Parfois, quand je ne travaille pas pour cause de congés, que mes activités associatives cessent pour l’été et que mon fils est parti chez son père, le monstre de la solitude surgit, imprévisible, alors même que quelques semaines auparavant je rêvais de tranquillité. En laissant libre cours à ma mélancolie sur un papier, j’ai trouvé ça :
Envie d’être touchée, aimée, regardée avec amour, désirée et ne trouver chaque matin que la perspective d’une journée vide de responsabilité, seule, sans travail ni enfant à ma charge. Inutile. Chez moi, invisible. Je pourrais aussi bien être inexistante.
Pour tromper la solitude, me masturber parfois en lisant des récits érotiques sur internet, parfois piquants, souvent pitoyables. Me sentir vaguement soulagée après, mais surtout vide.
Me traîner à des sorties entre amies (ô mes chères amies!), m’en faire une bouée de sauvetage, en attendre trop et me demander si je ne ferais pas mieux de rester chez soi puisqu’une simple discussion entre copines, aussi bienveillante et affectueuse soit-elle, ne comblera sûrement pas mon immense soif d’amour du jour.
Me rappeler à répétition ce vague collègue qui me plaît beaucoup, depuis un bon moment. M’inquiéter de ces pensées obsédantes au sujet d’un homme dont je connais bien peu et qui est donc plus idée et construction de ma pensée qu’homme.
Finalement, à la faveur de l’été, l’apercevoir lors d’un concert en plein air. Me méfier, scanner tous ses gestes et réactions pour tenter de deviner quel type de noirceur le mec peut bien cacher. Me rendre compte à quel point les personnes de sexe opposé sont toujours un cruel et sonnant rappel de l’homme-diable et de ma vulnérabilité d’il y a maintenant dix ans. Décider que cet homme, ce collègue, est bien trop vieux. Et quand c’est lui qui s’approche, me dire que c’est suspect. Projeter qu’il attend trop et qu’il va être déçu de découvrir à quel point je suis loin d’être une bête de sexe. Prédire qu’il n’aura jamais la patience nécessaire à ma lenteur. Être fatiguée d’avance par la perspective de devoir réexpliquer que non je ne jouis que rarement à deux mais que j’en fais mon affaire (même si j'en ai aussi honte). Peut-être que ça viendra un jour, peut-être pas mais ce dont j’ai envie maintenant, c’est de sentir que nous nous touchons sans objectif orgamisque, juste pour le plaisir de nous toucher, c’est aussi de savoir que nous pouvons faire une pause n’importe quand, et que je n’ai pas l’obligation de jouir ou de faire jouir. Ce que j’aimerais, bel homme, c’est juste que tu partages ta peau avec moi, et que je partage la mienne. C’est toucher ton grain, humer ton odeur, laper ton goût, lover mon nez dans ta petite barbe, coller mes seins contre ton torse que j’imagine un peu poilu, sucer tes lèvres généreuses et forcément sucrées...
Et que tu ne culpabilises pas que je ne jouisse pas. Et que je ne culpabilise pas de ne pas jouir.
Aurai-je l’énergie et le courage de lui dire tout ça plutôt que de juste renoncer ?
J’encolère les interdits reçus de mon éducation et les injonctions à « être libre » et à jouir. J’en conclus que ce sont les deux faces d’une même médaille emprisonnante, dictatrice des relations intimes.
Je m’autorise à rêver, de plus en plus en accord avec moi-même. Peut-être qu’avec ce collègue, nous sommes heureux de nous parler pour nous connaître et que ça suffit. Peut-être que nous serons heureux que nos mains se prennent, s’empoignent et se reconnaissent et que ça nous suffira. Peut-être que nos corps voudront faire davantage connaissance. Ou pas.
Nous avons le temps de le dévouvrir mais je t’avertis, bel homme, tu ne m’approcheras pas sans que nous nous apprivoisions. J’ai d’abord faim de te rencontrer et de te découvrir. J’ai le béguin pour toi et te désire déjà très fort, mais je ne sais pas si j’aurai envie un jour de te prendre en moi.
Tu viens te balader ?