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Billet de blog 14 septembre 2025

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Carnets de bord d'une AESH et d'une maman d'un 6ème - lundi 1er et mardi 2 septembre

On ne m’a pas encore affecté d’élève. La politique est à la baisse des heures d’accompagnement hebdomadaires des élèves en situation de handicap. Émotion : rage - Besoin : coopération et soin - Solution : on la cherche ensemble ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Lundi 1er septembre – jour de rentrée

9h – arrivée au collège.

On ne m’a pas encore affecté d’élève. La politique est à la baisse des heures d’accompagnement hebdomadaires des élèves en situation de handicap.

Mon emploi du temps est donc, aux dernières nouvelles, vide. Je suis cependant obligée de me présenter dans mon établissement de rattachement. Je ressens un mélange de nonchalance et de stress : s’il n’y a plus d’heures à pourvoir ici, c’est que l’on va m’envoyer ailleurs. Mais où ?

Journée d’attente en perspective.

En attendant les nouvelles, je bois le café gracieusement préparé par Bernadette, de la cantine. Elle a 60 ans, mais elle est plus en forme que nous ! (rires). Mes collègues dédiées au collège peaufinent leurs emplois du temps. Je prends des notes sur les nouveaux élèves, des fois que j’aie à les remplacer un de ces quatre.

Je papote et prends des nouvelles des collègues que je n’avais pas encore croisés : infirmière, surveillant.e.s, dames de la cantine, … On me sourit. Certes, il existe toujours cette petite réserve qui retient les AESH et les enseignants de faire corps, malgré leurs objectifs communs. Mais je me sens à ma place, dans cette établissement, finalement. Déçue de devoir sans doute en partir.

12h – Sonnerie. Je rentre manger chez moi.

13h50 – retour au collège.

Attente.

14h30 – un mail de la coordinatrice des AESH : je suis affectée à une école, pas très loin d’ici, tous les matins. Je commence jeudi.

Bon. Impatiente de connaître mes nouvelles.eaux collègues et aussi bien sûr parce que c'est un devoir professionnel, je prends le téléphone pour savoir quand je peux passer faire leur connaissance, en apprendre un peu plus sur les 2 élèves à accompagner et éventuellement faire une visite express des locaux. La secrétaire me dit qu’elle va demander à la directrice de me rappeler.

17h15 – la secrétaire me rappelle. La directrice n’a pas le temps de me recevoir d’ici jeudi. Et apparemment, elle n’a même pas le temps de me passer un petit coup de fil pour me dire 2 mots d'accueil. Ça frémit en moi. Serait-ce un.e de ces directrices.teurs qui ne prennent pas du tout en compte le besoin des AESH d’être accueilli.e.s sur ce qui est en fait leur seul et unique lieu de travail : leur école ? Grrrrr !

19h – j’appelle Théo, mon fils, qui est chez son père. Je ne le fais jamais d’habitude, car cela le met très mal à l’aise de devoir me parler en présence de son père, mais aujourd'hui, c’était son 1er jour de collège tout de même !

Il me répond avec une voix blanche – peut-être prêt à pleurer ? Il est encore sous le coup du stress de la journée : « J’ai fait une connerie. J’ai enfermé mon sac dans mon casier avec la clef dedans ».

Moi - « aaah mais c’est pas une connerie ça mon grand ! C’est pas grave. Bon, et alors comment tu t’es débrouillé ? »

Théo - « je suis allé à la vie scolaire. Ils ont appelé papa qui est venu me chercher à 17h avec le double de la clef » (j’ai appris juste après qu’il avait pleuré à la vie scolaire, lui qui ne pleure presque jamais…).

Moi - « ah très bien. Tu as trouvé une solution ! Bon, sinon, les camarades, les profs, tout ça, ç’a été ? « 

Lui, toujours de sa voix bizarre, et agacé, m’envoie bouler : «  bon, euh, ça peut attendre vendredi, tes questions, là, hein ! On en parlera plus tard. On raccroche ? »

Nous raccrochons. La colère est toujours là : il était donc tellement en stress qu’il en a pleuré. Mais si son père ne lui avait pas dit qu’il rentrerait en bus tout seul alors qu’il ne l’a jamais pris, aussi, ç’aurait été plus rassurant ! Je pense intérieurement que ces clefs oubliées dans le casier, c’était peut-être un acte manqué pour que son père soit obligé de venir le chercher ?

Et il est tellement mal à l’aise à côté de son père que l’enfant coopératif et gai de l’été est devenu en 24h désagréable… Va falloir que je lui remette un peu les points sur les « i », tout de même, quand il reviendra.

Mardi 2 septembre

Re-attente au collège. Toute la journée. Frustrée de ne pas pouvoir participer aux conversations de mes collègues AESH qui échangent sur les 1ers élèves rencontrés depuis la veille.

A 16h30, sonnerie. Je prends mon vélo et pars au marché, à deux pas du collège.

Je réalise, en passant dans le boulevard Mirabeau, que je suis en train de longer l’école où je dois intervenir jeudi. Les élèves semblent être sorti.e.s. Je devine un groupe de maîtresse en train de discuter au portail. Je me dis « ah c’est trop bête ! J’ai besoin de savoir où je vais mettre les pieds jeudi. Je vais me présenter. Ça ne leur coutera pas de temps puisqu’elles sont en train de papoter ».

Je gare mon vélo et me présente à elles avec un grand sourire :

Moi - « Camille Musset, AESH. Bonjour ! Je passais par là par hasard et je vous ai aperçues, alors je me suis dit que c’était l’occasion de me présenter. »

« Bonjour »

Moi - « Est-ce que la directrice est parmi vous ? »

La directrice - « oui, c’est moi, Mme Panzani. Mais je vous avais dit de ne venir que jeudi. »

Moi, toujours souriante - « oui, je sais bien que vous n’avez pas beaucoup de temps mais comme je passais par là et que je vous ai vues, je me suis dit que passer 2 minutes ne vous dérangerait pas dans votre travail. C’est quand même plus pratique pour commencer jeudi avec les enfants. »

La directrice - « si je vous dis que c’est jeudi, c’est jeudi. »

Moi, un peu sur le ton de la plaisanterie : « ah mais c’est pas juste ».

Elle, sèchement, comme à un enfant qui réclamerait quelque chose de superflu aux yeux des adultes - «  c’est comme ça. ».

Moi, intérieurement effarée - « alors je viens pour quelle heure jeudi ? Je sais que l’école commence chez vous à 8h30. Peut-être que je peux venir suffisamment tôt pour rencontrer l’enseignante, au moins ? »

Elle - « non, non. 8h20, ça suffira. »

Moi, sous la pression intérieure d’une rage énorme, mais extérieurement toujours souriante et aimable - « Très bien. Et ben à jeudi 8h20 pour accompagner un enfant que je ne connais pas, dans des locaux que je ne connais pas, avec une enseignante que je ne connais pas. Bonne soirée ».

J’étouffe littéralement de colère. Et pas une de ces maîtresses qui entourent cette horrible directrice pour porter une voix autre comme « je suis l’enseignante. Je peux prendre 5 minutes avec toi si tu veux ». (Bon, il s’avèrera qu’elle n’était pas à cet endroit ce jour-là.) Je ne vois plus claire, aveuglée de colère. Je me demande comment je vais pouvoir faire mon marché et rentrer chez moi, tant la rage me ravage la poitrine et la tête.

MEEERDE mais MEEEERDE ! Y’a pas de coparentalité pour mon fils, et y’a pas de coopération dans ces P_tç#n d’écoles pour les enfants ! Mais c’est quoi ce monde ?

J’en demande trop, peut-être… ?

J’aimerais tant vivre davantage d’élans communs pour les enfants, la préservation de l’environnement, la justice, ...

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