Les événements tragiques que nous venons de vivre ont relancé le débat sur l'éducation : apprentissage des valeurs républicaines, notamment la laïcité et la liberté d'expression, ainsi que les conséquences d'un problème de maîtrise de la langue. Ce n'est d'ailleurs plus vraiment un débat, il y a bien consensus sur les causes. En revanche, il peut y en avoir un sur les moyens, les méthodes, pour endiguer le fléau à la racine.
Toutes les bonnes idées et expériences sont bonnes à prendre, à étudier, à essayer. Le gouvernement a une démarche constructive et reçoit les anciens ministres de l'éducation. François Bayrou participe aux propositions et essaie de revenir à l'essentiel. Les mesures accessoires peuvent présenter un intérêt mais nous divertissent de l'essentiel, or il faut nous mobiliser sur l'essentiel.
C'est ce qu'il a voulu dire sur BFM TV la semaine dernière : la question des rythmes scolaires, l'établissement d'une charte de la laïcité dans les écoles ou d'une journée de la laïcité, l'idée d'un rétablissement de l'uniforme à l'école, l'introduction de tablettes numériques,... sont des mesures accessoires et ne résolvent pas le problème de fond.
Au lieu de débattre constructivement du fond du problème, certains journalistes ont préféré détourner le sujet en le dénigrant et en pointant ses contradictions. Ainsi Cyprien Cini sur RFI, de même que Nabil Touati sur le Hufftington Post, estiment que "Le président du MoDem juge aujourd'hui secondaire ce qu'il mettait pourtant en avant hier". Certes, il a fait certaines de ces recommandations,, il ne les rejette d'ailleurs pas même s'il critique la façon dont elles sont mises en place (par exemple la très mauvaise gestion de la réforme des rythmes scolaires qui n'a pas bien associé les collectivités locales et au final augmente la fatigue des enfants). Mais il a toujours dit que l'essentiel n'était pas là ! Son combat a toujours été celui de la défense de la langue.
La priorité des priorités de l'école, c'est d'apprendre à LIRE et à PENSER, à faire d'un enfant un citoyen libre, qui a un esprit critique, qui s'est nourri de lecture, d'histoire, de philosophie, pour se forger sa propre opinion et savoir participer au débat public et citoyen en toute conscience et responsabilité, qualités fondant l'exercice de la démocratie. C'est aussi assurer l'égalité des chances et rétablir ainsi une justice sociale quand le milieu d'origine n'est pas propice à l'acquisition de la culture, des codes sociaux et des réseaux d'influence favorisant la réussite sociale.
La délinquance et le violence dans les cités résultent bien souvent d'un problème de maîtrise de la langue, comme le démontrent le linguiste Alain Bentolila (voir mon article "Tout part de la langue") et l'académicienne helléniste Jacqueline de Romilly : "Apprendre à penser, à réfléchir, à être précis, à peser les termes de son discours, à échanger les concepts, à écouter l’autre, c’est être capable de dialoguer, c’est le seul moyen d’endiguer la violence effrayante qui monte autour de nous. La parole est le rempart contre la bestialité. Quand on ne sait pas, quand on ne peut pas s’exprimer, quand on ne manie que de vagues approximations, comme beaucoup de jeunes de nos jours, quand la parole n’est pas suffisante pour être entendue, pas assez élaborée parce que la pensée est confuse et embrouillée, il ne reste que les poings, les coups, la violence fruste, stupide, aveugle.” (Le Point, 25 janvier 2007.).
Celui qui ne maîtrise pas la langue, en tout cas pas suffisamment, se met en position d'exclusion sociale. C'est le principal problème des ghettos urbains, qui développent un langage simplifié, insuffisant pour exprimer une pensée complexe et même pour pouvoir expliquer ses actes, décrire un argumentaire. D'où la violence des banlieues. L'origine de cette violence provient souvent d'une incapacité à s'exprimer par les mots.
François Bayrou est aussi intervenu au sujet de l'éducation le 24 janvier 2015 sur France 2, invité de Laurent Ruquier dans l'émission "On n'est pas couché". A cette occasion, interrogé sur ses propositions pour améliorer l'apprentissage de la lecture (rappelant le chiffre très inquiétant que 30% des élèves arrivant au collège ne maîtrisent plus la lecture), il recommande une vision plus pragmatique de la situation. Il remarque que dans certaines classes une grande majorité d'élèves réussissent, ont le goût de la lecture, c'est principalement dû à des méthodes, à la façon d'enseigner des professeurs. Pourquoi ne pas s'intéresser particulièrement aux méthodes qui fonctionnent et en tirer de l'expérience pour les généraliser ?
Et là, quelle est la première réaction de Léa Salamé et de Aymeric Caron à cette proposition %(voir de 32ème à 40ème minute de la vidéo ci-dessous) "Vous sous-entendez donc qu'il s'agit d'un problème de professeurs, certains étant compétents et d'autres pas ?" De quoi attiser une tension entre les professeurs et stigmatiser l'incompétence de la majorité d'entre eux ... Or ce n'est pas ce qu'a voulu dire François Bayrou. L'idée de trouver les meilleures pratiques à la base et les partager est une idée positive, constructive, pragmatique, qui mérite d'être regardée. Il n'est absolument pas dans l'attitude de stigmatiser les professeurs qui sont méritants, font ce qu'ils peuvent, manquent de reconnaissance eu égard à leur tâche très difficile et leur si grande responsabilité.
C'est consternant de voir la manière négative dont certains journalistes traitent l'information et détournent le débat vers les conflits politiciens au lieu de le focaliser sur les idées constructives qui font avancer notre société.