Je suis consternée à la fois par l'absence ou la pauvreté de débat de fond sur l'Europe à un mois de l'échéance électorale, pourtant cruciale, la complicité des médias à refuser ce débat (jugeant sans doute que cela n'intéresse pas les auditeurs), l'inconsistence des programmes actuellement dévoilés (ou pas encore dévoilés ...) par les partis nationaux. Et la réduction de ce débat à une vision simpliste : il y a d'un côté les europhiles et de l'autre les europhobes ou eurosceptiques.
De même suis-je étonnée de voir la campagne menée encore au niveau national (et même par chaque candidat qui s'exprime souvent avec ses propres idées, pas toujours en phase avec ses pairs) et non au niveau européen, alors qu'il existe des groupes parlementaires européens, auxquels adhèrent nos partis nationaux. Ne serait-il pas plus logique que les programmes soient élaborés par ces groupes au niveau européen, avec un partage trans-national des sujets défendus, même s'il existe des nuances et certaines adaptations au contexte des pays qui peuvent avoir des priorités spécifiques ?
Il est vrai que l' extrême droite ainsi que l'extrême gauche se rejoignent dans leur critique de l'Europe et de l'euro, sur le diagnostic et les propositions économiques en rupture (même q'ils divergent sur les questions sociétales et d'immigration) : sortie de l'euro voire de l'UE, non remboursement de la dette, souveraineté monétaire permettant de pratiquer la création monétaire pour financer la dette publique et favoriser la dépense publique, dévaluer pour relancer l'exportation ... Ils sont donc désignés comme europhobes ou eurosceptiques.
Quant au PS, l'UMP, EELV, le Modem+UDI, de même que des nouveaux mouvements comme Nouvelle Donne, Nous Citoyens, Europe Citoyenne, ils se qualifient d'europhiles, de pro-européens, en opposition au souverainisme et à la sortie de l'euro. Mais s'ils ont commencé les annonces de leurs listes de candidats éligibles, ils l'ont fait avant d'annoncer les lignes programmatiques, les programmes ne sont pas encore sortis, même si les candidats commencent à être interviewés et à tenir des meetings. Il y a beaucoup de confusion au sein des partis où des voix différentes s'expriment avec des positions parfois non cohérentes, comme je l'exprimais dans un article précédent. Essayez de taper sur Google "elections européennes 2014 comparaison des programmes", pas grand chose n'en sort ... et sous le thème "Les partis dévoilent leur thème de campagne" Le Monde nous sert ce pauvre article.
Mais il ne suffit pas de se proclamer européen et de crier "l'Europe, l'Europe, l'Europe ! en sautant comme des cabris", comme le disait le Général de Gaulle !
On trouve à ces partis europhiles un corpus commun. Ils souhaitent tous :
- une Europe plus démocratique, plus proche des citoyens ;
- une Europe plus sociale, qui mette en place progressivement une convergence fiscale et sociale ;
- une Europe qui règlemente moins notre vie de tous les jours (taille des tomates, pasteurisation de nos fromages etc.) mais s'attache à règlementer des choses plus importantes (protection sanitaire, sociale et environnementale à l'égard des importations venant de pays hors UE, paradis fiscaux,...) ;
- une Europe qui investisse plus dans des projets d'avenir (energies renouvelable et indépendance énergétique, transports, numérique, bio-technologies...) ;
- une Europe qui dispose d'un dispositif et d'une politique de défense ;
- une Europe à plusieurs cercles concentriques, comme l'avait proposé François Mitterrand, avec différents niveaux d'intégration (zone euro très intégrée puis zone aspirant à entrer dans l'euro puis espace type Schengen, UE et enfin partenariats privilégiés (pour la Turquie par exemple) ;
- avec une BCE dont le rôle ne soit pas limité à la lutte contre l'inflation et en faveur de la stabilité monétaire, mais soit davantage tourné vers le soutien à la croissance et à l'emploi (dotée d'outils de relance, d'émission d'une dette commune en euro, voire de prêts direct aux Etats, utilisation de la création monétaire contrôlée) ;
- offrant un meilleur soutien aux entreprises, aux PME, en ouvrant les marchés publics à celles qui produisent en UE.
La différenciation va donc se faire probablement :
- sur des positions clivantes sur certains sujets, tels que le Traité transatlantique TTIP (voir tribune de Jean Arthuis de l'UDI), dont les enjeux sont cruciaux et qui risque bien d'exploser à la veille de l'élection comme le fut celui de la directive Bolkenstein (syndrôme du plombier polonais) à la veille du référendum de 2005 sur le Traité européen. Ou encore sur l'immigration et l'Espace Schengen (l'UMP annonce vouloir le remettre en cause), ou sur le niveau de solidarité entre pays, sur la gestion des dettes publiques (plus ou moins de mutualisation, possibilité de recourir à la création monétaire) mais ce sujet intéresse peu les gens,... ;
- sur la manière de présenter les propositions aux électeurs : langage compréhensible et non technocratique, tourné vers les préoccupations quotidiennes (emploi, pouvoir d'achat), exemple d'idées concrètes séduisantes (comme le contrat d'apprentissage européen proposé par Marielle de Sarnez du Modem) ;
- et aussi sur la personnalité des candidats : leur profil, leur capacité à créer un lien avec leur électeurs, à passer dans les médias, leur compétence, la manière dont ils sont présentés par leur parti (parachutage ou lot de consolation d'un perdant que l'on recase ?).
Il n'y a plus qu'un mois pour le faire !