Evoquée lors de la conférence sociale, une hausse de la CSG (entre 2 et 4 points) serait envisagée par le gouvernement (voir les déclarations du ministre du budget Jérôme Cahuzac), en même temps que serait annulée l'augmentation de TVA dite "sociale" de 1,6% décidée par le gouvernement précédent. Que faut-il en penser ?
La proposition du gouvernement paraît aller dans le sens affirmé d'une réduction des déficits sociaux grâce à de nouvelles ressources, notamment sur le capital, qui ne ponctionnent pas plus les entreprises, ce que nous approuvons, mais ne vont pas dans le sens de la justice sociale, dégradant fortement le pouvoir d'achat de tous les Français, des classes moyennes et populaires, des chômeurs et des retraités. Elle est d'autant plus étonnante qu'elle ne figurait pas dans le projet présidentiel du PS et de François Hollande et qu'elle est incompatible avec la réforme fiscale annoncée de fusion de la CSG et de l'impôt sur le revenu.
Pour mémoire, la CSG (Contribution Sociale Généralisée) est un impôt aquitté sur tous les revenus du travail et du capital (sauf le RSA et l'allocation parent isolé). Créée en 1990 par le gouvernement Rocard pour participer au financement du déficit de la Sécurité sociale, son taux, initialement de 1,1%, a progressivement été augmenté. Il est modulé selon les types de revenus : 7,50 % sur les revenus d'activité, 6,20 % sur les revenus du chômage et 6,60 % sur les retraites (3,80 % pour les personnes dont le revenu de référence est inférieur à 9876 € - tandis que les pensions perçues par les foyers non imposables sont exonérées) ; 8,20 % des revenus du patrimoine et de placement ; 9,50 % des revenus des jeux.
Sur les 89 milliards d’euros de recettes que la CSG devrait procurer en 2012, 62 milliards proviennent des revenus d’activité (soit 69,66 % du rendement de la CSG), 16 milliards proviennent des revenus de remplacement comme la retraite (soit 17,9 % du rendement de la CSG) et 10 milliards des revenus du patrimoine (soit 11,23 % du rendement de la CSG), les autres recettes provenant des revenus des jeux ou des majorations et pénalités.
Selon un sondage Tilder-LCI-OpinionWay publié mercredi 11 juillet 2012, 60 % des Français seraient hostiles à une éventuelle augmentation de la CSG. Ceci alors qu'ils sont aussi 60% à être prêts à consentir des efforts ...
Points principaux à retenir :
1- L'objectif affiché par le gouvernement, est à la fois la couverture du déficit de la sécurité sociale (estimé à 15 Mds en 2012) et l'amélioration de la compétitivité des entreprises par réduction du coût du travail (ce qui est nouveau comparé au programme du PS et de Hollande !)
2- On peut d'abord s'interroger sur cet objectif de compétitivité des entreprises par une baisse du " coût du travail" (sous-entendu les charges patronales). Le coût du travail global pour l'entreprise est constitué des charges patronales+ salariales),. Il est encore légèrement plus élevé en Allemagne (les charges patronales sont 50% moins élevée en allemagne mais les charges salariales sont plus élevées, 30% environ, car les salariés paient plus de cotisations sociales et d'impôts pour leur couverture sociale). Le coût du travail total n'est pas plus élevé en France que dans les autres pays de même niveau de vie que nous. Le problème de compétitivité avec ces pays est tout autre, dit "hors-coûts" : positionnement et qualité des produits, image de marque, souplesse, stratégie industrielle, dialogue social avec des partenaires sociaux co-décideurs ... Quant à la compétitivité avec les pays émergents ou la Roumanie, ce n'est pas une baisse de quelques petits points qui permettra de les concurrencer, sinon il faut accepter de baisser notre niveau de vie à leur niveau !
3- Pour que cela ait l'effet escompté (nouvelle recette et compensation d'une baisse de charge patronale), cette mesure impliquera bel et bien une perte de pouvoir d'achat pour les classes moyennes salariées, commerçants, retraités et chômeurs (le RSA et l'allocation parent isolé n'étant pas assujetis à la CSG), sur un taux flat non progressif, ce qui n'est pas juste socialement. Même si les revenus du capital contribuent aussi (pour 11%) à la CSG (et dont le taux avait été augmenté de 2 points par Sarkozy récemment).
Si en revanche cette perte de pouvoir d'achat devait être compensée par une hausse du salaire net, et que le surplus gagné grâce à l'élargissement de l'assiette servait à couvrir le déficit de la SS, l'effet baisse du coût du travail serait neutre pour les entreprises !
4- Le gouvernement ne parle plus de fusion CSG+IR, qui aurait permis une progressivité de l'impôt sur l'assiette de la CSG, y compris sur les revenus du capital (actuellement capés à environ 30%), avec l'inconvénient de devoir supprimer le quotien familial. Or cette mesure d'augmentation de la CSG n'est pas compatible avec la réforme fiscale de fusion CSG+IR pourtant annoncée.
5- Quelle différence entre augmenter la CSG et augmenter la TVA ?
La TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée), est un impôt indirect sur la consommation. Il s'applique donc aux consommateurs, quelle que soit l'origine et le niveau de leurs revenus et sur tous les produits et service achetés, produits en France ou importés. Elle est donc synonyme de ponction sur le pouvoir d'achat. Son taux est de 19,6% sauf pour les biens de première nécessité (7%).
La CSG s'applique aux revenus de toutes nature, sur une assiette plus large que les habituelle cotisations sociales assises sur les salaires, touchant également les revenus d'autyres activités, des retraites, de chômage, et du capital. Sa vocation d'origine (qui pourrait évoluer) est de financer le déficit de sécurité social. Même si considérée par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'Etat comme un impôt, elle est donc assimilable à une cotisation sociale (considérée comme telle par la Cour de justice de l'Union européenne). Augmenter son taux revient à ponctionner du revenu et joue donc de la même façon sur le pouvoir d'achat qu'une augmentation de la TVA qui augmente le prix d'achat pour les consommateurs.
Les deux ont un taux proportionnel, le même quel que soit le niveau de revenu (non progressif, contrairement à l'IR, impôt sur le revenu), ce qui fait dire que cet impôt n'est pas "social", pas redistributif.
Une augmentation de 1 point de la CSG rapporte à l'Etat 11 milliards alors qu'une augmentation de 1 point de la TVA ne rapporte que 6,5 milliards.
6-Une "CSG sociale" pour remplacer une "TVA sociale" ?
L'objectif des deux types de taxe peut être commun : participer au financement du déficit de la sécurité sociale. La CSG peut être réglée avec un effet de compensation, en baissant d'un côté les cotisations sociales patronales assises sur les salaires et en augmentant le taux de SCG sur une assiette plus large que celle des salaires, cette élargissement permettant le complément de revenu escompté en essayant de ne pas pénaliser les salariés.
La TVA "sociale" peut également être réglée en vue de transférer des cotisations sociales patronales (par exemple le financement de la branche famille) vers la TVA sur la consommation, en faisant l'hypothèse que les entreprises répercutent la baisse de charge sociale sur une baisse du prix hors taxe de leurs produits pour que l'effet soit neutralisé au consommateur-salarié (hypothèse non garantie ...).
Cependant, la TVA dite "sociale" ou "antidélocalisation" a aussi pour objectif de renchérir les importations et de baisser le coût des exportations, agissant comme une dévaluation de monnaie y compris dans la zone euro des pays partageant notre monnaie, Remarquons que malgré tout, son effet aurait été très mineur et aurait dû être de plus de 3 points pour combler le déficit de 15 Mds de la SS ( 3 points appliqués aux importations, 500 milliards, font 15 milliards). De plus, telle qu'elle avait été décidé par le gouvernement précédent sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, la hausse de 1,6 points n'aurait eu qu'un effet extrêmement faible sur le commerce extérieur (environ O,4 % sur le prix des importations et des exportations), vu qu'en moyenne les coûts salariaux représentent environ 25% du prix des importations ou des exportations.
La CSG n'a pas cet effet boostant le commerce extérieur.
Pour plus d'information sur la TVA dite "sociale" ou "anti-délocalisation", lire mon précédent billet "TVA sociale (ou de relocalisation) : pour ou contre ?"