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Billet de blog 7 juillet 2023

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Instagram me fait chier...

Instagram me pose des problèmes. (pas qu’à moi, je sais) Je n’arrive pas à prendre ça posément et sans m’angoisser quand je vois que je n’ai pas assez (selon moi) de like.  Et en tant qu’artiste « visuel », il « faut » avoir un compte Instagram…

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Instagram me pose des problèmes. (pas qu’à moi, je sais)

Je n’arrive pas à prendre ça posément et sans m’angoisser quand je vois que je n’ai pas assez (selon moi) de like.  Et en tant qu’artiste « visuel », il « faut » avoir un compte Instagram…

Quand j’ai commencé à poster des choses c’était en 2017 je crois, et je mettais un peu de tout, photos, quelques œuvres nouvelles, mon chat, mon potager , des photos d’endroits que j’aimais bien, mais sans faire genre: je voyage partout et que dans des endroits superbes, tout va super bien pour moi, la vie est super belle et tout le monde sourit, car ça m’a toujours super énervé. C’est une des raisons qui ont fait que je ne regarde pas face-book et le compte que j’y ai est au nom de mon chat, car il y a un compte face book dedié « aux chats et chiens perdus » et j’avais perdu Mikro. Je ne l’ai pas retrouvé, by the way, ni sur facebook ni ailleurs.  Je n’y ai aucun ami, et ne le regarde que si j’ai besoin, rarement, d’avoir une info venant d’un autre compte face book comme ça je peux me connecter.  

 Donc je ne postais rien de cohérent « a priori » mais en fait pas n’importe quoi du tout, des choses qui m’intéressaient et qui me représentent un peu. Je suis touche à tout et donc je postais un peu de moi. Je ne m’intéressais pas trop aux nombres de likes au début , parfois j’étais un peu étonnée du résultat pour un post qui selon moi ne le méritait pas forcement, ou vice et versa.

Puis récemment je me suis dit qu’il fallait que je poste des trucs qui concernaient mon travail exclusivement, puisque finalement Instagram (et tous les réseaux sociaux) me font un peu chier (euphémisme...) ça prend du temps alors au moins que ça serve à quelque chose, et on vous demande toujours « t’as un insta ? » … Je voudrai donc obtenir des milliers de followers et de likes c’est quand même le but du truc, quoi qu’on « se » dise, et pour être vraiment honnête avec soi-même . C’est le jeu, il est conçu comme ça, non ? Quand on joue à la bataille aux cartes on joue à la bataille. On ne joue pas au bridge.

J’ai une copine peintre qui grâce à Instagram a très bien réussi à se faire connaitre,  elle expose dans le monde entier depuis. Son œuvre est cohérente on la « reconnait » en un seul coup d’œil. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est  « toujours pareil », non ce n’est pas ça du tout , mais elle est très reconnaissable. Des peintures acryliques avec un style « dessin d'enfant » de grands formats.  Bien composées joyeuses et avec du sens. Elle a un style singulier dont elle ne s'éloigne pas.

Donc me voilà à ne poster que des dessins  anciens ou nouveaux, au fur et à mesure de mes productions de ce que je retrouve... Je vois que ça ne marche pas trop mal. Je ne mets plus qu’extrêmement rarement les papillons qui butinent les fleurs ou les coquelicots qui bougent gentiment dans le vent au son du merle du jardin, la photo floue prise de mon vélo qui rend bien mon trajet dans Paris, ou la vue de ma chambre le matin avec un escargot qui est allé jusqu'au plafond. Ou alors je les poste sous forme de réel ou de story mais je ne sais même pas très bien m’en servir. 

 Puis cet hiver j’ai fait une nouvelle série de photos-montage : dans mes photos noirs et blanc, des fusées nouvelles se sont incrustées pour visiter des lieux où je suis allée, que j’ai aimé, il y a longtemps..  Noir et blanc,  photos, donc images complètement différentes de celles des dessins colorés et exécutés « sur le motif ». Catastrophe,  le nombre de like a complètement chuté. Bon c’est normal me suis-je dit, il faut qu’ « ils » s’habituent. Mais ça me foutait trop les boules tout de même de voir ces pauvres likes se battre en duel sur mon compte Instagram, et j’ai donc décidé de ne plus afficher le nombre de like, na. On peut le faire, c'est une option proposée. Un moyen comme un autre de ne pas trop flipper. même si c'est con en fait. Ce n'est plus le jeu!

Puis j’ai pensé aussi que  lorsqu’on affiche pas le nombre de like,  je suis sûre que les gens « likent » moins : pourquoi ? Ben, c’est comme dans une boutique où on ne voit pas le nombre de gens qu’il y a à l’intérieur. Qui ne s’est pas laissé prendre à rentrer dans la boutique pleine de gens en se disant si il y a du monde c’est sûrement que c’est bien ? Ou dans le resto ?  (là où il y a la queue, quand même, non, faut pas exagérer, mais pour certains ce signal fonctionne, et on dirait même que les gens « aiment » faire la queue devant les expos, les resto ou les boutiques ) .

Bref, les autres ne voient pas combien de like j’ai eu, mais moi je peux bien me rendre compte,  à peu près,  s’il y a  beaucoup de gens ou pas qui likent, dans les notifications que je peux regarder! Je ne compte pas mais c’est tout comme. La seule chose, c’est que je ne peux pas être influencée par le nombre de like apparaissant sous les images des autres car ils ne s’affichent pas non plus, lorsque que l’on active cette option.  Je like si j’aime et puis je like mes potes évidemment, si je tombe sur des images à eux.

J’ai lu hier un article sur « comment obtenir le plus de like » :  il faut donc avoir un compte cohérent,  un « feed » où toutes les photos ont le même filtre,  écrit le spécialiste, donc les mêmes couleurs le même style, etc. Suivre une pensée (??)  qui ne dévie pas de son chemin. J’aurai donc besoin d’une dizaine de comptes Instagram, alors? j'en ai déjà deux un pour les lampes un pour le reste et j'ai déjà souvent envie de les mettre à la poubelle. Je devrai donc passer ma vie à les nourrir et donc je n’aurai plus le temps de créer et donc je ne pourrai plus les alimenter et donc je n’aurai plus aucun like et donc ….Voilà. Autant me jeter dans un trou noir qui avalerait tous les problèmes du monde moderne et que je me crée, et moi avec. Peut-on se faire avaler par son ordinateur ? Sluuurp comme ça, l’écran nous aspirerait le corps en commençant par la tête ? Il le fait déjà. Suis-je bête.

On le sait :  tout ça est extrêmement binaire, j’aime- j’aime pas, et puis personne ne vous voit liker vous n’êtes pas devant l’artiste en question qui pourrait vous renvoyer un visage triste si vous lui dites en face « j’aime pas ton dessin ! » sans nuances. Vous ne voyez que l’image en deux dimension, pas la matière, et même un dessin, et même une photo, n’est pas seulement en deux dimensions, et n’a généralement pas la même taille que l'écran du téléphone. En vrai, on tourne autour, le corps entre en jeu, l’esprit, la mise en scène, la situation  etc. Quand on regarde un dessin de Marianne Pascal au milieu des autres images qui défilent sur le fil, en même temps que l’on bouffe son sandwich et qu’on parle à son collègue, ce n’est pas pareil que si on va les regarder dans son atelier ou accrochés dans une expo. Oui on sait tout ça, je le sais, mais pourquoi suis-je si touchée si je n’ai pas de like quand même ? Je sais que des ados se suicident à cause de ce que leur renvoie les réseaux sociaux. Les situations sont différentes mais c’est exactement le même phénomène. On se cache derrière son écran, pour dire des choses,  adhérer à une cause, aimer ou ne pas aimer, suivre ou ne pas suivre, et voilà, le monde électronique est binaire sans profondeur et sans relief et il suffit d’être un peu trop sensible pour se faire avoir et en être touchée malgré tout ce que l’on sait. Comment se blinder contre ça ? Moi je n’y arrive pas. 

 J’avais fait cette œuvre, en 2010,   "le rideau électronique" .  Elle raconte un peu tout ça.

J’avais gardé toutes les cartes électroniques des appareils que j’utilisais, cassés ou devenus obsolètes,  plus ceux de mes copains et ceux que je trouvais dans la rue. Au début  je les  démontais  « pour voir ce qu’il y avait dedans ». J’ai toujours eu tendance à démonter les choses sans pouvoir le moins du monde les remonter,  par curiosité pour « comprendre » comment ça marche, sans pouvoir comprendre vraiment non plus : la seule chose que j’ai comprise, c’est que plus on avance dans le temps de la « civilisation » moins on comprend ce qui se passe dans nos objets quotidiens (voiture ordi etc). Moins on y a accès, moins il y a de vis que l’on peut dévisser avec des tournevis normaux, moins on voit de choses dedans reconnaissables à l’œil nu, moins on est capable de les réparer, plus on s’éloigne des matériaux bruts, des outils de base et de la nature. Simple mais pas simpliste du tout.

 La simplicité n’est pas de mise dans notre monde actuel: on fait des discours extrêmement compliqués (les artistes aussi) pour expliquer le monde et le gérer (économiquement n’en parlons même pas), ça valide l’intelligence, légitimise les idées surtout si on ne les comprend pas du tout, mais on se soumet à des lois d’un simplisme affligeant: Untel a 10000 followers donc c’est un mec bien, et unetelle , cette influenceuse, qui en a je ne sais pas combien, on l’invite même à l’Élysée pour qu’elle donne des conseils aux ministres, et le mec extrêmement riche qui possède des milliards c’est lui qui commande véritablement  le monde. Ben oui, c’est bien plus simple de se baser sur des résultats aussi bêtes que ça pour s’imaginer qu’on comprend le monde à fond, et qu’on est dans le coup.

 Autre question qui me taraude : pourquoi ne puis-je pas me cantonner à une seule matière ? 

j'ai un peu les réponses mais elles nécessiteraient  encore quelques pages.

 Regarder le film « Don’t look up » (en plus il est vraiment drôle)  et lire les livres de « Matthew Crawford » (en plus c’est un beau mec).

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