J’hésitais à en faire état. C’était en 1972, dans un café de la place des Ternes. La dernière fois où je rencontrais Frédéric Mitterrand. lui qui avait beaucoup fait pour « le Cinéma d’Art et Essai ». Je venais de lui annoncer mon intention de faire une grève de la faim. Il désapprouva, furieux. Nous ne nous revîmes plus jamais. Je fis effectivement une grève de la faim, pour ce que l’on appelle hypocritement, avec démagogie, cette variété de tarte à la crème des plus énormes, la « liberté d’expression ».
Je lis dans « Le Monde » du 19/20 juillet , en intertitre d’un papier sans intérêt : « Pour Frédéric Mitterrand, Orelsan « a le droit tout à fait légitime de composer sa chanson et de la chanter où il veut. »
J’avais fait cette grève de la faim, juste pour demander la re-lecture par une commission du C.N.C. d’un scénario précédemment refusé. J’avais revendiqué ma liberté de créer, plus que de produire, un film, dans la continuité, la cohérence, d’une œuvre entreprise depuis les années 50.
La liberté d’expression n’existerait-elle qu’à être nommée ? Elle est sans fondement réel. N’est elle qu’à être dite suavement, la bouche en cœur ? La vraie liberté d’expression n’a pas à être dite comme une messe, un rituel incantatoire, elle est ici, elle est là, elle est d’ailleurs. Elle n’est pas dans une expression libre, jargonnesque, insultante, faisant fi de la non innocence des mots. La liberté d’expression ne se marchandise pas.
Pour moi, elle s’exprimera enfin à travers la rétrospective de mes films, à la Cinémathèque Française, au printemps 2010. On pourra alors découvrir entre autres CHEMIN D’HUMANITE, film d’une acuité/actualité sociale, tourné en 1994 sur le licenciement en 1984 des ouvrier de Massey-Fergusson. Film qui trouvera enfin sa liberté d’expression, faute de ne l’avoir déjà eue dans un maelström télévisuel, dans un fatras d’expressions « libres ».
Marcel Hanoun - cinéaste