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Billet de blog 23 janvier 2012

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bilan des 6 premiers mois de la campagne présidentielle du NPA

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

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 bilan des 6 premiers mois de la campagne présidentielle du NPA

Les signataires de ce texte, membres du courant Gauche Anticapitaliste, courant unitaire pour

l’écosocialisme, ont défendu une orientation alternative à l’orientation majoritaire définie à la CN

de juin 2011 concernant l’élection présidentielle, orientation avec laquelle ils étaient en désaccord

radical. Ils ont également porté un jugement très négatif sur les modalités suivies pour déterminer le

candidat destiné à l’incarner après la décision d’OB de ne pas concourir en 2012 (décision qui en

dernière instance lui revenait, mais prise tardivement, après le congrès, et qui de fait privait le NPA

de la possibilité d’explorer d’autres choix dans de bonnes conditions). C’est dans ce contexte que

deux faits graves se sont produits : le choix d’un candidat inconnu du parti lui-même, non-membre

de la direction et ne l’ayant jamais été, ce alors que plus de 40 % de l’organisation était hostile, le

choix d’un homme alors que s’était engagé de longue date un processus conduisant à la désignation

consensuelle de deux porte-paroles femmes qui, elles, avaient pris des responsabilités à tous les

niveaux depuis des années.

Et surtout, derrière ce choix, l’affirmation d’un projet politique de long terme qui tourne le dos à la

construction d’un projet ouvert et large.

Enregistrant le vote de la CN à une courte majorité, nous n’avons pas mis d’obstacle au

déroulement de la campagne, nous avons indiqué que c’était à chacun-e de décider s’il ou elle

rechercherait les signatures (ce que certain-es ont fait). Mais force est de constater aujourd’hui que

celle-ci est une catastrophe.

Nous aimerions convaincre qu’il serait plus raisonnable d’arrêter les frais.

1. Le contexte politique général est marqué par la profondeur de la crise économique, les attaques

tous azimuts et la désorientation grandissante de la population, les tentations de repli nationaliste ou

souverainiste, rendant toute issue incertaine. Il est aussi plus que jamais marqué par la crise

écologique qui, bien que reléguée au second plan, n’en reste pas moins menaçante et déterminante.

Battre la droite et l’extrême-droite représente un défi majeur pour la construction d’un rapport de

forces.

Dans ce contexte, le NPA aurait dû agir pour rassembler les forces à gauche de la gauche et

permettre qu’émerge un candidat représentant du mieux possible l’ensemble des forces qui ne

renoncent pas à construire une réponse alternative sur tous les terrains.

Plus que jamais la situation montre que le NPA devrait affirmer clairement qu’il faut battre Sarkozy

dans la rue et dans les urnes et regrouper la gauche radicale dans un bloc anti-crise, en avançant un

plan anticapitaliste et anti productiviste contre la crise, en étant de plain-pied dans les campagnes

unitaires existantes, même si elles sont encore faibles, et en tentant de mener le débat à gauche du

PS sans attendre l’issue de l’échéance présidentielle.

2. Dans ce contexte, qu’en est-il de la campagne du NPA ?

Sur le plan purement factuel, difficile de nier les difficultés. Les sondages (qui ne sont que des

sondages, mais quand même…) situent le plus souvent Philippe Poutou en deçà de 0,5 % des voix.

L’affluence dans les meetings est réduite. Pour ne prendre que l’exemple de la Région parisienne,

un dispositif conséquent fut mis en place pour remplir une salle de 400 places, ce qui fut fait, mais

correspond à l’étiage le plus bas depuis au moins deux décennies.

Quant aux quelques meetings dans les grandes villes, la participation y a été très faible

numériquement et ils n’ont pour la plupart rassemblé que des militant-es du NPA de la ville ou

concerné ou des régions alentour.

La comparaison avec 2002, souvent utilisée, ne tient pas. Commençons par l’absence de notoriété

d’OB qui aurait été identique à celle de Philippe Poutou quand il s’est présenté la première fois.

D’une part, dès qu’OB a fait sa première télé à l’été 2001, il est apparu dans les sondages et ne les a

plus jamais quittés, oscillant selon les mois et les instituts entre 0,5-1 ou 1,5 points. Il grimpe d’un

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coup les deux dernières semaines à 4 points (à partir du 10 avril 2002). Voilà pour les faits. Dans le

même temps, Gluckstein, également candidat "inconnu", le restera et oscille dans les sondages entre

0 et 0,5, le plus souvent 0. Deuxièmement, OB succédait à... rien, puisqu’il n’y avait pas eu de

candidature LCR depuis 1974. Autrement dit, les débuts médiatiques d’OB ont été très discrets :

très peu de radio et de télé puisque les journalistes devaient d’abord redécouvrir que la LCR existait

toujours et qu’elle avait une nouvelle tête.

Philippe à l’inverse, bénéficie d’une notoriété a priori : qui va succéder au très médiatique OB qui

se promenait autour de 9 % dans les sondages en mai 2011 ? Son nom a donc été très vite prononcé

dans les médias. En outre, le NPA demeure une organisation assez connue, et OB est de fait porteparole

de la campagne. Sa notoriété devrait être un très solide point d’appui. Au moins dans les

cercles politisés, l’association OB-Poutou est faite. Et pourtant…

Quant à l’argumentation « Philippe Poutou seul candidat ouvrier », qui « sait de quoi il parle », elle

est affligeante au regard de nos traditions (pour nous le salariat ne se réduit pas aux ouvriers d’usine

et cette séparation est dangereuse – les ouvriers d’usine sont très minoritaires et ce sont les

sociologues qui défendent l’idée de la disparition de la classe ouvrière qui insistent sur cette

catégorisation qui n’est pas la nôtre), et inquiétante quant à ses conséquences actuelles. Le seul

« candidat ouvrier » n’intéresse pas les salariés….

3. La réponse faite par Philippe Poutou aux journalistes de Médiapart qui lui demandent en quoi la

candidature du NPA se distingue de celle de LO révèle la vérité toute nue : « Ça peut friser

l’absurde, vu de l’extérieur. Sur le fond, on dit la même chose […] ». Cela remet à l’ordre du jour le

vieux projet de réunification des deux branches du trotskisme français, ce qui peut éventuellement

avoir un charme désuet. Cela dit la réalité, à savoir que les deux candidatures se situent sur le même

terrain, avec un discours et une orientation semblable. Et cela nous rappelle qu’il y a dix ans, avec

la première candidature Besancenot, il s’agissait pour la LCR de disputer le leadership de l’extrême

gauche à LO. L’ensemble pesait alors près de 10 %. Le NPA de 2009 avait pour ambition de

franchir un pas supplémentaire et d’être un acteur politique incontournable dépassant le cadre

stricto sensu de l’extrême gauche. Le NPA de 2012 est engagé (maladroitement, dès lors qu’on dit

et qu’on montre qu’il n’y a pas de différence) pour savoir comment se répartir le 1 % qui reste entre

Poutou et Arthaud. On notera au passage que LO ne bénéficie d’aucun effet d’aubaine, comme si le

double renoncement de Besancenot (à se présenter et à porter un projet de rassemblement) avait

signifié pour le plus grand nombre que l’échéance de 2012 était zappée par l’extrême gauche.

La campagne isolationniste du NPA se double d’une tonalité voisine de celle de LO, faite de

slogans tout faits, peu argumentés, relevant souvent de la surenchère pseudo radicale, et coupés de

la réalité quant aux enjeux réels. Le NPA participe d’une extrême gauche impuissante et

propagandiste, bien loin de la force que nous voulions construire lors de la création du NPA, une

force qui pèse et fait bouger les lignes, une force qui agit sur le réel. On n’en est décidément plus au

même point, ni au même projet. Et on ne voit pas, dans ce cadre, la plus-value ou même l’utilité de

la candidature du NPA.

4. En effet, la campagne présidentielle du NPA ne répond pas aux enjeux de l’heure.

D’abord, le NPA est incapable d’avancer un mot d’ordre clair pour battre Sarkozy. En effet, en

raison du subtil et précaire équilibre entre les diverses sensibilités dans la majorité de direction, les

formules utilisées sont écrites de manière à ne pouvoir ressembler ni de près ni de loin à un début de

consigne de vote pour le second tour, d’où leur caractère alambiqué. De plus, toute attaque contre

Sarkozy est aussitôt tempérée par une sortie au vitriol contre Hollande, sortie évidemment justifiée

sur le fond mais qui, exprimée dans le même mouvement, nous amène en terrain glissant : cela peut

laisser penser qu’au final on ne donnera pas de consigne de vote contre Sarkozy (voir dernièrement

les voeux au Fouquet’s, l’interview dans Libération).

Second point, la campagne ne porte aucun discours se situant sur le terrain du rassemblement. Au

contraire, tout le discours (et surtout les textes adoptés CPN après CPN) vise à établir des frontières

étanches et pérennes avec l’ensemble des autres forces à gauche de la gauche et notamment, dans le

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cas d’espèce, avec le Front de gauche. L’actualité de la campagne de Mélenchon prouve pourtant

exactement l’inverse : le candidat du Front de gauche occupe la seule place audible à gauche de la

gauche (voir sa prestation du 12 janvier sur France 2), malgré ses incontestables limites, liées

notamment aux relents cocardiers réguliers. Mais ce n’est pas sur ce terrain que Philippe Poutou

souligne ses divergences avec Mélenchon.

Là où il faudrait rappeler les convergences et marteler la question fondamentale, celle du rapport au

Parti socialiste (et notamment de l’absence de réponse de son partenaire privilégié : le PC), dans la

perspective du bloc anti-crise, c’est le branle-bas de combat sur les divergences entre les

programmes (en appeler à l’interdiction des licenciements boursiers, c’est « un piège honteux » par

exemple), et un trait d’égalité tiré entre Mélenchon et Hollande, ce qui souligne encore une fois le

fait que le NPA est hors sol dans cette campagne. Car, même sur le terrain de la participation

gouvernementale, malgré toutes les prévisions et prédictions diverses de la majorité du NPA, la

défiance affirmée par le candidat Mélenchon à l’égard du Parti socialiste reste pour le moins

intransigeante.

Le programme qu’il défend est clairement anti-libéral alors que celui du PS est clairement sociallibéral

(et de moins en moins social d’ailleurs) et il faut le dire comme tel. Il ne s’agit de peindre

Mélenchon en porte-parole de l’extrême gauche mais d’acter que cet antilibéral a un positionnement

radical qui va agglomérer autour de lui ce qui est à gauche du PS (exception des 1 à 2 % d’Artaud et

de Poutou, si ce dernier est candidat).

Là où nous pourrions développer nos réponses à la crise sur le terrain social, économique,

écologiste et féministe, le NPA se contente de quelques slogans étriqués très ouvriéristes.

La campagne ne parvient pas, dans ce cadre, à porter les 4 ou 5 propositions centrales et majeures

contre la crise. Outre que les questions complexes sont en général esquivées, l’essentiel du discours

revient à dire que la seule solution est le renversement du système/du capitalisme, et la nécessité

que les masses prennent leurs affaires en main. Ainsi les quelques mesures que Philippe Poutou

propose concernant le système bancaire par exemple, sont présentées comme utopiques sans la

mobilisation des masses et en gros l’insurrection. Il y a donc une incompréhension totale de la

fonction des mesures transitoires (ou un désaccord total des camarades qui mènent la campagne, ce

qui est plus probable). Pas un mot d’ordre démocratique non plus au moment où se noue la crise

politique grecque puis italienne : Constituante, référendum, tout l’arsenal faisant toucher du doigt

les mesures qui pourraient être imposées et modifieraient les rapports de force. Au lieu de ça, on en

appelle directement aux soviets. Pas de mesures transitoires donc. Exit le patient travail de

crédibilisation d’une extrême gauche parvenue à sortir du propagandisme pur, à formuler son

orientation en une série de mesures concrètes sur l’ensemble des terrains. Pas non plus de vrai

développement sur la question du féminisme ou de l’écosocialisme (seule la question du nucléaire

fut partiellement traitée, parce qu’apparue plus clivante) qui sont pourtant des thèmes fondamentaux

de notre orientation. Dès lors, la campagne n’a de spécifique que la profession du candidat, qui en

vaut bien une autre, mais ne peut tenir lieu d’orientation.

Enfin, sur le terrain dit unitaire, la direction du NPA est à la peine, et se contente d’interpellations

incantatoires et sans effet à « l’ensemble de la gauche sociale et politique » inclus le PS donc, avec

des résultats disons mitigés y compris lorsqu’elle a vraiment lancé une réunion, contre l’austérité.

Au total, la campagne n’a pas de fonctionnalité politique, et l’orientation mise en oeuvre nous

affaiblit. Cette orientation, incarnée dans la campagne, renvoie à un projet politique qui ne peut être

le nôtre, un projet d’isolement choisi, un projet propagandiste, qui conduit le NPA vers un avenir

groupusculaire, et ce d’autant plus qu’elle ne parvient même pas à rassembler le NPA lui-même. Le

passage en force de la CN, à 53 %, augurait mal de la suite, mais la campagne aurait pu passer

l’épreuve des faits. Ce n’est pas le cas. Et si les attitudes sont variées à l’égard de la campagne, dans

la minorité mais aussi dans la majorité, force est de constater que ce n’est pas l’enthousiasme qui

domine. La candidature a pour l’heure rempli sa seule fonction, installer une majorité à dominante

sectaire à la direction du NPA. Prenons garde, si la campagne se poursuit, que ce tournant devienne

irréversible.

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5. Pour en terminer, nous considérons qu’il ne faudrait pas ajouter l’aventure financière à l’aventure

politique. La situation côté signatures n’est pas mirobolante, elles arrivent désormais au rythme de

10 à 12 par semaine. A ce rythme, il semble difficile d’atteindre les 500 dans les délais (6 semaines

entre le CPN et le 16 mars, incluant les semaines consacrées à la reconversion), ce qui explique sans

doute des objectifs progressivement revus à la baisse. C’est en tous les cas un pari risqué. Ce pari

engage l’avenir politique du NPA, puisqu’il met en péril les législatives, qui, faut-il le rappeler, sont

seules en mesure d’assurer l’indépendance financière du NPA entre 2012 et 2017. De notre point de

vue, au regard des éléments développés plus haut, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Et les

législatives peuvent être une occasion de réorienter le NPA. Si d’aventure une majorité de

camarades décidaient de poursuivre la campagne présidentielle quand même, ne nous considérant

coresponsables d’un tel choix, nous exigerions des garanties financières pour pouvoir mettre en

oeuvre l’orientation validée par plus de 40% des votant-es à la CN de juin 2011.

Marie-Do Bartoli, Fred Borras, Emre Çırak, Ingrid Hayes, Damien Joliton, Guillaume Liégard,

Myriam Martin, Monique Migneau, Olivier Mollaz, Julien Rivoire, Flavia Verri, Coralie

Wawrzyniak, membres du CE – courant Gauche Anticapitaliste

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