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Billet de blog 24 juillet 2010

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La fin du latin dans les lycées

A propos de la suppression du CAPES de Lettres Classiques. La politique du gouvernement consiste, comme vous le savez, à pérenniser le chef de l'Etat dans ses fonctions. Pour ce faire, il faut baisser l'impôt sur le revenu, pour ce faire, il faut diminuer les charges de l'Etat, pour ce faire, il faut supprimer des fonctionnaires, pour ce faire, il faut rogner sur le budget de l'Education nationale. On rogne donc. On commence par rogner le facultatif, ce qu'en jargon en appelle les options. Les options, ça ne sert à rien, vous dit-on, la preuve c'est qu'elles sont justement facultatives.

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A propos de la suppression du CAPES de Lettres Classiques. La politique du gouvernement consiste, comme vous le savez, à pérenniser le chef de l'Etat dans ses fonctions. Pour ce faire, il faut baisser l'impôt sur le revenu, pour ce faire, il faut diminuer les charges de l'Etat, pour ce faire, il faut supprimer des fonctionnaires, pour ce faire, il faut rogner sur le budget de l'Education nationale. On rogne donc. On commence par rogner le facultatif, ce qu'en jargon en appelle les options. Les options, ça ne sert à rien, vous dit-on, la preuve c'est qu'elles sont justement facultatives.
C'est une fois de plus prendre l'effet pour la cause, ce qui est l'un des travers des princes qui nous gouvernent. Passons.
Ce qui déplaît particulièrement, c'est le latin. Le latin, ce n'est pas populaire. On peut sabrer les latinistes sans que la gauche vous tape dessus, vu que c'est elle qui a commencé le massacre, du reste entrepris par Edgar Faure, ministre gaulliste, dans les années 68 et suivantes. Le latin déplaît à de nombreux bons esprits, je veux dire défenseurs de la laïcité dans la mouvance « à bas la calotte », parce que c'est la langue des curés obscurantistes.
Je devrais faire partie de ces pourfendeurs-là, n'ayant point pour les curés d'affection particulière, et pourtant, j'ai la nostalgie de l'enfance quand je me remémore Introibo ad altare dei, ad deum qui laetificat juventutem meam. Donc le latin, c'est une langue qui pue la réaction, le cléricalisme, Monseigneur Lefebvre, Le Pen et De Villiers. Mais la droite ne veut pas être en reste, et si elle sabre cette discipline, c'est justement en sachant que la gauche ne l'attaquera pas sur ce terrain-là.
Le latin déplaît aussi aux gestionnaires : comme c'est une discipline exigeante, difficile, qui demande pour qu'on la maîtrise cinq ou six années d'études sérieuses, elle coûte cher en heures de cours pour un nombre d'élèves qui se réduit. L'Italien langue vivante 3 rapportera davantage le jour du bac que le latin et sans aucun doute, il est beaucoup plus facile de parler l'italien au bout de trois semaines que le latin au bout de trois ans. Il n'y a donc aucune raison de payer durablement des profs pour peu d'élèves alors qu'on peut en payer brièvement pour beaucoup.
Enfin, le latin est dangereux. C'est un explosif à retardement, car il donne à ceux qui l'étudient une tournure d'esprit très analytique, qui fait qu'il aide à désosser, décortiquer les problèmes, à séparer les difficultés en petits morceaux plus faciles à surmonter, comme l'expliquait Descartes dans le discours de la méthode. Or penser, réfléchir et analyser, de nos jours, c'est un crime. Vous le savez, les médias nous font sentir, rêver, désirer, contempler, prier, admirer, honnir ou vilipender, mais réfléchir, jamais.
Les outils de réflexion, à l'école, il y en a trois : les langues anciennes d'abord, parce qu'elles ne s'étudient qu'à travers la grammaire et la philologie, outils d'analyse, les mathématiques ensuite, qui elles aussi fournissent à l'entendement la logique et le raisonnement déductif, et la philosophie enfin, qui forme l'esprit à l'ensemble de ces opérations intellectuelles. Les autres disciplines apportent des connaissances, qu'on assimilera grâce à ces outils. Tout est indispensable à la construction de l'édifice qu'est l'élève, celui qu'on élève comme une cathédrale, l'homme futur.
On bazarde le latin, on prive les enfants d'un outil, on les prive aussi d'une source de connaissances infinies, aux racines de notre civilisation, on borne leur capacité de tolérance à un petit espace, à un petit temps, à un écran de télé, au lieu de leur ouvrir les immenses perspectives de l'exploration d'un passé où nous puisons nos racines et les fondations de notre esprit. Le latin, c'est un peu comme les abdominaux de l'intelligence. Ca ne sert à rien de faire des abdominaux, ça vous garde le corps en forme. Ca ne sert à rien de faire du latin, ça garde l'esprit vif. Mais l'esprit, il ne dépense pas un sou chez Décathlon.
Marie-Anne Peric
Proviseur retraité,
Traductrice.

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