Le gouvernement va annoncer sa réforme bancaire en France le 19 décembre 2012 et Pierre Moscovici en a dévoilé les contours. Il veut montrer qu'il anticipe la réforme européenne qui sera décidée à partir du rapport Liikanen. Sachant que Liikanen est plus restrictif que ce qu'annonce a priori Pierre Moscovici et donnera certainement lieu à des ajustements l'année suivante avec l'application de la directive fin 2013.
Le projet de réforme bancaire que prépare le gouvernement préservera le modèle de banque universelle des établissements français mais les obligera à loger les activités spéculatives dans des entités séparées, des filiales dédiées aux activités de marché qui seront soumises à des exigences prudentielles «sévères». Certaines des activités comme la spéculation sur les dérivés de matières premières agricoles ou le trading à haute fréquence (ordres déclenchés par des logiciels préprogrammés traquant les petits écarts de prix) seront prohibées. La réforme imposera aussi un puissant dispositif de résolution des crises, pour faire en sorte que la déconfiture éventuelle d'une banque ne mobilise pas d'argent public, ainsi qu'une supervision renforcée du secteur financier.
Le rapport Liikanen lui parle plus franchement d'une séparation stricte (contrainte de capital) des activités bancaires entre d'un côté les banques commerciales gérant des dépôts et des financements à l'économie et de l'autre des activités de marché et/ou risquées, à composante spéculative, ne laissant à la banque commerciale que la possibilité de coter un instrument de couverture à un client systématiquement couvert à l'extérieur (donc auprès d'une banque qui elle pratique le trading).

Pierre Moscovici semble donc préférer l'orientation américaine de type Volcker (limitant les activités spéculatives, le trading pour compte propre, la participation dans des hedge funds,...) qu'une séparation stricte, fonctionnelle et capitalistique entre activités de marchés et activités de financement (comme la réforme Vickers au Royaume-Uni, mais applicable seulement en 2019).

Après avoir bien étudié ce sujet, je pense que cette orientation est en effet préférable. En effet ce qu'il faut éradiquer c'est la spéculation pour compte propre et des risques non maîtrisés, tout en rendant encore service aux clients et sans mettre ces derniers en risque.
Les activités de marchés, dont activités sur instruments dérivés, sont utiles aux clients pour couvrir leurs risques de change, de taux, de prix de matières premières ou agricole, de prix sur actifs (pour la clientèle investisseurs et gestionnaires d'actifs). Tout d'abord ils peuvent recourir plus aux marchés organisés plutôt qu'au gré à gré, ce qui réduirait le risque de contrepartie. Ensuite les banques qui leur offrent la couverture peuvent se couvrir systématiquement sur le marché (notamment organisé), avec une limite de position, juste pour pouvoir opérer en clientèle, sans pour autant prendre des positions propres. Il ne s'agit pas d'activité spéculative dans ce cas mais d'une activité d'assurance. Et les clients préfèrent souvent être en face de la même banque pour leurs prêts, émission obligataire et opérations de couverture, plutôt qu'aller voir une autre banque d'affaire spécialisées pour réaliser l'opération de couverture, car cela les oblige à déposer du collatéral auprès de cette banque plutôt que d'utiliser les comptes de leur banque commerciale. Les trésoriers d'entreprises (AFTE) se sont déjà prononcés sur ces préférences.
De plus, un client qui se couvre en utilisant des produits dérivés auprès d'un autre établissement qui serait spécialisé en opérations de marchés et pratiquerait des activités risquées, spéculatives, se mettrait lui-même en risque si cette banque fait défaut, sur ses opérations de couvertures, même si la partie crédits et dépôts est préservée dans la banque commerciale. Donc le client n'est pas protégé et accroît même son risque auprès d'une banque plus risquée.
La séparation franche et capitalistique entre activités de crédits-dépôts et activités de marchés impliquerait aussi des coût de restructuration importants du système bancaire français, au détriment des banques et donc sans doute répercutés sur les clients via les prix, les taux. Pour assumer ces coûts, les banques de marchés seraient obligées de se regrouper, n'en faisant qu'une ou deux en France, donc impliquant moins de concurrence, et ceci bénéficierait aux BFI étrangères comme Goldmann Sachs qui récupèreraient les clients des banques françaises. Au final cela affaiblirait le système bancaire français (déjà pénalisé par Bâle III que les Américains refusent finalement de s'appliquer en 2013) aux profit de banques spéculatives, notamment celles qui ont une responsabilité dans le déclenchement de la crise des subprimes qui a contaminé l'Europe, ainsi que dans la crise des dettes en euro qui a commencé avec la Grèce. Le comble !
Certains ont tendance à avoir une vision paranoïaque du lobby bancaire, comme s'il s'agissait d'une défense d'intérêts catégoriels et de privilèges, alors que les banques cherchent à défendre leur business en préservant leurs emplois, ainsi que leurs clients et préfèrent éviter des coûts et des complications qui seraient nuisibles à l'économie.
Il vaut donc mieux limiter les positions ouvertes sur les produits dérivés, interdire aux banques commerciales les activités de pure spéculation (compte propre trading), le high frequency trading et d'investissement en compte propre dans des hedge funds, plutôt que faire une séparation franche entre les activités de crédits-dépôts et les activités de marchés qui seraient logées dans des banques très risquées, dont une faillite nuirait aux clients, donc au delà des actionnaires de ces banques. C'est ce que recommande Pierre Moscovici et il a raison.
Ci-joint partie résumée en français du rapport Liikanen (16 premières pages) suivie du rapport en anglais.
http://fr.reuters.com/article/businessNews/idFRPAE8AE04F20121115
http://www.20minutes.fr/economie/1043436-moscovici-veut-couper-banques-deux
lemonde.fr/economie/article/2012/11/16/le-gouvernement-francais-veut-encadrer-les-activites-speculatives-des-banques_1791814_3234.html