Les Grecs se sont exprimés : oxi, c'est non. pas non à Europe, à rester dans la zone euro, mais non à aller plus loin dans les mesures austérité.
Or pour les partenaires créanciers les sujets paraissaient liés : pour rester dans euro, continuer à avoir un accès aux liquidités de la BCE et encore emprunter auprès des Etats partenaires pour faire face aux remboursements des futures échéances il fallait accepter les conditions, des réformes de fond, des économies complémentaires, de nouvelles taxes. Alors que faire après ce non ?
Scénario de rupture : le défaut de la Grèce, la fin des prêts, voire une sortie de l'euro
Pour les conservateurs (PPE), ce non confirme la volonté des Grecs de ne pas obtempérer à l'ultimatum, donc la justification d'un arrêt de nouveaux prêts des Etats partenaires en vue de faire face aux échéances de remboursement de l'ancienne dette, ainsi que l'arrêt du robinet à liquidité de la BCE. Mais ce scénario implique de fait un défaut de l'Etat grec, donc une requalification en perte des avances consenties par les Etats, qu'elles soient directes, via le FESF ou en garanties au FMI et à la BCE. Donc une prise en compte directement dans le déficit des Etats partenaires créanciers. Soit sur le total des sommes engagées (logique de la fair value des obligations dont la valeur tombe à zéro), soit progressivement au fur et à mesure que les défauts de remboursement sont constatés (je ne pense pas que ce soit acceptable en comptabilité publique).
Ce qui signifie que pour la France, qui a un engagement entre 40 et 50 milliards (selon les calculs), le déficit public 2015 augmenterait de 2 à 2,5% du PIB, passant de 4% à 6,5%. Ce déficit étant lui-même financé par la dette. Comme l'ensemble des pays partenaires subiraient cet impact, augmentant le volume d'émission de dette publique en euro dans ce climat de défiance, les taux d'intérêt augmenteraient fortement, sans doute de 2 à 3% voire plus, augmentant le coût financier de cette nouvelle dette et aussi de tous les futurs renouvellements de dette (200 milliards/an pour la France en plus de ces 50 milliards, soit un coût additionnel de 7,5 milliards en 2016 (et au-delà par an) pour la France comparé à aujourd'hui.
De leur côté les Grecs, ayant fait défaut, n'auraient plus à rembourser leur dette mais ne pourraient plus emprunter ni aux Etats, ni au FMI ni sur les marchés. Comme la Grèce est en léger excédent primaire (hors coût financier de la dette), elle pourrait continuer à payer ses fonctionnaires. Mais les banques grecques, qui possèdent 27 milliards d'obligations d'Etat de leur pays, pourraient être déclarées en faillite si elles ne sont pas recapitalisées à hauteur de ce montant. Cependant, le fonds de résolution bancaire européen a été mis en place de manière justement pour faire face à ce risque sans faire appel aux contribuables européens, de même que protéger les dépôts des épargnants inférieurs à 100 000 euros, et ce fonds doit être alimenté par les banques de l'UE. Voir aussi les explications sur le site du Parlement européen.
Pour rappel : "D’abord composé de compartiments nationaux dédiés au sauvetage des banques nationales, il doit être progressivement mutualisé pour atteindre 55 milliards d’euros en 2024. 40% de ce fonds seront mutualisés dès 2015 (soit 22 milliards d'euro), puis 60 % en 2016 et 70% en 2017. Le fonds est financé par une taxe bancaire sur les établissements de la zone euro. La répartition de leurs contributions respectives doit encore faire l’objet d’un accord intergouvernemental. Le fonds pourra également, selon le Parlement européen, emprunter auprès des marchés financiers, dès 2015. Mais il ne pourra pas accéder aux fonds du Mécanisme européen de stabilité."
Comme la Grèce est encore dans l'UE et même dans la zone euro, il serait légitime que les 22 milliards déjà abondés servent donc à renflouer les banques grecques et s'il manque quelques milliards, que ce fonds les emprunte sur le marché avec la garantie des banques européennes.
Que la Grèce reste dans l'euro ou qu'elle en sorte (ce qui n'est pas prévu dans les traités), le résultat est le même pour les Etats partenaires. Pour les Grecs, une sortie de l'euro, qui impliquerait une dévaluation de l'ordre de 40%, serait probablement dramatique, renchérissant les importations sans reporter autant de bénéfice sur les exportations puisque la Grèce est en déficit commercial. Ce serait une situation semblable à celle qu'a connu l'Argentine avec une baisse de 40% du pouvoir d'achat, 50% des gens sous le seuil de pauvreté, émigration massive, 10 ans pour s'en remettre. Sans compter les conséquences géopolitiques : porte ouverte aux migrations venant de l'extérieur aux portes de l'Orient, rapprochement de la Russie qui consolide un front anti-OTAN,...
Scénario de solidarité à l'égard de la Grèce
L'autre possibilité à envisager est a contrario une poursuite de l'assistance respiratoire à la Grèce, de prêts des Etats créanciers partenaires pour faire face aux échéances, ainsi que des avances de liquidité de la BCE aux banques grecques (qui rappelons-le sont octroyées contre collatéral, titres de bonne qualité). Le défaut de l'Etat grec n'est pas déclaré et le montant de la dette publique grecque reste compris dans le stock de dette des Etats créanciers. Si la Grèce n'est pas capable de rembourser, ces engagements sont à considérer comme une dette quasi perpétuelle en attendant les jours meilleurs. Si les taux restent bas (ils sont quasi nuls pour l'Allemagne et la France), les Etats créanciers peuvent faire bénéficier la Grèce de ces taux nuls pour lui permettre de retrouver un peu d'air. L'important est de faire repartir l'économie grecque, l'emploi, tout en réorganisant certains pans de gestion du pays (recouvrement de l'impôt, lutte contre la fraude, création d'un cadastre, imposition de l'église et des armateurs...).
Ce scénario est plus rassurant pour la zone euro, montre une Europe qui fait face à ses responsabilités à l'égard d'un de ses membres, sachant que ses dirigeants ont bel et bien une part de responsabilité dans le fait d'avoir accepté la Grèce dans l'euro, d'avoir fermé les yeux sur les maquillages des comptes réalisés avec la complicité de Goldman Sachs. Le déficit public et le stock de dette des créanciers n’augmentent pas, il n'y a donc pas de raison à voir les taux d'intérêt flamber, contrairement au premier scénario de rupture. Donc pas de raison à voir ce coût additionnel de 7,5 milliards pour la France. Par ailleurs, les banques grecques n'étant pas en faillite, le fonds de résolution ne serait pas appelé.
On peut néanmoins s'interroger sur une éventuelle restructuration de la dette grecque : prolongation de l'échéance ou abattement sur le capital pour diminuer les échéances de remboursement pour laisser plus de respiration à la Grèce, sans néanmoins relâcher prise sur les réformes nécessaires, mais pour garantir une marge de manoeuvre d'investissement pour un plan de relance de l'économie. Sachant qu'un abattement sur capital, comme il y avait eu en 2010 (50%) occasionnerait une constatation de perte immédiatement enregistrée en déficit public pour les Etats créanciers, il y a risque de hausse des taux sur la dette en euro, ce qui coûte cher. Il vaut mieux encore prolonger l'échéance de la dette tout en garantissant un très faible taux d'intérêt à la Grèce en échange d'une garantie de rembourser le capital (plutôt que des intérêts), ce qui renforcera la confiance.
Il paraît évident que ce deuxième scénario est le moins dangereux et le moins pénalisant, à la fois pour la Grèce et pour l'ensemble des Etats de la zone euro, de même que pour l'ensemble de l'Union européenne.

Articles pour comprendre la dette grecque :
http://www.franceculture.fr/2015-06-30-tout-comprendre-sur-la-dette-grecque-en-six-etapes
http://www.touteleurope.eu/actualite/referendum-en-grece-les-3-scenarios.html