François Bayrou et Jean-Louis Borloo ont repris langue et ont exprimé leur volonté de rapprocher l'UDI et le MoDem, de conduire des listes communes aux prochaines élections européennes et municipales, en renforçant le centre. Faut-il voir cette orientation comme une tactique politicienne ou comme une concrétisation d'une convergence de fond sur les valeurs, sur les idées, sur un projet politique commun ?

François Bayrou a parfaitement expliqué ce qui ne lui convient pas dans la politique conduite par le gouvernement, par François Hollande depuis son élection. Bien sûr, c’est toujours mieux que la façon de gouverner de Nicolas Sarkozy qui divisait les Français, mélangeait les intérêts publics et les intérêts privés et favorisait les riches en stigmatisant les plus défavorisés, les chômeurs.
Mais sur tous les tableaux il y a déception ou désaccord, clairement constatés sur la base des attentes qu'avait exprimé François Bayrou entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2012 :
- sur la moralisation de la vie politique (interdiction du cumul des mandats pour les députés, diminution des parlementaires, proportionnelle aux législatives…),
- sur l’équilibre des finances publiques (trop d’impôt et presque pas de baisse des dépenses publiques, pas de réforme de fond sur le mille-feuille territorial),
- sur les retraites où il ne s’agit pas de réforme mais d’un ajustement de paramètre (il aurait fallu une vraie réforme de fond plus juste et garantissant un équilibre durable, une unification des régimes avec un système à points),
- sur l’emploi qui ne peut être développé qu’avec une réelle relance de la production (avec des stratégies nationales, filière par filière, et un développement de la démocratie sociale dans l’entreprise »), les emplois aidés ne servant qu'à limiter passagèrement le chômage en creusant encore la dépense publique,
- sur l’éducation ou l’embauche de 60 000 postes et les rythmes scolaires ne résolvent pas les problèmes de fond, les problèmes de méthodes, de pédagogie, de programmes,...
- et enfin en politique étrangère un profond désaccord sur la Syrie.
La déclaration de François Bayrou à la veille du deuxième tour de la présidentielle finissait ainsi : "Si François Hollande en reste à la gauche classique et à son programme, je serai un opposant, dans une opposition vigilante et constructive. Il faudra une opposition constructive, mais déterminée, quand il s’agira d’empêcher les erreurs annoncées." François Bayrou considère aujourd'hui que le gouvernement ne fait pas face au devoir qui est le sien de reconstruction de la France et de l'action publique française. Il propose que le Centre se réunisse et qu'il avance vers une proposition différente.
Le PS ne mène pas la politique « de gauche » qu’attendait le Front de Gauche et même une partie des électeurs du PS. Il ne conduit pas non plus une politique qu’appelait le centre de ses voeux. Sur le fond des sujets et surtout de l'Europe, qui sera crucial pour la prochaine échéance électorale, il y a en effet convergence entre l’UDI et le MoDem. A concrétiser et à objectiver lors de l'élaboration des projets. Par ailleurs, l’UDI a affirmé sa volonté d’exister indépendamment de l’UMP en même temps que le MoDem constate que le gouvernement PS ne va pas dans le bon sens. C’est cela la réalité. Robert Rochefort l'a très bien exprimé dans ce billet et dans cet interview.
Ceux qui réduisent cette volonté de rapprochement à une posture politicienne, qui abaissent François Bayrou en lui prêtant la médiocre ambition de s'assurer un mandat (voir le billet très mesquin de Jean-Christophe Cambadélis), ont une vision très petite de la politique. D’ailleurs les élections européennes sont à la proportionnelle à un tour, sans obliger à une alliance de 2nd tour, et si François Bayrou conduit une liste, il est quasi-assuré d’obtenir un mandat. Et franchement, François Bayrou a démontré que ce n’est pas cela qui le motive, il a déjà pris tous ses risques.
Néanmoins, avec les institutions politiques de la Vème république, l'entreprise de promotion et de renforcement du centre dans la vie politique est une vraie gageure, surtout quand en son sein certains sont tentés par un alignement au second tour (à droite) alors que d'autres ne le souhaitent pas. Déjà des voix discordantes se font entendre, dans les rangs de l'UDI comme dans les rangs du MoDem. Des barons de l'UDI veulent poser des conditions au rapprochement, souhaitant une clarification politique du MoDem pour assurer par avance une alliance à droite, tandis que beaucoup au Modem tiennent à l'indépendance qu'ils ont déjà payée si chère. Mais si le centre se renforce vraiment, s'il peut peser au point de dépasser l'UMP et le Front National, peut-être y arrivera-t-il.
Un centre fort qui propose une offre politique différente fragilise certainement à la fois l’UMP et le PS. C'est en tout cas une bonne nouvelle pour le pluralisme de la vie politique en France.