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Billet de blog 3 juin 2015

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Un scénario de Présidentielle 2017 contre la volonté des Français : le paradoxe de notre système politique

Selon de récents sondages, 72% des Français ne souhaitent pas que Nicolas Sarkozy soit candidat à la présidentielle, de même que 77% des Français ne souhaitent pas que François Hollande se représente à l’élection.

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Selon de récents sondages, 72% des Français ne souhaitent pas que Nicolas Sarkozy soit candidat à la présidentielle, de même que 77% des Français ne souhaitent pas que François Hollande se représente à l’élection. Le duel le moins souhaité des Français est celui de Sarkozy-Hollande et le préféré est celui de Juppé-Valls. Pourtant, certains prétendent que « le scénario d'un "remake" en 2017 du film de l'élection présidentielle de 2012 est écrit, avec Nicolas Sarkozy et François Hollande dans les premiers rôles.

Pourquoi ce paradoxe ? D’une part car il n’y aurait pas de primaires socialistes, vu l’approbation de la motion Cambadélis par le PS, qui n’y est pas favorable, d’autre part parce que le mécanisme des primaires à droite favorise le clan le plus mobilisé, le plus radical, celui de Sarkozy qui de surcroît tient les rênes du parti et bénéficie de plus grands moyens financiers que les autres candidats. Ceci bien qu’Alain Juppé puisse trouver des raisons d'espérer dans les sondages (il battrait Nicolas Sarkozy de dix points (55-45) lors de la primaire de droite, selon un sondage Odoxa publié le 24 mai dans Le Parisien).

De nombreux sondages répétés dans la durée confirment aussi qu’Alain Juppé, Manuel Valls et François Bayrou est le trio de personnalités politiques des Français, avec respectivement 68%, 64% et 61% d’opinions favorables, alors que Nicolas Sarkozy et François Hollande sont loin derrière au 28ème et 34ème rang. Ces résultats sont cohérents avec la préférence des Français pour un duel Juppé-Valls à la présidentielle. Notons aussi au passage le comportement machévélique de François Hollande et de Jean-Christophe Cambadélis qui souhaitent que Nicolas Sarkozy l'emporte aux primaires afin de favoriser l'élection du candidat du PS, qui serait... François Hollande. 

Ces enquêtes et sondages ne sont pas toujours fiables car l’opinion est instable, mais on peut considérer leur résultat quand les écarts de résultat sont significatifs (plus de 3%) et qu’ils sont répétés dans la durée et par différents sondages. Admettons aussi qu'ils sont intéressants pour faire prendre conscience aux Français de l’importance de leur vote et réduire l’abstention. Ils peuvent même influencer le vote. Par exemple, le fait que Marine Le Pen soit annoncée au 2nd tour révèle que le 2ème candidat l’emportera forcément et que l’élection présidentielle devient une élection à 1 tour, hors le FN. Dans une élection habituelle, le 1er tour sert à désigner son candidat préféré et le second tour à éliminer celui qu’on ne veut pas, les candidats minoritaires perdants ayant alors la possibilité de soutenir un des deux gagnants et de faire alliance pour les législatives (ce qui favorise la bipolarité politique qui ne permet plus l’émergence d’une réelle majorité pour le pays).

Dans le cas présent inédit avec cette montée du FN, les Français qui préfèrent un candidat annoncé perdant peuvent préférer directement voter contre celui qu’ils ne veulent pas.  C’est ce qui peut expliquer un autre paradoxe concernant François Bayrou : malgré cette excellente popularité, les sondages réalisé sur l’élection présidentielle 2017 ne donne que 12% des intentions de votes à François Bayrou au premier tour face à Nicolas Sarkozy (Sondage OpinionWay du 17 avril 2015).  Voyant les sondages et sachant François Bayrou non gagnant, les électeurs préfèrent directement voter pour le candidat ayant plus de chance d’arriver en tête au second tour. C’est pourquoi également François Bayrou est bien conscient qu’il est préférable pour le pays qu’il soutienne directement Alain Juppé, compatible avec sa vision du pays et ses valeurs.

Comme le souligne François Bayrou, le système actuel ne permet pas d'appliquer une politique courageuse et réformiste, qui pourtant aurait le soutien de la majorité des Français, car d'une part la gauche représentée par le PS a contre elle toute la droite et le Front National, ainsi qu'une partie de la gauche (frondeurs qui se rangent par obligation ou moindre mal), d'autre part la droite "républicaine" a contre elle toute la gauche et le Front national. Ce qui donne un soutien qui ne dépasse pas 25% des voix. François Bayrou pense que le rétablissement d'un scrutin législatif à la proportionnelle permettrait, par une meilleure représentation des courants d'opinion, de restaurer la confiance populaire, diminuant l'abstention, et obligerait à discuter, ce qui est le propre du Parlement étymologiquement, pour enfin trouver des majorité d'idées, comme dans les autres pays européens continentaux, par exemple l'Allemagne, l'Italie, les pays nordiques.

Ceci  démontre que le système de désignation des candidats à la présidentielle n’est pas le bon, ne répond pas à la préférence de la majorité des Français. Même les primaires qui sont présentées comme démocratiques à l’échelle d’un parti ne le sont pas à l’échelle du pays. C’est déjà le cas pour les législatives, où le système de scrutin majoritaire à deux tours élimine les partis minoritaires pour ne laisser le pouvoir qu’aux deux partis ayant fait le plus de voix. Système piégeux à une époque où le Front national pourrait devenir l’un de ces deux favoris ! Ainsi au moins 40% des sensibilités politiques ne sont pas représentées à l’Assemblée nationale !

La démocratie, ce ne doit pas être la tyrannie du parti majoritaire mais la prise en compte du meilleur consensus qui satisfait et mobilise la majorité des citoyens !

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