Vous avez, Monsieur le Ministre, choisi de réintroduire « l’enseignement de la morale » dans les programmes de l’école primaire. On y trouve donc depuis la rentrée 2008 ces quelques lignes: « L’instruction civique et l’enseignement de la morale ... conduit [l’élève] (sic) à réfléchir sur les problèmes concrets posés par sa vie d’écolier et, par là-même, de (sic) prendre conscience de manière plus explicite des fondements même de la morale : les liens qui existent entre la liberté personnelle et les contraintes de la vie sociale, la responsabilité de ses actes ou de son comportement, le respect de valeurs partagées, l’importance de la politesse et du respect d’autrui. ». Passons sur le style et l’orthographe que vous n’avez pas dû contrôler, mais ces quelques phrases vous les avez assumées pleinement, puisque vous avez vous-même, le 20 février 2008, présenté comme un changement important la réapparition du mot « morale ». Vous l’avez fait en ces termes : « Les principes de la morale et l'importance de la règle de droit sont notamment présentés au travers de maximes (« la liberté de l'un s'arrête là où commence celle d'autrui ») ou d'adages juridiques tels que « nul n'est censé ignorer la loi ». On peut facilement imaginer que parmi les maximes proposées aux jeunes enfants doit figurer en bonne place l’injonction du Décalogue, reprise dans les programmes officiels dès les débuts de la Troisième République : « tu ne mentiras pas ». J’en veux pour preuve votre déclaration lors d’un chat sur internet le 18 mars 2008 : « Il est vrai que la morale est en actes, mais il est important pour des enfants d'apprendre à réfléchir à ce qui est de l'ordre du bien, du mal, du vrai et du faux. Et d'appréhender la pensée éthique commune. »
Or, Monsieur le Ministre, vous avez menti. Parlant la semaine dernière des IUFM dans une émission radiophonique, vous avez déclaré « «Aujourd’hui, les professeurs passent un concours, ils sont mis dans l’Institut de formation des maîtres (les IUFM) où on leur apprend des théories générales sur l’éducation et de temps à autre, ils vont remplacer un professeur absent. Ce n’est pas comme ça qu’on forme des gens. Ils sont sans arrêt devant un simulateur de vol. Alors que dans le système que je propose, ils ne le seront pas.». Or vous ne pouvez ignorer que tout étudiant de deuxième année d’IUFM est placé en responsabilité devant des classes. Et vous ne pouvez l’ignorer pour une raison très simple : avant d’être ministre vous avez été Inspecteur Général de l’Education Nationale et à ce titre, comme tous vos collègues, correspondant académique et donc président du jury qui valide, dans chaque Académie, les stages en responsabilité des jeunes professeurs certifiés stagiaires. Vous avez vous-même, certainement, pratiqué une inspection dite de contrôle, auprès de certains jeunes professeurs que leurs inspecteurs, au vu des difficultés rencontrées par ces débutants dans leur pratique, avaient choisi de ne pas titulariser. Ces enseignants vous les avez vus dans leurs classes, avec leurs élèves, vous avez, en bon inspecteur, regardé leur cahier de textes, tenu tout au long de l’année, vous avez jugé leurs progressions, leurs relations avec les adolescents....Vous ne pouvez donc pas, dans ce cas précis, vous réfugier derrière le prétexte de l’ignorance, car vous SAVEZ qu’un professeur stagiaire effectue pendant toute l’année scolaire au moins six heures hebdomadaires dans un lycée ou un collège, et vous SAVEZ aussi que c’est souvent un apprentissage difficile et douloureux qui n’a rien du simulateur de vol. De même que vous SAVEZ que certains ne voient pas leur année de stage validée parce qu’ils se révèlent en trop grande difficulté avec les élèves.C’est pourquoi, puisque votre mensonge est ici flagrant et puisque, selon vos propres dires, « la morale est en actes », je vous demande, Monsieur le Ministre, de donner l’exemple à l’ensemble des écoliers français en démissionnant de vos fonctions. Il leur serait, sinon, bien difficile de distinguer « le vrai du faux », comme il serait impossible à leurs professeurs de continuer d’enseigner des préceptes bafoués au sommet de leur hiérarchie.