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Billet de blog 28 octobre 2024

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Chers hommes, levez-vous !

Je lis les infos, j'écoute mes amies et connaissances femmes et je m'inquiète de la triste banalité de l'abus sexuel. Comment faire ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dimanche 27 octobre 2024

Je me balade en solitaire, sereine, sur un chemin très fréquenté les jours fériés, par les familles et les retraités. J'ai encore la tête toute pleine de la lecture des dernières infos sur les Procès de Mazan et de l'écoute du podcast « De l'enquête au procès » sur l'affaire Depardieu par Marine Truchi et Michaël Hajdenberg.

Il fait beau. Je laisse mes pensées divaguer.

Dans le coin, il est de coutume de se dire « bonjour » quand on croise d'autres promeneurs. Parfois, un léger sourire se dessine sur les lèvres. Souvent, les yeux se croisent simplement, avec réserve. Des femmes, des hommes. Des couples parfois. Des groupes de copines. Des hommes seuls. Beaucoup de personnes âgées.

Je croise le regard d'un vieil homme qui marche doucement, vulnérable dans son grand âge. Une pensée surgit malgré moi : est-ce qu'il fait partie, lui aussi, d'un des agresseurs de ces actrices, de ces journalistes, de mes amies, de mes connaissances, bref, de toutes les femmes qui ont, un jour ou l'autre, subit l'assaut sexuel d'un homme sans leur mot à elle ?

Elles sont nombreuses, ces femmes. Il y a celles dont on entend parler dans les médias : Gisèle Pélicot, bien sûr, il y a les victimes de Depardieu, et d'autres personnalités. Il y a aussi mes copines proches ou pas avec qui nous parlons de plus en plus ouvertement de sexualité, de la difficulté à assumer nos désirs et, pendant négatif, du manque d'espace et de temps dans les relations intimes au rythme trop rapide pour se rappeler nos limites et dire « non, je n'ai pas envie de ça ce soir ».

Je ne sais pas si l'âge y est pour quelque chose (à près de 40 ans, nous avons suffisamment d'expérience de la vie pour ne plus nous voiler la face sur ce que nous sommes et ce que sont les autres ?), ou Metoo, ou nos enfants qui entrent dans la préadolescence et pour qui nous voulons nous assurer de leur donner les bonnes informations sur le délicat sujet de la sexualité, et donc du lien à l'autre…

Bref, peut-être un peu à cause de tout ça, nous parlons beaucoup de nos relations intimes. Et si je le savais déjà pour certaines, des anecdotes restées jusqu'à présent dans les secrets de la pudeur et peut-être des inconscients, pointent le bout de leur nez dans les conversations : viols répétés sur une connaissance par son beau-père quand elle avait 13 ans, attouchement sur une amie par son voisin quand elle était enfant. Une autre copine me racontait il y a quelques jours : « ah mais je te dis pas le nombre de fois où j'ai dégrisé d'un coup en me rendant compte qu'un mec était sur le point de me pénétrer alors que j'étais bourrée et non consentante. Ça m'est bien arrivée 4 ou 5 fois dans ma vingtaine ».

Une autre amie s'est faite proprement violée malgré qu'elle se soit débattue. Nous ne comptons pas le nombre de fois tristement banales où, dans une situation d'intimité consentie, le bonhomme nous a pénétrée sans prévenir et sans même penser à mettre un préservatif, comme si accepter d'être nue avec un homme supposait accepter... tout. Je me rappelle d'une fois où, âgée de 13 ans, me baladant dans les rues de Paris avec toute ma famille et des amis, un homme est arrivé en criant et gesticulant et m'a empoignée la fesse. Et j'en passe et des meilleures !

Je ne fais état ici que d'un échantillon de scènes réelles, VECUES par des femmes qui n'ont rien à gagner à les raconter. Je fais le choix aussi de ne raconter que des scènes où l'homme est passé physiquement à l'acte de l'agression. Je ne relate pas ici toutes les autres scènes d'agressions verbales sexistes. J'attire votre attention uniquement sur des scènes où un homme n'a pas retenu son geste. Il s'est servi.

Geste construit par notre société patriarcale ? Réflexe animal ?

Peu importe. Cela détruit des femmes. Cela détruit des enfances. Pour des générations. Pour des sociétés entières.

Alors oui, je sais que les mecs biens, respectueux existent. J'en ai rencontré (si ! si!). Mais combien sont-ils ?

Il semble bien qu'il y aie une proportion importante de femmes qui ont subi ce genre d'agression. Un nombre sans doute terrifiant si j'en crois le nombre de témoignages incroyables rien que dans mon entourage. Je connais mes agresseurs, mes amies les leurs. Mais qui sont-ils, dans mon entourage ? Car si autant de mes proches se sont faites abusées, c'est bien par des hommes qui existent, qui mangent, qui habitent quelque part. A part ceux qui m'ont fait du mal à moi, est-ce que j'en connais? Combien sont-ils ? S'ignorent-ils ? Une estimation du nombre d'hommes qui se sont rendus coupables de ce genre d'agressions existe-t-elle au niveau national ? Est-il à la mesure de la proportion de femmes agressées ? C'est terrorisant de l'imaginer.

Et terrifiant, au su de toutes ces affaires d'abus sexuels qui semblent de plus en plus loin d'être de très rares exceptions dans la vie des femmes, de désormais croiser le regard d'hommes anonymes la méfiance au cœur.

Le désir masculin m'apparaît trop souvent comme une bête noire sans contrôle.

Comment jouir tranquillement d'une relation intime avec un homme quand on sait que peut-être, à n'importe quel moment, entre la rencontre et jusqu'à après une très longue vie commune faite de joies et de constructions partagées (ô Gisèle quelle force tu as d'être debout et de témoigner devant nous tous !), il va falloir puiser dans nos ressources les plus profondes, et de celles que nous ne voudrions jamais mobiliser, pour dire STOP et trouver la force de nous mettre en sécurité face à un homme auquel nous faisions peut-être confiance et dont les gestes nous violent littéralement ?

Nancy Huston, dans l'Invitée des matins sur FranceCulture le 22 mai 2012 : « Ce n'est pas la même chose de pouvoir violer que de pouvoir être violée. Ce n'est pas la même chose de pouvoir être engrossée que de pouvoir engrosser. C'est un peu le « bottom line » ».

Swann Périssé, sur Radio Nova dans La dernière du 26 octobre 2024 : « Si vous, vous n'osez plus draguer, nous, nous n'osons plus aimer ».

Alors, chers hommes, que vous ayez été coupables d'agressions ou que vous ayez toujours été précautionneux, je vous en prie, je vous en supplie, levez-vous ! Ce combat n'est pas que celui des femmes. C'est aussi le vôtre ! C'est NOTRE combat commun que de nous assurer de l'intégrité physique et morale de chacun ET de chacune !

Là est la condition de relations harmonieuses et de confiance dans notre société et… au lit !

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