VICTOIRE DE LA MORT ?
L’image d’un petit garçon mort, ou celle du même petit garçon qui a grandi, devenu homme et guerrier, est-elle aussi insupportable ou vaut-elle celle d’une petite fille morte ?
Si cette petite fille est morte de la guerre, sa seule image est-elle plus forte que la mort elle-même ?
Faut-il être le témoin direct de la mort au travail et prendre le risque d’être tué soi-même, au même instant, des mêmes éclats de mort ?
Mais comment, alors, pouvoir raconter le vécu de sa propre mort ?
Peut-on revivre et faire revivre la mort de l’autre, son martyr ?
N’est-ce pas dans le confort, l’intimisme et l’optimisme de la solitude d’écrire, de réfléchir, que l’on peut parler l’injustice précoce de mourir ?
Fallait-il, faut-il représenter la mort en croix, faut-il peindre, icônographier, photographier, filmer la mort en chemin, quel qu’en soit le terme ?
Faut-il faire de la mort un plaisir non esthétique de voir, comme faire d’un orgasme, un plaisir figé au plus haut de sa courbe ?
Faut-il faire de la mort un objet de délectation, l’étendard claquant au vent d’une haine inconsciente, se révélant comme la jouissance, la revendication de pouvoir haïr, non comme l’exclusivité, le privilège d’ une réelle, émotionnelle compassion ?
Marcel Hanoun - cinéaste