Alors moi j'ai pas l'droit de figurer dans le Machoscope de Mediapart parce que je suis une illustre anonyme, mais y a pas que les députées qui subissent la connerie ambiante en politique. Alors je vous raconte mes deux super zanecdotes et vous me racontez les vôtres !
1ère anecdote :
C'était l'une des premières fois que je distribuais des tracts sur un marché de ma ville, pour les municipales de 2008.
Je m'approche d'un vieux monsieur, je lui tends le papier ; il refuse de le prendre. J'essaye de discuter mais il m'arrête net : « Tu as rien à faire ici toi, tu devrais être à la maison ! Allez, retourne au bled, tu as rien à faire ici ! ».
Séchée. J'en revenais pas. En deux phrases, le gars m'avait catalogué « femme » et, selon son appréciation, « maghrébine ».
Le sexisme (car vu sa tronche y avait peu de chances qu'il vote FN) ne vient pas que du personnel politique, mais aussi - et surtout - des citoyen(ne)s.
2e anecdote :
En 2011, j'avais travaillé sur un dossier politique qui m'avait amenée à saisir le tribunal administratif. Une journaliste du quotidien local m'avait contactée pour m'interroger sur les détails du recours juridique que j'avais déposé en tant que membre d'un parti politique.
Ma démarche s'inscrivait dans une réflexion politique mêlant enjeux juridiques, environnementaux et sociétaux mais la « journaliste » était manifestement davantage intéressée par mon parcours personnel. Elle me posait des questions sur moi, ma vie, mon œuvre, - mais quel mécanisme freudien avait bien pu me pousser à déposer ce recours lacanien ? - au lieu de me poser des questions sur le fond du dossier. La dimension proprement révolutionnaire et cataclysmique de mon recours lui échappait totalement !
Elle n'aurait jamais fait le portrait d'un homme membre d'un parti politique qui conteste un projet devant un tribunal ; comme si faire de la politique pour une femme était plus impliquant personnellement que pour un homme.
Comme si je n'avais pas la même légitimité que n'importe quel homme pour parler politique.
Comme s'il fallait savoir de quels ressorts personnels, enfouis au plus profond de mon être, naissait cette initiative politique.
A la fin de l'échange, on a parlé féminisme toutes les deux. Mais on ne s'est pas compris. J'ai refusé d'être photographiée, j'ai refusé de participer à un article qui parlerait de moi plutôt que des idées que je défendais. Elle a publié son article, sans ma photo, en ne parlant que du fond du sujet, ou presque.
Au moins elle s'est interrogée sur l'utilité de personnaliser des actions politiques. C'est déjà ça. Puis elle a quitté le journal pour élever son gosse. C'est déjà ça.
Conclusion : le sexisme n'est pas que l'affaire des machos.
Il y une absolue nécessité de relever tout ce qui peut apparaître à nos yeux comme du sexisme. Sans agressivité, mais avec fermeté, quand quelque chose titille mon radar anti-sexisme, je le fais remarquer à mon interlocuteur/trice. Au risque d'exagérer parfois l'interprétation d'une remarque plus maladroite que véritablement sexiste. Dans tous les cas, je discute, pour que l'autre se rende compte du sens ou des implications de son comportement, dont il peut ne pas être conscient. Se taire, ce serait cautionner.
Quitte à passer pour une emmerdeuse.