Je suis une enseignante retraitée de 64 ans, mère de famille et grand-mère, j’ai déjà participé à des manifestations et c’est bien la première qu’il m’arrive une aventure comme celle qui suit.
Ce 23 juin 2016, je remontais la rue de Lyon pour rejoindre la place de la Bastille, lorsque je fus arrêtée par des policiers pour une fouille des sacs. J’ai présenté le mien et c’est là que tout a basculé.
En effet, comme lors des précédentes manifestations, en particulier celle du 1er mai, où le cortège avait été coupé en deux, et où la foule avait subi à plusieurs reprises des jets de gaz lacrymogène, j’avais, par mesure de précaution, emmené des lunettes de piscine, et un masque de protection de chantier.
La vue du masque, des lunettes de piscine, et en fouillant au fond du sac, de mes gants de marche nordique (sport que je pratique avec d’autres retraités) m’ont transformée à leurs yeux en délinquante !
Je fus conduite près de leur car, stationné devant le 30 rue de Lyon.
Une fiche de police a été établie avec mon identité et mon adresse,
Puis j’ai eu l’ordre de ne pas bouger et d’attendre des ordres ultérieurs qui ne venaient jamais.
D’autres personnes comme moi, attendaient déjà. D’autres encore ont été arrêtées. Des hommes et des femmes qui comme moi, souhaitaient simplement manifester. Une dame était arrêtée parce qu’elle avait un foulard de protection
On m’a interdit de communiquer au téléphone avec mes proches, et interdit de répondre aux appels qui se succédaient. J’étais désespérée.
Cela a duré plus d’une demi-heure.
Puis des manifestants sont passés et ont reconnu une des personnes arrêtées comme moi. Des protestations sont parties de la foule, la police a immédiatement dégainé les bâtons, frappé, dispersé avec gaz lacrymogène et interpelé violemment encore deux personnes auxquelles ils ont mis les menottes.
Voyant qu’une dame arrêtée téléphonait, j’ai de nouveau protesté contre l’interdiction qui m’était faite de communiquer avec mes proches.
Le policier qui me gardait a consenti à me laisser faire un texto, j’ai enfin pu communiquer et dire rapidement où je me trouvais, devant le 30 rue de Lyon. Elle a réussi au bout de quelques temps à me rejoindre et elle a parlementé avec le chef. Ils nous ont laissé aller, mais je n’ai pas pu reprendre mes gants de marche nordique et mes lunettes de piscine.
Les autres personnes sont restées sur place, et j’ignore ce qu’elles sont devenues.
Je tiens à témoigner, car il me paraît inconcevable que l’on puisse priver ainsi de liberté des personnes sans aucune raison : le délit étant d’avoir de quoi se protéger des gaz lacrymogènes. Comment une personne comme moi, à mon âge, avec mes cheveux blancs, peut-elle être assimilée à un jeune casseur ? Et je peux dire la même chose des personnes arrêtées comme moi. Si c’est le cas, cela devient grave pour notre sécurité ! Les « casseurs » ne sont pourtant pas difficiles à reconnaître !!!
On demeure sans voix devant ces brimades gratuites envers de simples manifestants : pourquoi nous interdire de communiquer avec nos proches ? De quel droit ? Pourquoi ne pas me rendre mes affaires , sans aucun reçu d’ailleurs? Qu’avaient-elles de dangereux ? Y a-t-il une volonté politique derrière ? Est-ce un manque total de discernement ? Pourquoi exaspérer ainsi les gens qui viennent manifester pacifiquement ? Est-ce que je fais partie, comme les autres personnes qui étaient autour de moi, du quota des arrestations de la journée dont l’annonce est faite dans tous les média ? Serai-je à partir de maintenant interdite de manifestations, fichée à jamais comme délinquante potentielle?
Je reste sur toutes ces interrogations, scandalisée d’un tel comportement de notre police.