princesse Barbie. Il me disait stop, il s’arrêtait, il m’arrêtait. Un jour il m’a menottée au volant de sa voiture, embrassée, détachée, juste un petit jeu. Est-ce que j’étais le jouet ? Il avait un flingue. Est-ce que j’ai pensé à quelqu’un ? Visé la télé, petit jeu, gros bruit. Explosion dans le silence. J’avais traversé. Le printemps revenait, le monde reprenait des couleurs, mes vêtements aussi.

Un nouveau juge, bilan. Faire bonne impression. Pantalon à fleurs, dire bonjour, faire l’effort de sourire, bien se taire. Quelques oui, non aux bons endroits, chacun·e sa place. Elle parle pour moi : je vais beaucoup mieux maintenant, je suis inscrite aux cours par correspondance, j’ai un copain qui vient me chercher tous les soirs, un gentil garçon, sérieux, il a huit ans de plus, mais on s’entend bien. Et blanc, il faut le dire qu’il est blanc, bien peigné, pas « un singe ».

J’ai carte blanche pour l’amour et la fête, c’est reposant. Je suis sage, en quelque sorte. Alcoolique mais casée. Je parle mariage, bébé un jour. Ça doit être chiant en fait. Ça me coûte et ça se voit. La baffe est bienvenue, je cherchais un prétexte. Il a quitté ma mère, j’ai quitté mon chat, son frère, ses amis, ses voisins.

Je te retrouvais. J’étais majeure, j’étais libre, j’étais moi. Mais ça ne suffisait pas, j’avais toujours besoin de quelqu’un, tout près.

Elle m’avait refilé son travail, mieux à faire, mais pour moi ça irait. J’étais nulle, mais de bonne compagnie, et puis j’étais pas vraiment payée. Logée, nourrie, alcoolisée, enfumée. Quand il y avait un peu d’argent dans la caisse on allait danser, quand elle a été vide, tout s’est arrêté. J’étais amoureuse de mon collègue, je l’ai plus revu.

Alors, d’autres fêtes, je cherchais des bras. Il n’était pas beau, ni intelligent, il était juste là, maintenant. Il n’a pas été sympa, il m’a surprise. J’ai crié, je me suis évanouie. Il m’a accusée de faire semblant, reproché le bruit : à côté, les gens... Les gens, je n’osais pas les regarder. Je lui en voulais, je m’en voulais. Une fois de plus, je m’en voulais. Ça fait ça, la culture du viol, la société complice. Un homme à la radio dit qu’il faut plutôt parler des vrais méchants. Sa gueule. Je vois sa gueule en sang sur la table. #youtoo.

Un tout petit dinosaure, vert, seul sur la place. Ce n’est pas un signe. C’est un signe de quoi ? J’ai d’autres choses à faire, mais je dois finir cette histoire, la recouvrir encore.

Je t’ai juste dit qu’on avait baisé. Oh, non ! Pas lui ! Il est moche, sors avec des beaux mecs ! Pour toi aussi, j’avais quelque chose de Barbie, je faisais le mannequin. Quand tu me l’as présenté, c’était une des premières choses dites : Comme elle est belle. Et regarde ses seins, tu veux bien lui montrer tes seins ? Je soulevais mon T-shirt, tu me voyais œuvre d’art. Et elle ? Je l’admirais. Son assurance, à la limite de l’arrogance. Un jour elle m’a dit j’ai arrêté de coucher avec tout le monde quand j’ai commencé à me respecter moi-même. Ou était-ce n’importe qui ? Je choisissais pourtant, je choisissais souvent.

J’ai suivi ton conseil. J’ai aimé ton meilleur ami. MDMA, la foule, le froid, nous trois, au matin dans son lit. Tu vas à la boulangerie. Vite, doucement, je l’attire en moi. Sa première fois. Mon premier orgasme avec quelqu’un. Tu reviens, Oh, non ! Pas lui ! Promets-moi que tu ne lui feras pas de mal.

Est-ce que je promets ? Il râle que je m’habille mal. Prétexte ? J’en ai soupé d’être une poupée.

Taz, il est si beau, j’aime mon meilleur ami. Je ne suis pas cruelle tu sais, je suis folle de vie, de soleil, de fêtes, à m’en tourner le cœur.

— — —

Rêveries

Tu me dis que je suis belle et je ne sais pas quoi répondre. Merci ? Toi aussi ? Je sais ? Est-ce que je le saurais si tu me le disais pas ? Longtemps, je le voyais partout. Tous les yeux comme des miroirs magiques. S’ils avaient pu me dire que j’étais douée et intelligente, peut-être je regarderai le monde depuis un gratte-ciel. Peut-être pas.

Je suis bien là.

Tu me le dis et c’est tout autre chose. Le mot a mué. Mis sa plus belle peau, celle d’aujourd’hui.

Angélique Dupommier — Réparations, numéro zéro — juillet 2022.

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