Marie-Joëlle Maréchal

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Billet de blog 17 septembre 2015

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l'éducation nationale "sait faire" !

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les enfants de migrants vont être intégrés dans des classes en France afin d'apprendre notre langue. L'Education Nationale (j'ai mis une majuscule exprès !) est fière de son savoir-faire, elle sait faire. Elle, ce sont ces milliers d'enseignants, instituteurs-trices, professeurs qui vont avoir dans leurs classes des enfants perdus, traumatisés, à qui ils vont devoir enseigner le français.

Apprendre le français afin de pouvoir s'intégrer, vivre ici et travailler plus tard. Mais l'E.N. a-t-elle réfléchi à ce qu'impliquait cette charge supplémentaire pour tous ces femmes et hommes, quelle méthode employer et comment faire pour qu'ils soient acceptés par leurs camarades ?

Car apprendre à lire à un enfant qui a vécu toute sa vie en France, qui baigne depuis sa naissance dans la langue, cela diffère d'apprendre à parler -juste parler- le français à un enfant, voir un adolescent, qui vient de vivre des situations tellement dures que l'on peut seulement en avoir une idée.

Quand on constate la charge de travail et les contraintes d'un(e) instituteur-trice, on est en droit de se demander quand et comment ils vont  pouvoir faire pour réussir ce travail titanesque.

Je me souviens de ces jeunes arabes arrivés en France vers l'âge de 12 ans, intégrant une classe de 6ème sans savoir un mot de français, combien s'en sont sortis, combien ont pu travailler, avoir un vrai travail ?

Lorsque j'ai écrit ce billet sur l'illettrisme, je vous ai livré le fond de ma pensée : seule, la valorisation de l'enfant peut lui permettre d'avancer, non seulement dans l'apprentissage de la langue et de la lecture, mais dans tous les domaines.

Or avoir en charge une vingtaine d'enfants et devoir en plus apprendre la langue française à un, voire deux ou trois enfants représentera un énorme travail si l'enseignant(e) veut venir au bout de cette tâche avec succès.

Créer une ambiance favorable à cet apprentissage, valoriser l'enfant, tout cela demande imagination et mise en place d'outils spécifiques et adaptés à l'enfant.

Et les autres pendant ce temps ? Nous ne sommes plus au temps où les enfants respectaient leur enseignant(e), obésissaient aux régles.

Je pense que c'est imposer à des enseignant(e)s un défi qu'ils n'ont pas choisi. Par ailleurs, qui suivra les progrès de l'enfant dans sa vie de tous les jours ?

Car ce qui se passe au niveau individuel rejaillit sur la vie de tous. Si ces enfants ne parviennent pas à s'intégrer, ils deviendront une charge plus lourde pour la société française.

Ce problème est révélateur du manque de réflexion politique d'un gouvernement qui s'est voilé la face et qui rattrapé par une actualité brûlante se voit contraint de réagir. Mais sans réflexion sur les implications et les obligations de cet accueil, cela ne crée que désordre et dysfonctionnement.

L'E.N est engluée dans un système pesant duquel l'imaginaire ne peut se faire jour et dans le cas de toute personne habitée par le malheur, seules la légèreté, l'innovation et l'empathie véritable pourraient mettre au jour la capacité à apprendre. Mais pour cela, il faut du temps et de la disponibilité et les enseignant(e)s ne peuvent utiliser que le temps qui leur est donné. C'est à dire très peu.

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