La mère monstrueuse, c’est celle que je dois surveiller. Elle peut surgir, ogresse, affamée de son enfant au point qu’elle aimerait le ré-ingérer par ses bisous et ses caresses intrusives.
L’enfant devient alors une poupée à sa merci. Même une fois adulte.
Je la vois, tapie et surveillant la moindre occasion d’aller se servir. Toute-puissante ignorante, bulldozer bruyant sourd aux besoins de son gosse.
Lui au service de son cannibalisme.
Elle étouffant tout surgissement d’émotions de sa part. Autoriser l’expression d’émotions, c’est autoriser le développement d’une personnalité. C’est donc autoriser l’inconnu, l’incontrôlable. Le danger. Mais lequel ? Celui d’être laissée seule ? Celui de devoir accepter qu’il n’est pas elle ? Celui de devoir assumer aux yeux de tous qu’elle a enfanté et élevé qui il a choisi d’être ?
Je l’ai débusquée à temps, cette fois, la mère possessive. J’ai lu, en examinant de plus près ma proposition d’accompagner la classe découverte de l’école de mon fils, sa déception que l’enfant partagé m’échappe pile pendant « sa » semaine de garde. J’ai vu les gestes qu’elle espérait faire à cette occasion pour se remplir de son odeur, de son regard, de la sensation de son corps tout fluet, intrusive dans un moment qu’il souhaite avant tout amical ET libre de ses parents.
Ouf ! Juste à temps ! Je l’ai vue arriver avec ses gros sabots !
J’irai, je ne me ferai pas inondation maternelle dévorante. Je contribuerai au bien-être du groupe d’élèves. Je me surveillerai avec bienveillance. Prendre soin de mon fils, cette fois, ce sera lui laisser de l’air en lui envoyant juste ce qu’il faut de signaux pour qu’il sache que je suis là s’il a envie ou besoin. Et puis sans même le vouloir, de façon indirecte, nous sommes parents et modèles ! Il me verra comme une adulte qui prend de son temps libre pour donner du soin aux autres. Est-ce que ça n’est pas plus important de transmettre malgré soi des valeurs, que d’être collant avec son enfant avant même de vérifier qu’il en avait besoin ?
Étrangeté que de devoir veiller aux débordements de cette mère ogresse, quand les premières années de la vie de mon enfant, je ne pensais qu’aux prochains moments où il me lâcherait les basques.
Et vous, comment vous dépêtrez-vous de votre rôle de parent ?