La réforme de l'enseignement supérieur proposée par le gouvernement va certainement dans le bon sens mais sans traiter vraiment les problèmes à la base de l'adéquation des choix d'orientation, de réponse aux besoins de la société et des entreprises, et les problèmes de moyens. De même que le débat et les critiques à l'occasion de sa discussion en Commission de l'Assemblée nationale, ne traitent pas à mon avis de l'essentiel.

Les objectifs premiers du gouvernement (voir le dossier de presse précisant les 20 mesures phares) sont "d'améliorer la réussite étudiante et relancer l'ascenseur social". C'est bien mais il aurait fallu à mon avis ajouter "motiver les jeunes en amont et mieux anticiper leurs aspirations et leurs potentiels pour les choix d'orientation, mieux imbriquer l'enseignement supérieur dans la vie économique et sociale, dans la vie active".
Le débat se polarise autour de l'introduction de cours en anglais, de la simplification de la cartographie des formations, les quotas pour les BTS et les IUT au bénéfice des bacheliers professionnels et technologiques, ou encore du regroupement en pôle spécialisés (concentration risquant de régionaliser les diplômes), ainsi que de la précarité des universités et des enseignants non traitée par la loi.
Alors qu'il ne faut pas oublier ces besoins essentiels :
- mieux répondre aux nouveaux besoins de la société, des entreprises, avec des formations dans les technologies de demain, que les étudiants ne connaissent pas a priori,
- mieux informer les étudiants déjà au lycée, évaluer leurs potentiels et motivations autres que scolaires, les salons étudiants ne suffisent pas, Ceci limiterait aussi les nombreux abandons entre la 1ère et 3ème année, les erreurs d'orientation, qui coûtent très cher.
- préparer en même temps les jeunes à la vie active, progressivement, par exemple en généralisant l'alternance (dans les pays nordiques, presque tous les étudiants à l'université travaillent à mi-temps et financent en même temps leurs études et ont systématiquement un travail après leurs études), en les encourageant à créer leur entreprise, à faire du conseil, avec une mise à disposition de moyens mutualisés de type pépinière (locaux, ordinateurs, mise en réseau avec entreprises, chambres de commerce ...). De même mieux imbriquer la recherche et les entreprises.
Le projet de loi ne répond pas non plus en effet aux préoccupations urgentes budgétaires et financières : non prise en compte de l'actualisation de la masse salariale lors du passage à l'autonomie, un quart des universités ont une trésorerie négative ou nulle, précarité des étudiant, de certains enseignants et des personnels de recherche.
Il me semble que les cours en anglais sont une très bonne idée dans certains domaines touchant à l'international (économie, commerce international, affaires internationales, recherche,...), pas forcément pour attirer des étudiants étrangers mais pour que nos étudiants soient opérationnels dans leur domaine où l'anglais est devenu indispensable. Cela ne va pas tuer notre langue française, de même qu'en Allemagne cela n'a pas tué l'allemand ...
Recrutant moi-même souvent dans ma profession des stagiaires et alternants d'université et de grandes écoles de commerce, j'ai souvent (quasiment une fois sur deux) des étudiants étrangers, surtout Chinois, de pays d'Europe de l'Est et d'Afrique, qui sont très motivés, très travailleurs. Quand je leur demande pourquoi ils ont choisi la France, c'est souvent le coût peu élevé des études qui les attirent, comparé aux autres pays occidentaux. C'est ensuite pour eux un tremplin pour essayer de travailler en France, ce qu'ils souhaitent en général, même si la concurrence est forte.