Dimanche 31 août
10h40 - Mon fils Théo prépare sa rentrée en 6ème. Il est un peu stressé. Cela fait 3 fois cette semaine qu’il me demande comment il va savoir ce qu’il faut mettre dans son cartable pour le jour J. Quand ses copains de toujours lui demandent ce que ça lui fait, la rentrée qui arrive, il répond qu’il est à moitié content, à moitié stressé. Je suis optimiste. Au niveau scolaire, ça roule et au niveau social, ça va être le saut dans le grand bain, ce gros collège de près de 800 élèves, mais je sais qu’il sera avec son ami de maternelle et que cette amitié est une base qui lui permettra d’élargir tôt ou tard son cercle de copains.
Pour le moment, il fait beau. Nous sommes tous les deux contents d’aller pique-niquer au grand air avec des amis.
J’ai quand même en tête que je dois amener Théo chez son père pour 17h. C’est avec lui qu’il passera sa 1ère semaine de rentrée. J’aurais préféré que ce soit avec moi car je connais bien le collège et que je n’ai pas une folle confiance dans les capacités de son père à l’accompagner, surtout affectivement et émotionnellement, dans cette étape. Je propose vaguement à Théo de venir juste pour l’entrée en classe. Je suis un peu partagée. Je lui précise que même si j’aimerais être à ses côtés, il me semble que ce serait plus tranquille en termes de « risque de discussion désagréable voire de conflit entre ses parents en plein dans la cour du collège» que je le laisse y aller avec son père seul. Je prends sur moi.
16h45 – Nous sommes en vélo. Théo me repose une ou deux questions sur le collège. Je le rassure : « C’est normal de stresser. C’est un grand changement. Tu sais, la journée de demain, c’est juste pour te familiariser avec ton nouvel environnement, faire connaissance avec les profs et les autres élèves, repérer les lieux. Il n’y a aucune pression. Et puis de toutes façons, tu as le droit de te tromper toute l’année. Ce qui compte, ce que les profs veulent voir, c’est un bon esprit au travail et avec les copains. Après, autorise-toi à te tromper ».
Théo : - « HAN ! J’ai oublié ma montre à la maison ! »
Moi : - « tu t’en passes ou tu serais rassuré que j’aille la chercher ? »
Théo : - « mmm je crois que je préfère que tu ailles la chercher ».
Moi, toute plein de bonne volonté et pour que cet oubli de montre ne soit pas un facteur supplémentaire de stress : « bon, je te dépose chez papa et je retourne la chercher ».
17h20 : je retrouve Théo et son papa chez lui.
Le père : - « ah on était en train de regarder les lignes de bus avec Théo. Il va rentrer en bus tout seul demain soir».
Moi, sidérée (toujours!) : « mais ?!? il n’a jamais pris le bus et encore moins sur cette ligne ?!! »
Le père : - « ah mais je lui ai dit qu’il pouvait m’appeler s’il voulait que je vienne le chercher mais non, non, j’ai vérifié, il n’est pas stressé. Ca va bien se passer ».
Je porte mon regard sur Théo. Il me regarde avec une sorte d’intensité triste, le regard bien planté dans le mien, la bouche légèrement ouverte. Plus le même enfant. En 30 minutes, il avait perdu toute sa joyeuse spontanéité des vacances.
A l’intérieur de moi, ça monte. Ça monte. Je n’en reviens pas.
Très vite, le père : « bon et puis pour la CAF, depuis que j’ai mis Théo sur mon dossier, j’ai pu avoir 310 euros d’aides de plus. Mais pour que ça continue et que j’obtienne telle ou telle aide supplémentaire, il faut que je fasse une demande de pension alimentaire officielle devant le juge. Il faut que le juge ordonne que tu ne peux pas me verser quoique ce soit ».
Moi, hors de moi : « je perds 430 euros par mois d’aides parce que j’ai trouvé plus équitable qu’avec cette nouvelle garde alternée tu puisses déclarer Théo sur ton dossier CAF une année sur deux, alors tes histoires de pension alimentaire, je m’en fiche complètement ! ».
Et M(RD& ! Je me suis perchée !
Sourire à Théo: « bonne rentrée mon grand ! Passe une bonne semaine et à vendredi ! »
Yeux malheureux, bouche qui répond d’une voix blanche « à vendredi ».
J’enfourche mon vélo. Le père est peut-être toujours en train de me « parler ». Sûrement.
Colère énorme. Immense. Débordante.
Je suis tombée dans le piège. La raison aurait voulu que je refuse de parler de ça devant Théo, que je lui fasse remarquer que la priorité du jour, c’est cet enfant qui change de maison la veille de sa rentrée en 6ème et qui n’a rien demandé. Mais d’ailleurs, quand est-ce qu’il va demander, refuser, s’émanciper de ce père qui ne veut jamais SE déranger lui-même, à part pour parler d’argent, faire des dossiers pour obtenir plus d’argent, mais pas pour le dossier de sport, le dossier du collège, le transport des affaires de Théo qui ne peut pas tout apporter au collège le vendredi matin en prévision du changement de maison du soir et j’en passe. L’explosion dans ma tête se poursuit. Mais enfin Marcelle, de quel droit tu te poses la question « quand Théo va-t-il dire « non » à son père? Après tout, il va bien falloir aussi qu’il s’émancipe de sa mère ! » - moi !
Colère. Colère. RAGE ! Qu’est-ce que je vais faire maintenant de ce débordement inondation bordel envahissant ? Je roule. Je roule. Je roule.
Je finis par garer mon vélo dans mon garage. J’appelle mon père. Je raconte et enfin, je pleure.