Cette nuit, j'ai fait un de ces rêves plein de bizarreries de rêve mais suffisamment ancré dans le réel pour qu'il puisse servir une des fonctions du rêve : réparer la plaie ouverte par le monde réel lorsqu'il ne correspond pas à ce qu'il devrait être ou du moins à ce qu'on aimerait qu'il soit.
On est en pleine guerre israélo-palestinienne. La Malaisie se demande si elle va s'impliquer dans le combat armé ou pas. Pendant un cours moment de répit dans les combats, des soldats d'une armée anonyme évacuent la zone. Je suis là avec d'autres civils en train de regarder la scène : un défilé d'engins militaires, bruyant, générant une poussière salissante, ajoutant du gris au gris, crasseux de meurtres. Les soldats ne sont plus hommes. Ils regardent devant eux, épuisés. Ils avancent mécaniquement, indifférents à la foule muette sortie de son trou pendant cette trêve. Ils évacuent avec eux des civils, tout aussi hagards.
A l'abri sous un engin énorme, surélevé, des soldats voyagent assis. L'un d'entre eux, accroupi, tient un bébé face à lui, sa petite tête recouverte d'un petit casque reposant dans les mains fortes et sales du soldat. Il se regardent, se sourient. C'est un miracle. Il se font nez-nez. Il se sourient à nouveau. Le convoi poursuit sa marche lente au milieu du quartier mis en charpie par les combat. Le soldat n'est plus ici. Il ne voit pas la mort autour de lui. Il a oublié qu'il vient de participer à une opération de destruction. Il est maintenant un homme qui donne du soin à un petit être sans défense, peut-être orphelin depuis quelques heures. Et le petit être si vulnérable lui transmet avec toute sa force de nouveau-né une vitalité qui les aimantent l'un à l'autre pour quelques minutes.
L'échange entre le bébé innocent et l'homme abîmé irradie toute la scène.
Moi, je pleure. Je pleure de tendresse pour cet enfant qui ne sait pas encore la gravité de la situation. Je pleure devant la beauté de cet être si jeune et pourtant capable de remettre toutes les couleurs de la vie dans un paysage aussi terne par la grâce de son sourire Je pleure de frustration et de soulagement devant l'homme capable du pire comme du meilleur. Je pleure d'incompréhension face à la violence torturante de ces guerres. Je pleure de douleur pour tous ces enfants privés d'un père aimant. Je pleure et mes larmes me soignent. Il me semble que j'en ai une réserve incommensurable dans la poitrine. Je pleure. Elles se déversent. Je pleure. Une rivière de larmes. Je pleure.