Orphée assassiné : un lycée sommé de renoncer à la musique
Le lycée Les Pierres Vives de Carrières sur Seine est sommé par l'Inspecteur d'Académie de renoncer à son option musique, à son orchestre, à son existence artistique.
Ouvert en 1990 autour de son projet musical, il a d'abord été soutenu par tous : Recteur et Inspecteur d'Académie, Région et Commune, tous défendaient l'idée et la réalisation d'un établissement original, ne coûtant pas plus cher que les autres, dont le projet était de faire parvenir ses élèves à l'excellence à travers l'enseignement et surtout la pratique de la musique.
L'Inspecteur régional de l'époque, conscient de sa responsabilité dans le projet, avait désigné pour le poste de professeur un musicien compositeur, le proviseur avait organisé l'emploi du temps autour des répétitions de l'orchestre, tous les midis après le repas, et avait obtenu l'année suivant la création et l'ouverture d'une filière électronique pour que les techniciens puissent travailler avec les musiciens. En 20 ans, en plus de 120 concerts publics, les Pierres Vives ont formé à la musique, à la technique de la scène, à la composition des centaines d'élèves qui garderont le souvenir d'une atmosphère particulière, où l'indispensable contrainte – la musique est une discipline exigeante – ne nuisait jamais à la véritable liberté. Plus encore, l'option musique favorisait l'obtention de glorieuses mentions au baccalauréat et les résultats de l'établissement étaient depuis l'origine excellents. Las ! Le succès engendre des jalousies. Les lycées voisins ont rapidement dénigré le système dérogatoire à la carte scolaire qui permettait aux jeunes musiciens des collèges d'être inscrits aux Pierres Vives. Ils ont accusé de tous les maux le système : on les privait de leurs bons élèves, on faisait de l'élitisme, ô horreur.
Cette année, les jaloux ont obtenu gain de cause : l'orchestre va disparaître. Plusieurs fois, les dérogations avaient été refusées, mais les élèves du secteur suffisaient à alimenter l'orchestre. Cette année, il n'y a plus que trois élèves de seconde à l'orchestre. C'est la fin. Les jaloux se frottent les mains, les élèves pleurent. En deux jours, ils ont réuni plus de 700 signatures sur le site facebook créé pour sauver leur musique. Les anciens, les actuels, les vieux profs en retraite, tous tentent de fléchir l'inexorable inspecteur d'Académie qui a décidé la mise à mort.
Orphée n'a pas résisté aux bacchantes, incapables de rivaliser avec lui, ivres de jalousie. Le mythe nous apprend qu'il fut déchiqueté, et que les miettes de son corps furent éparpillées. On éparpillera donc les petits musiciens dans leurs lycées de secteur, plusieurs refuseront et iront grossir les rangs florissants des lycées privés de l'Académie de Versailles, et les Pierres Vives « rentreront dans les clous », selon l'expression crucifiante de l'un des administrateurs. Qui aura gagné ? La bêtise.