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Billet de blog 25 octobre 2012

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Ce que révèle le duel Copé Fillon

Comme les socialistes pour leurs primaires présidentielles puis leur choix de premier secrétaire, au tour de l'UMP de faire la Une médiatique pour choisir son chef. Ce soir, grand débat télévisé Fillon-Copé annoncé en fanfare sur France 2, animé par David Pujadas, comme s'il s'agissait d'une élection présidentielle ! Grosse pub pour eux et pour l'UMP.

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Comme les socialistes pour leurs primaires présidentielles puis leur choix de premier secrétaire, au tour de l'UMP de faire la Une médiatique pour choisir son chef. Ce soir, grand débat télévisé Fillon-Copé annoncé en fanfare sur France 2, animé par David Pujadas, comme s'il s'agissait d'une élection présidentielle ! Grosse pub pour eux et pour l'UMP.

Différence de projet ou de programme ? Non paraît-il, sont-ils d'accord de proclamer (sans avoir préalablement décrit ce dernier, donc il faut les croire).

Il s'agira d'une différence de tempérament, de personnalité et d'expérience, disent leurs proches soutiens. Attaques personnelles interdites à ce débat, qui grilleraient automatiquement leur auteur ... Au fait, il ne s'agit pas de choisir un candidat à l'élection présidentielle mais le chef de l'UMP, celui qui anime le parti d'opposition, s'occupe de son organisation, des relations avec les élus et les militants, des investitures, du financement ... On a trop tendance à l'oublier !

François Fillon a certes plus d'expérience de gouvernement, de plusieurs grands ministères, enfin de cinq ans comme premier ministre dans une période difficile qui a vu éclater une grande crise. Réputé homme de consensus (comme Hollande), avec sa contrepartie de manquer de punch, de combativité, voire d'une certaine méchanceté mordante pour un attaquant. Incarnant une certaine image d'homme d'Etat, faisant primer l'intérêt du pays sur sa carrière, acceptant de se mettre en retrait (parfois même ayant subi l'humiliation de Nicolas Sarkozy), avec l'inconvénient de paraître le chien de son maître ... Un tempérament calme, mesuré, distant, triste, sérieux, taciturne, qu'il a essayé récemment de pimenter, d'agrémenter de plus de sourire et d'humour, comme la médiatisation de son accident de scooter avec MMS photo et joyeux commentaires en atteste, ainsi que la diffusion sur internet de photos où il apparait souriant et séduisant, décontracté, assez bel homme. François Fillon le "Gaulliste social" incarne une droite républicaine plutôt conservatrice. Il porte un discours plus rassembleur et se comporte plus comme s'il concourrait à la candidature présidentielle qu'à celle d'un parti.

Jean-François Copé, dix ans plus jeune,  n'est pas sans expérience de gouvernement (ancien ministre délégué à l'intérieur et au gouvernement) et à la différence de François Fillon, a déjà dirigé l'UMP. Il a déjà la main sur les réseaux de militants, sur le financement du parti, l'implication dans les investitures des élus locaux. Sa personnalité est pratiquement opposée à celle de son rival-concurrent : plus joyeux et blagueur, combatif voire agressif, il paraît passionné de la politique plus comme un jeu, un sport, que pour défendre l’intérêt du pays. Il galvanise les militants dans les meetings. Il aime l'argent et s'est permis de se lancer comme avocat d'affaires tout en étant maire de Meaux et député, cumulant pendant un moment mandats publics et un métier privé. Sur le style, Copé ressemble plus à Sarkozy que Fillon. Il est connu pour ses petites phrases moqueuses et assassines, commettant souvent des bourdes ("ces minables qui se contentent de 5000 euros par mois"), pour ses récentes sorties sur le racisme anti-blanc et la petite histoire du pain au chocolat, et pour des amitiés sulfureuses (on se souvient des photos de vacances avec la marchands d'armesTakkiedine et notamment de la piscine). Moins connu, cet épisode en 2006 relaté par le Canard Enchaîné et dans le livre de Laurent Mauduit "Sous le Tapie" : rencontre dans un palace d'Agadir entre Jean-François Copé, Brice Hortefeux, Maurice Lantourne avocat de Tapie et le marchand d'armes André Guelfi (alias Dédé La Sardine, compagnon de taule de Tapie qui attend toujours la rétrocession promise de 50% des gains de Tapie suite à l'arbitrage privé). Et de quoi parlent-ils, ouvertement d'après un témoignage ? De régler favorablement la question Tapie par un arbitrage ! 
Jean-François Copé incarne une droite "décomplexée", plus "clivante", qui n'a pas peur de reprendre à son compte les thèses du Front National (côté sécurité et immigration, pas de la sortie de l'euro). Enfin, une différence de stratégie politique avec Fillon, il accepterait les courants au sein de l'UMP, plus favorable à des partis de droite ralliés par avance à l'UMP.

Ainsi n'est-il pas surprenant que des personnes comme Nadine Morano ou Brice Hortefeux, Thierry Mariani ou Lionnel Luca de la Droite Populaire soutiennent Jean-François Copé. Par ailleurs, certains soutiens sont clairement motivés par une inimitié personnelle à l'égard de François Fillon, comme Dominique de Villepin, évincé du gouvernement, comme Jean-Pierre Raffarin, comme Rachida Dati, ... et le  républicain gaulliste Henri Guaino !

Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, Copé trouve des soutiens inattendus, chez des personnalités politiques dites centristes, républicaines et humanistes. Notamment Hervé Morin, comme beaucoup d'autres ayant rejoint l'UDI, soutiennent Jean-François Copé visiblement non pas parce qu'il est plus proche de leurs valeurs, mais justement parce qu'il ne l'est pas, et qu'en plus il accepte les courants, ce qui leur permettraient de mieux se démarquer d'une UMP plus clivante, plus proche du FN, qui ferait peur à une partie des électeurs et des adhérents UMP qui seraient tentés de rejoindre l'UDI. Pure stratégie politicienne. De même, beaucoup de socialistes préfèreraient aussi que Copé soit élu car il est plus clivant que Fillon. Du côté du MoDem et de François Bayrou, même si officiellement il n'est pas question de prendre partie sur des affaires internes à l'UMP, pas de doute, la préférence va à Fillon, sur le plan du comportement et des valeurs, et la tactique politicienne visant à préférer celui qui serait plus éloigné n'est pas de mise. Leur souhait d'un rassemblement autour d'une majorité centrale pour une France unie face à la crise, passe par des personnalités plus consensuelles, plus rassembleuses, plus calmes et modérées pour qu'enfin la droite et la gauche, en passant par le centre, se parlent et agissent ensemble dans un esprit constructif d'intérêt général. Ce serait sans doute plus facile avec un trio Fillon-Bayrou-Hollande, qui pourraient sans doute mieux s'entendre.

Ajout après le débat  (ici pour le revoir):

Comme anticipé, ce n'était pas un vrai "débat" puisqu'il s'agissait de deux entretiens avec chacun des impétrants, suivi d'un entretien en présence des deux, sans que jamais ils ne se parlent entre eux. Comme prévu pas d'attaques frontale du rival. Ce que la presse intitule ce matin un "débat à fleurets mouchetés" (RIRES).

David Pujadas a conduit ce "pseudo-débat" comme s'il s'agissait d'une candidature à l'élection présidentielle et non pour occuper un poste de chef de parti d'opposition. Toutes les questions ont porté sur la vision de l'économie, de la société, de la politique étrangère ... Mais aucune sur la façon de conduire le parti, la potitique des alliances (sauf question sur le FN) notamment suite à la création de l'UDI, l'animation du réseau des militants, l'organisation du parti et des investitures pour les prochaines élections municipales et européennes, bref ce qui fait normalement le contenu du poste.

François Fillon s'est adressé à la France, se positionnant plutôt par anticipation en candidat à l'élection présidentielle et probablement avant en candidat à la Mairie de Paris. David Pujadas aurait pu lui demander s'il pourrait assumer à la fois la campagne et le poste de Marie de Paris et celui de dirigeant de l'UMP. Information intéressante : Fillon a reconnu que Nicolas Sarkozy avait bien demandé à PSA de repousser son plan social après l'élection présidentielle.

Jean-François Copé s'est adressé aux militants de l'UMP en ne cessant de critiquer François Hollande et le gouvernement socialiste, qui allaient mettre la France à genoux. Sa mission : cogner et cogner, se montrer le plus possible opposant frontal dès maintenant, le premier militant de l'UMP, le "militant en chef". David Pujadas n'a pas parlé de piscine, de marchands d'arme, de palace à Agadir ni de Bernard Tapie (hors-sujet sans doute). Cela dit question exemplarité, Harlem Désir a bien été élu chef du PS en ayant à son passif une condamnation en 1998 à 18 mois de prison avec sursis et 30 000 francs d'amende pour recel d'abus de biens sociaux suite à l'occupation d'un emploi fictif. Il aurait également bénéficié d'une amnistie de François Mitterrand concernant une dette de 80 000 francs au Trésor public, relative à des amendes de stationnement.

Reste à savoir si les militants de l'UMP vont préféré le président complexé ou le militant décomplexé !

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