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Billet de blog 14 septembre 2022

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Quel avenir pour nos montagnes ?

Été comme hiver, les montagnes subissent de plein fouet le dérèglement climatique, mettant en péril l’équilibre économique des vallées. Pourtant, les solutions proposées foncent tête baissée vers plus de destruction et d’enlaidissement des montagnes, dans une logique d’exploitation court-termiste irresponsable. Nous y opposons un modèle de développement touristique qui préserve leur beauté.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Juillet 2022, une prairie au cœur de la station de La Foux d’Allos (04) est détruite pour laisser place à deux couvertures de plastique, dont l’une, qualifiée de Dry Slope, est destinée à la pratique du ski d’été et l’autre, ou Tubby, à la descente de luges-bouées.

Les plaques de plastique recouvrent une surface d’environ 2000 m2. Elles ont été fournies et montées par la société italienne Neveplast, qui équipe déjà plusieurs stations alpines européennes et au-delà. L’aménagement a été effectué sur un terrain public (appartenant à la société mixte du Val d’Allos) par une société privée bénéficiant d’une délégation de service public (Val d’Allos Loisirs développement, filiale de Loisirs Solution). Son coût total atteindrait plus de 200 000 euros, sans compter les frais de fonctionnement, les skieurs remontant la pente sur un papis roulant électrique. Aucun panneau n’annonce le coût de ces travaux. Il n’est pas certain que le code des marchés publics ait été respecté. Seul un arrêté municipal, pris après la pose du plastique, autorise son installation et indique qu’il s’agit d’activités estivales. Dans le même but, une sorte de montagne russe métallique avait déjà été installée dans les années 2015 pour un coût de 4 M d’euros environ.

Ces opérations entrent dans le cadre des aménagements dits des quatre saisons, censés attirer une clientèle estivale pour compenser les effets du réchauffement climatique sur la réduction de l’enneigement hivernal. Elles ont déjà été mises en œuvre dans plusieurs stations des Alpes françaises et des Pyrénées, confrontées aussi aux limites du tout ski face au manque de neige.

Le choix est fait d’installations ludiques, sorte de parcs d’attraction, où dominent le plastique et les structures périssables, sans rapport avec le milieu alpin. Le Dry slope de La Foux d’Allos, pourtant peu apprécié par les estivants (8 skieurs par jour en moyenne durant l’été 2022) est présenté comme un prototype qui pourrait être étendu prochainement à d’autres stations. Il reste à évaluer au préalable la toxicité à court et long terme des plastiques utilisés : émanations volatiles, microparticules dans les sols et les eaux.

La poussée vers l’or blanc des années 60’ avait engendré une urbanisation irrationnelle et la multiplication de remontées mécaniques. Les stations sont désormais affrontées à cet héritage. Celles des Alpes du sud et des Pyrénées, située entre 1500 et 1800 m d’altitude, celles des Alpes du nord, situées au-dessous de 1 800 m, sont affrontées à la réduction en épaisseur et en durée du tapis neigeux, donc à une perte financière importante des recettes de la saison hivernale. L’usage systématique de la neige dite de culture, désormais nécessaire et grande consommatrice d’eau, a nécessité l’extension des réseaux d’adduction (2,5 km à Pra-Loup en Ubaye par exemple) et la création de bassins-réservoirs de plusieurs milliers de m3, souvent associés à la destruction systématique des sols et des écosystèmes montagnards. En région Rhône-Alpes, le plan montagne 2 prévoit la création de cent nouvelles retenues collinaires en 2022, souvent implantées sur des zones de tourbières fragiles. L’une d’entre elles a donné lieu à une importante manifestation de protestation à La Clusaz, dispersée par la gendarmerie nationale. En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, ce sont 500 millions d’euros qui ont été destinés par son Conseil Régional au développement des stations de ski.

L’investissement de la montagne par des acteurs économiques, avec des profits très juteux pour certains, semble avoir installé une économie grise, car à l’abri de tous contrôles, avec le soutien indéfectible des élus et des instances décisionnaires.

Cette fuite en avant est une mauvaise réponse aux problèmes réels posés par le réchauffement climatique en cours. Elle contredit la transition écologique et la sobriété énergétique indispensables à l’avenir de notre vie sur la planète. Elle s’avère très inquiétante face aux sécheresses et aux canicules estivales récurrentes.

Il est devenu indispensable de réfléchir désormais au devenir des vallées montagnardes, dont la plupart vivent du tourisme, ayant renoncé pour beaucoup d’entre elles, aux activités agricoles et sylvicoles traditionnelles et réduit les terres de parcours pour l’élevage. Les stations sont une source d’emplois, font vivre artisans, commerçants, personnels de service. Il est donc nécessaire de chercher des alternatives durables, compatibles avec la montagne, de permettre aux vallées de développer des activités qui leur soient propres c’est-à-dire liées à leur histoire, à leurs paysages, au potentiel que peuvent offrir leurs milieux naturels en terme de découverte et d’enrichissement culturel de ceux qui les fréquentent. Ne pas tuer la poule aux œufs d’or dont nombre de communes font leur publicité (« une nature sauvage, torrents, lacs, forêts, faunes préservées »), développer des activités douces de randonnées ou de parcours de découvertes, réfléchir au partage nécessaire avec le pastoralisme.

Une réflexion collective est indispensable sur l’avenir des territoires montagnards, une co-construction, entre les élus, les habitants permanents, les bergers et les touristes, qui doit écarter la pression des lobbies des parcs d’attraction, des remontées mécaniques, des promoteurs immobiliers et la recherche du profit à tout prix. Une autre politique est possible, éco-responsable, diversifiant les ressources économiques, renonçant non pas au tourisme, mais à cette mono activité issue du ski. Bref chercher les voies d’aménagements pour et avec la montagne et non contre elle.

A la Foux d’Allos, une pétition en ce sens a recueilli 1 500 signatures, permis discussions et débats avec résidents et estivants. Elle se présente comme un signal d’alarme pour la sauvegarde des espaces alpins, poumons verts indispensables au bien être de tous.

Elle a connu une répercussion médiatique : presse régionale (La Provence, Le Dauphiné libéré), nationale (le Canard enchaîné, le Figaro, Le Parisien, le Journal télévisé FR 3 Alpes-Provence), qui témoigne de l’intérêt de l’opinion publique sur ces sujets.

Signé

Pablo Collin, licencié en sciences et humanités à Aix-Marseille Université, sportif et montagnard de haut niveau

Mireille Provansal, ancien professeur émérite de géographie et géomorphologie, Université Aix-Marseille

François Provansal, médecin-psychiatre, apiculteur, Aix en Provence

Jean-Philippe Grillet, ancien responsable du bureau des réserves naturelles et du Conservatoire du littoral

Illustration 1
piste plastique

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