Intéressantes à plus d’un titre les mésaventures des collégiens de Cénon pris dans une mêlée entre manifestants et CRS à la gare Montparnasse.
La conscience professionnelle des deux enseignantes d’abord. On ignore le plus souvent combien il est actuellement difficile d’organiser une sortie scolaire : demander les multiples autorisations, réserver les entrées dans les divers établissements culturels sélectionnés ainsi que les moyens de transport dont il faut préalablement comparer les prix, s’assurer qu’aucun enfant n’est empêché de participer au voyage pour des raisons financières et, si c’est le cas, activer le fonds social collégien, ceci pour les aspects simplement matériels. Il faut en outre (et surtout) envisager les aspects pédagogiques de la sortie : intégrer celle-ci dans les progressions de chaque enseignant, préparer les supports qui serviront aux adolescents en cours de visite, prévoir comment les acquis seront réinvestis puis évalués. Tout cela, un non-enseignant n’imagine le plus souvent pas le nombre d’heures de travail que cela implique. Ces professeures ont d’autre part montré, dans les circonstances difficiles auxquelles elles ont été confrontées, un sens des responsabilités que même un Eric Zemmour (si prompt à imaginer les hordes d’irresponsables grévistes entraînant leurs élèves à participer à des manifestations) devrait louer. Leur souci a été en permanence de protéger leurs élèves au prix de blessures pour l’une d’entre elles.
A l'inverse le non-respect par les CRS de leurs obligations les plus élémentaires. L'article premier du code de déontologie de la police nationale affirme qu'elle "concourt à la protection des personnes et des biens" et le septième précise que "placé au service du public le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d'une manière exemplaire".Or ce qui est le plus effrayant dans le témoignage d'une des enseignantes, c'est ce passage où elle évoque l'inquiétude ressentie pour sa collègue qui tentait de négocier avec les CRS la permission d'aller chercher deux élèves qu'elle croyait égarés: "j'avais peur pour elle, les policiers étant agressifs, menaçants et moqueurs". Alors qu'elle est censée protéger les personnes, la police quand on lui demande assistance, répond par l'agressivité et le ricanement!
La stupidité, pour ne pas dire plus, de la ministre de l’Intérieur qui, au prétexte qu’elle a jadis enseigné (à l’Université autant que je sache ce qui est bien différent du collège), a cette formule sidérante « quand on a la charge d'un certain nombre de jeunes et notamment de très jeunes, on évite de les mettre dans des lieux où il peut y avoir des manifestations et des mouvements de foule ». Quelle solution de repli avaient ces professeures chargées de ramener à bon port et à l’heure dite, par le train prévu, les adolescents dont elles avaient la charge ? Au lieu de féliciter les enseignantes pour leur dévouement et leur sens élevé de leur mission éducative, voilà que la ministre les désigne à la vindicte populaire comme irresponsables.Enfin, les réactions prévisibles des élèves lors des prochains cours d’éducation civique. La notion de sécurité est au programme de quatrième en lien avec l’étude de la justice, heureusement ces élèves là ont dépassé ce niveau car ils auraient pu mesurer avec amertume qu’il y a loin dans leur pays entre les principes et leur application. Mais ces adolescents seront bientôt élèves de Terminale et ils n’auront aucun mal alors, dans le cadre du programme d’ECJS (éducation civique, juridique et sociale), à obéir aux instructions : « On fera le lien entre des événements de l’actualité et la réflexion qu’ils suscitent sur les fondements de la justice et du droit, la garantie des libertés et de la sécurité... ». On peut, par contre s’inquiéter des conclusions auxquelles ils aboutiront....