Réflexions autour du statut d'artiste
Etre artiste dans l'âme et artiste peintre autodidacte - précisément – ne m'a jamais permis de vivre de mon art, La raison principale en étant, je crois, que le fait d'être autodidacte oblige à apprendre sans cesse et sans fin, car découvrir des façons de travailler vous entraîne sur d'autres chemins de connaissance, Je fais des pauses mais toujours cette recherche de quelque chose d'autre, un perfectionnement, une nouvelle idée, application me pousse sur un chemin semé d'embûches,
Par ailleurs, il faut vivre et quand on a une famille, sans abandonner sa vocation, il est souvent nécessaire de la mettre quelque peu de côté.
Travailler ! Que faire pour que l'on puisse ne pas se renier dans ce que l'on aime ? Que faire quand la conjoncture ne vous permet pas d'apprendre, d'étudier dans une école des « beaux-arts » ? ou que l'on ne vous oriente pas vers ce que vous aimez ?
On choisit un métier sans rapport, quelque chose qui va vous permettre de vivre, et d'avoir une famille,
Et puis, un jour, un déclic, on recommence à peindre, à sculpter, sans vraiment d'outil, en suivant son idée et d'année en année on avance, on bifurque, on cherche, on regarde et l'imagination fait le reste, Mais on ne cesse d'apprendre, d'oublier, de recommencer, d'apprendre encore,
Et c'est ainsi que j'ai découvert l'art brut, cet art qui se sert d'objets mis au rebus, détournés de leur utilité initiale, auxquels on redonne vie.
Et puis, chemin faisant, on découvre sa vocation en liaison avec ce que l'on aime et la mienne fut de reprendre une formation d'animatrice qui me permettait de travailler en tant que « animatrice-formatrice » auprès de publics en difficultés, des jeunes adultes et des femmes essentiellement,
Et un jour, la retraite qui me permet de me consacrer plus avant à mon art, mais l'art sans l'utiliser n'est que lettre morte, l'art qui ne sert à rien qu'à faire plaisir ne peut me convenir,
Alors, je l'ai mis au service des enfants et des adolescents, les plus en difficulté,
Et profondément, je crois que l'utilité de l'artiste est de faire passer son art tout simplement, de l'utiliser pour permettre l'éveil, dans un esprit jeune, de possibilités qu'il ne s'imaginait pas posséder,
C'est ainsi que j'ai travaillé en tant que bénévole avec des enfants d'IME, des scolaires, des jeunes en difficulté,
Et l'expérience de mon métier d'animatrice-formatrice s'est tout naturellement servie de tous les travaux que j'avais réalisés : peintures, sculptures, réalisés dans des matériaux aussi divers que le papier mâché, le ciment, le plâtre, la mosaïque, le bois et le tissu,
Permettre à l'enfant ou l'adolescent d'ouvrir la porte à son imagination et de créer à son tour une œuvre qu'il n'aurait jamais imaginé pouvoir faire est une joie et une fierté irremplaçables pour mon âme d'artiste,
Mais également, en exerçant leur imagination, en réalisant une œuvre, ils mettent en marche une machine qui leur permettra peut-être de savoir ce qu'ils voudront faire de leur vie,
Allier l'imagination au travail manuel leur ouvre une porte sur infiniment plus de possibilités car cela leur donne une assurance qui leur permet d'aller de l'avant et d'oser se mesurer à l'inconnu,
Créer une œuvre quelle qu'elle soit demande de l'imagination mais pour la mettre en place, il faut également toutes sortes de qualités que l'on ne mesure pas forcément au début,
Les aider à aller de l'avant malgré les difficultés, les renoncements temporaires, les encourager et leur laisser toute latitude pour découvrir comment vaincre les difficultés, dialoguer, voilà ce que je mets en pratique et je peux l'écrire ici, jamais je n'ai eu de déception parce que chacun a en soi un potentiel qu'il ignore : il suffit juste de leur permettre de le découvrir.