C’est quoi le vélo ? Pour certains c’est un amas de ferrailles, pour d’autres c’est un moyen de se rendre au travail, à la plage, une façon de garder la forme, ou encore un bon divertissement à la télé. Pour moi c’est tout ça à la fois et même un peu plus. C’est un mode de vie.
Cette semaine j’ai grimpé 13 500m de dénivelé positif, parcouru 700 km, traversé 6 départements et franchi 2 fois la frontière italienne, le tout en transportant mes affaires dans une sacoche de 12kg derrière ma selle. J’ai contemplé des paysages époustouflants, passé du bon temps avec des amis et des membres de ma famille lors de mes haltes, discuté parfois en italien, parfois en anglais ou en français avec des inconnus rencontrés fortuitement sur la route. J’ai longtemps été seul aussi, à réfléchir à la vie et à notre rapport à cette nature si belle et généreuse mais en même temps si fragile. J’ai passé des moments difficiles, à sentir les gouttes de sueur ruisseler une à une sur mon front alors que ma gourde est vide, à entendre les battements de mon cœur tambouriner dans mon crâne, à ressentir l’arrivée de la fringale au moment où la route se cabre. J’ai connu des joies, lorsque la rampe s’adoucit un peu, que le vent qui me cogne la figure depuis 10 kilomètres s’arrête un instant, que je pique une tête dans un lac de montagne rencontré par hasard en chemin... Le tout sans émettre un gramme de CO2, avec la boulangerie et la fontaine du village comme seules stations-service.
Cette forme de voyage, d’aventure à la rencontre des autres, de soi-même et de la nature, je crois que c’est l’avenir. Ça coûte rien, c’est écolo, il suffit d’un vélo, de bonnes jambes et d’un gros cœur.
Et puis ça permet de réaliser à quel point la voiture a dénaturé notre rapport au déplacement, de se rendre compte comment rouler 10 km/h plus vite demande tellement plus d’énergie, que transporter 5kg en plus augmente drastiquement l’intensité de l’effort à fournir, et qu’une position à peine moins aérodynamique accroît nettement la résistance. Aujourd’hui, en voiture, on s’en fout. On appuie juste sur l’accélérateur et la machine obéit. Mais l’air, lui, il s’en fout pas. Parce que 10km/h ou 5kg en plus, ça se traduit immédiatement par plus de CO2 dans l’atmosphère. Il est primordial qu’on prenne tous conscience collectivement que seuls ces 3 paramètres que sont la vitesse, le poids et l’aérodynamisme déterminent l’énergie consommée lorsqu’on se déplace. Il est temps de les prendre en compte dans nos choix de véhicules. Et non, le type de moteur n’a rien à voir là- dedans contrairement à ce que veulent nous faire croire les industriels pour vendre leurs nouveaux joujoux électriques. Pratiquer le vélo est un bon moyen de se confronter à cette réalité qu’il va falloir recommencer à accepter tôt ou tard.
On entend beaucoup parler de sobriété aujourd’hui. Mais ce terme est souvent mal expliqué. Car la sobriété, ça n’est pas s’acheter un SUV électrique puis en changer 2 ans plus tard parce qu’Audi a sorti un nouveau modèle plus moderne et « plus vert ». Ça n’est pas non plus prendre son jet pour aller donner une conférence sur la décarbonation de l’économie comme le PDG de total (oui oui, il a vraiment fait ça). Ça n’est même pas acheter une voiture électrique comme nous l’a recommandé le président le 14 juillet. Tout ça, c’est de la « croissance verte ». En 2 mots : une farce. Non, la sobriété dans les déplacements c’est à la portée de tous et c’est pas désagréable. C’est garder sa vieille bagnole aussi longtemps que possible. C’est accepter de rouler pépère sur la départementale plutôt que de prendre la voie rapide. C’est acheter (ou louer) une voiture moins puissante, plus légère et plus aérodynamique donc plus petite et, si possible, électrique lorsque la sienne n’est plus en état de rouler. C’est marcher ou prendre le vélo pour acheter son pain quand il fait beau. C’est régler son GPS sur « au plus court » plutôt que « au plus vite » la fois où on n’est pas pressé... En fait, c’est réussir à apprécier le temps de déplacement comme un temps de réflexion, d’observation du paysage, ou de partage avec la compagnie qu’on a peut-être la chance d’avoir. Bref, c’est tout ce que ne vous diront jamais de faire les pubs à la télé ou les industriels, ni même les pouvoirs publics, car ça entraine moins de consommation, ça ne rapporte pas d’argent aux actionnaires, et ça fait baisser le PIB. Bref, un vrai désastre pour tous les puissants du système.