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Billet de blog 16 novembre 2011

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révolte des mabawas

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pendant la grève un hebdomadaire d’informations locales avait souligné, à l’attention de ses lecteurs fraichement arrivés sur l’île que les « mabawas » sont le nom indigène donné aux ailes de poulet , lesquelles viennent par conteneurs entiers des surplus d’ abattoirs bretons ou brésiliens et sont vendues congelées par cartons de 10 kilos pour pas cher du tout. Si on veut manger de la viande moins chère que le mabawa on est obligé de manger son propre chat ou d’attraper sa chauve souris. Le ou la journaliste avait ensuite précisé que les Mahorais en étaient friands. « Friand », s’il faut en croire le dictionnaire se dit de celui « qui recherche avidement ». Qui ne peut pratiquement pas s’en passer. Les Allemands ont leur bière, les Anglais ont leur viande bouillie, les Italiens leurs pâtes et les Mahorais ont leurs mabawas, dont ils sont friands comme le maki l’est de bananes, comme DSK l’est de mapuka, comme le métro l’est de camembert. Au mieux un accro, au pire un drogué. D’ailleurs dans les mêmes pages du même journal un long complément d’enquête avait été réservé à une nutritionniste qui, statistiques en main, constatait douloureusement que le mabawa moyen était composé d’environ quatre vingt pour cent de trucs pas bons du tout pour le cœur, le foie, les reins, le pancréas, des sucres par exemple, et des graisses aussi, surtout des graisses, presque 80% de graisses, rendez-vous compte et c’est à se demander si les Mahorais et Mahoraises savent exactement ce qu’ils mangent avec une telle avidité. Surtout que lorsque la graisse est grillée c’est encore pire ! Au mieux on doit leur pardonner parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font ; au pire on a à faire à des rustauds fiers d’une malbouffe qui ne peut trouver grâce ni auprès du bon goût ni auprès de la science. C’est surement pas à Neuilly qu’on mangerait des horreurs pareilles. Bon, à Mayotte c’est comme ça. Il y a dix-sept ans de cela, encore jeune, encore mince, encore hyper actif, et ignorant encore de l’orthographe même du mot « cholestérol », entraineur de l’équipe de foot de Bandraboua, j’avais convié les responsables du club à discuter de la saison à venir autour d’un gigot de mouton que j’avais moi-même préparé, piqué à l’ail, parsemé de morceaux de beurre, cuit au four pendant longtemps à feu pas trop vif, arrosé tous les quarts d’heure de son jus de cuisson, accompagné de ses pommes de terre. Douze ans d’expérience de cuisinier derrière moi pour arriver à ce degré de succulence que, même à Neuilly, on ne trouverait sans doute pas si facilement. Je n’étais pas à Mayotte depuis six mois et je désirais impressionner l’élite sportive locale avec un produit qui ne faisait pas vraiment partie de leur ordinaire. Je me disais que s’ils étaient heureux des talents du chef ils feraient confiance aux conseils de l’entraineur. Ils durent être impressionnés puisqu’à l’issue du repas il ne restait rien du gigot de huit livres ni du kilo de pommes de terre servies avec. Je me souviens avec fierté de leurs mines réjouies, de leurs airs rassasiés, de leurs sourires satisfaits voire béats ; un vrai tableau de Breughel. Il ne restait pas un seul petit bout de viande collée à l’os, pas une goutte de lèchefrite, il ne restait rien vous dis-je et je crois, aujourd’hui comme hier, que si j’avais servi deux gigot au lieu d’un seul il n’en serait pas resté d’avantage. Mais alors !... Les Mahorais seraient aussi friands de gigot ?! Décidément les peuples indigènes se révèlent parfois bien surprenant.

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