Il y a trente ans, un homme que je considérais comme un ami, - lui me considérait au moins comme un cinéaste, cet homme, Jean-Louis Bory, se tirait une balle dans le cœur.
Aujourd’hui, la critique de cinéma se tire une balle dans le pied et elle se rate.
Je n’ai pas peur d’attaquer la/les critiques car c’est leur suffisance, leur insuffisance, leurs absences, leur « effacement » que je vise, leur fermeture à ce qui est nouveau, inédit, plein. Un critique devrait être lui-même inventeur, découvreur, créateur, son statut devrait n’être que passager, provisoire, occasionnel.
Ce que j’aimais chez Jean-Louis c’est son courage, son intransigeance, son intelligence, son entêtement passionnel, ses doutes et ses certitudes.
Il se battait pour sortir de la clandestinité quelques-uns de mes films qu’il regardait, seul , en face à face, sans être noyé dans un visionnement communautaire, convenu, routinier.
Je voudrais ici, narrer, sans doute naïvement, cette anecdote d’il y a quelques années déjà, l’histoire d’une projection pour 2 ou 3 personnes dont 1 critique, d’un film toujours inédit. La fin de la projection fut d’abord un silence sans temps ni mesure, un silence qui ne trompe pas. Puis le critique dit : « Je suis aussi ému que lorsqu’en ce même lieu je découvris pour la 1ère fois, il y a longtemps, un film traitant du même sujet. » (Je ne nomme pas le film.)
Je me suis dit ; cette réflexion ne peut, ne doit rester intime, elle sera publiée, proclamée à haute voix. Il n’en fut rien. J’avais à tort projeté sur un autre la fausse conception de découverte, de révélation.
Cette conception, nous l’avons partagé avec Jean-Louis Bory jusqu’à ce que son cœur se brisât.