La censure est un hologramme, une forteresse imaginaire, son mirage, une chimère.
Nous produisons, projetons une censure que nous portons en nous, intime, refoulée, sournoise. Nous l’entretenons secrètement et ne voulons connaître, reconnaître de censure, que celle, étrangère, à laquelle nous feignons vaniteusement de nous affronter, plus que nous n’osons la contourner de notre seule intelligence.
Un éclairage brutal de la censure ne la dénonce pas. C’est bien la réflexion, l’incidence de sa mise en lumière qui la désigne, sombre, évidente sans qu’il soit besoin de la nommer.
Crier à la censure, seulement la nommer, c’est ériger une haute barrière entre une morale à laquelle elle prétend et notre propre morale.
La censure précède la censure.
En amont est le secret barrage de la censure, dans la muette fabrique de nos refus, de nos résignations de nos faciles démissions et de nos interdits, dans l’acte même de créer tout en préjugeant, futilement, de difficultés, d’empêchements, d’obstacles à être montrés, diffusés, reconnus.
La vraie censure n’est pas frontale, visible, elle sera toujours celle, cynique, pernicieuse, que nous exerçons envers nous-mêmes et malgré nous.
Marcel Hanoun
P.S. : J’ai, par mégarde, effacé un commentaire « négatif » sur un précédent texte, « l’acte audio-visuel ». Est-ce pour cela avoir perdu un interlocuteur probable ? Peut-il encore se manifester s’il me lit encore ?...