J'ai exprimé dans un précédent billet mon désaccord avec les solutions économiques de J.L Mélenchon sur la dette, ou encore le SMIC à 1700 €, expliquant en quoi distribuer de la thune aux gens en prenant aux riches et en ne remboursant pas la dette publique, c'est inéluctablement la faillite de l'Etat et la sortie de l'euro avec des conséquences désastreuses. Je n'aime pas non plus l'outrance de ses propos qui du coup choque et déplace le débat médiatique au lieu de parler du fond. Cependant, je déplore la façon dont il est souvent traité (de clown) par certains journalistes ou certaines personnalités politiques de droite comme de gauche. J'admets aussi que sur certains points il a raison et qu'il faut au moins l'écouter, donc je ne rejette pas tout en bloc, ce qui doit ouvrir un débat constructif :

1- il a raison de dénoncer des dérives de la finance, de la spéculations, des bonus extravagants des traders, mais il ne faut pas tomber dans la paranoïa ("la crise, c'est à cause des riches et des banquiers", et laissant croire qu'il n'y a qu'à leur reprendre l'argent pour tout résoudre, alors qu'il y a des causes structurelles et que l'argent des riches n'y suffirait pas)
2- il a raison d'avertir sur les politiques d'austérité (= rigueur avec baisse des dépenses publiques) qui peuvent s'avérer négatives en termes de croissance, parfois pire, aggravant plus le déficit qu'un maintien de la dépense publique. Mais là où il faut nuancer, c'est sur le type de dépenses publiques : il faut faire baisser celles qui correspondent à du gaspillage, des dépenses non productives, administratives, pour retrouver des marges de manoeuvre pour dépenser en investissement productif créateur d'emplois et de richesses. Il faut aussi dire que la France n'est pas encore entrée dans l'austérité, comparé à la Grèce, le Portugal et l'Espagne, qui connaissent un taux de chômage de 25%, une baisse des retraites et du salaire des fonctionnaires de 25% !
3- il a raison dans son analyse des problèmes structurels de l'euro, partagée par d'autres courants politiques d'ailleurs : l'eurolibéralisme et le fonctionnement de l'euro ont montré ses limites. Le projet européen et en particulier de la zone euro présupposait que les économies européennes étaient homogènes, encadrées par les critères de Maastricht, or ce ne fut plus le cas en réalité notamment avec l'arrivée de la crise. Les différences entre pays se sont creusées en fonction de leur compétitivité dans le marché mondial, de leur niveau de vie et de coût salarial, du niveau de leur dette publique et de leurs taux d'intérêt (élargissement des spreads émetteurs). Les taux d’inflation n’ont pas convergé. On sait que le projet était inachevé, qu'il manquait un gouvernement économique de la zone euro alors que le partage d'une monnaie signifie cohérence économique et budgétaire. Toutes ces contradictions, exacerbées par la mise en place de l’union monétaire, existaient avant la crise, mais elles ont explosé avec les attaques spéculatives contre les dettes souveraines des pays les plus exposés.
Une profonde refondation de l’Europe et de la gouvernance de la zone euro est indispensable, avec plus de coopération pour un budget commun, une émission de dette publique européenne commune au même taux, la possibilité donnée à la BCE d'acheter cette dette publique, des investissement communs pour la restructuration de l’industrie, la soutenabilité écologique et le développement de l’emploi.
Certains n'y croient pas car la majorité politique de l'Europe est à droite, de sensibilité libérale (accord du PSE et du PPE pour la réélection de Barroso) et préfèrent la sortie de l'euro (très risquée en termes de conséquences). D'autres (J.L Mélenchon) pensent qu'on le fera en imposant un rapport de force, une confrontation brutale, en y allant au chantage (au non remboursement de la dette, donc à l'explosion de l'euro).
Et enfin il y a ceux dont je fais partie qui, tout en partageant une partie de l'analyse de J.L Mélenchon, pensent que la pédagogie de la vérité des chiffres doit convaincre les pays et surtout les citoyens européens d'aller vers cette coopération, sans pour autant dire qu'on retire toute souveraineté aux Etats de la zone. C'est possible et moins risqué que la confrontation brutale qui conduit aux guerres.
J'aimerais voir aussi des billets de militants du front de Gauche intitulés "Pourquoi il faut écouter François Bayrou même si on le conteste" ...
On verrait ainsi s'ils sont ouverts au débat !