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Billet de blog 17 juillet 2025

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Ne tournons pas le regard, la Palestine et Gaza : coeur de nos pensées estivales

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Hier, Yasser m’a envoyé des messages très sombres. L’armée sioniste a coupé Khan Younés en 2 en oblitérant encore davantage l’espace de vie des Gazaouis. Un longue bande de 15 kilomètres sépare dorénavant Khan Younès Ouest de Khan Younès Est. Ce nouveau corridor montre l’invasion et l’annexion totale de la bande de Gaza. Des check-points sont installés par les génocidaires, dont le checkpoint Magen Oz. Les hommes ont peur de subir des arrestations arbitraires où d’être tués à ces checkpoints.Yasser nous demande de protéger sa femme et ses enfants si il devait lui arriver quelque chose. Que faire ? Nous allons continuer à présenter le témoignage de Yasser partout, afin que les gens comprennent ce qu’est la vie pour une famille à Gaza. Il faut garder les deux yeux sur Gaza, tout le temps. Si les génocidaires parviennent sans efforts à annexer Gaza , c’est que nous les laissons faire.Au delà des discours sur la reconnaissance d’un état palestinien et la fin de l’apartheid, il n’y a rien, aucune action concrète de la part des pays occidentaux et Netanyhaou avance ses pions sans aucun obstacle. Ils veulent se réinstaller à Gaza, et Yasser le sait depuis longtemps. La vue des checkpoints à Gaza fini de miner le dernier espoir des Gazaouis. Comme toujours, l’espoir d’une trêve annoncée a été remplacé par l’humiliation et la mort, devant ses tanks qui avancent et qui rasent le peu de choses qui étaient encore debout. Les enfants souffrent, les parents aussi : qui ne souffrirait pas de ne pas pouvoir nourrir sa famille ?

Nous parvenons a envoyer du cash à Yasser mais pour l’utiliser, il doit se servir d’une application. Yasser a fait le calcul :  soit il faut 135 euros par personne et par jour pour manger deux repas , soit  il faut courir comme un lièvre et risquer sa vie pour aller aux centres de distribution. Qui a 135 euros chaque jour pour manger ? Actuellement, nous dit Yasser, voici le coût d’un plat de lentilles, le plat le moins cher : deux kilo de lentilles coûtent 90 shekels , soit 23 euros , deux kilos de farine pour faire du pain coûtent 120 shekels, soit 60 euros, plus 30 shekels pour le combustible et pour le sel . Il faut ajouter à cela les 45 % de commission que l’application prend, ce qui fait que la dépense est entre 340 et 450 shekels, soit entre 90 dollars et 135 dollars pour deux repas qui comprennent par personne 250 g de lentilles et 200 g de pain Les banques ont été remplacées par des traders numériques qui font du commerce de nourriture .Ils vendent la marchandise en liquide mais achètent leurs marchandises via des transferts numériques à des commerçants israéliens. Il y a deux genres de transfert : par l’appli de la Banque de Palestine, ou via une monnaie digitale la USDT . Yasser m’a dit qu’il en avait marre de payer la commission. Depuis quelques semaines, la famille mange des pois-chiches en boite étalés sur du pain, afin de ne pas dépenser tout le cash en commission.. L’UNRWA mentionne qu’un enfant sur dix qui passe par l’hôpital souffre de malnutrition . Cette crise de la famine est un travail funeste perpétrée par la main de l’homme. Les forces israéliennes ont encore pilonné Gaza , tuant 61 personnes mardi 15 juillet dont 23 personnes dans le camp de réfugiés de Shati non loin des trop célèbres sites de distribution de non - aide humanitaire de GHF, à Rafah. Donya Abu Sitta, journaliste à Gaza, raconte pour Electronic Intifada et pour Al Jazeera les exactions commises. Dans un récent article, elle témoigne : Elle a répondu à des appels des médecins de Gaza pour donner son sang. Elle a l’habitude de le faire mais cette fois-ci, son sang a été refusé du fait d’une anémie sévère et de malnutrition. Elle n’est, hélas, pas une exception : la plupart des personnes qui se présentent pour donner leur sang souffrentd’anémie et de malnutrition en raison du blocus et de l’absence de nourriture nutritive comme de la viande, des œufs, du lait et des fruits. Les deux-tiers des unités de sang ont un taux d’hémoglobine très faible et des taux de fer très bas, ce qui les rend inutilisables pour les transfusions..

Mais je voudrais aussi faire part de la situation dans les territoires occupés par les sionistes. Voici encore un décompte macabre des personnes assassinées et blessées par des colons,par l’armée souvent sous le regard de l’un et de l’autre :

On y dénombre aussi le nombre de personnes déplacées par la force, de maisons et d’infrastructures détruites. Ce document provient d’une agence de l’ONU:l’ OCHA ( Bureau des affaires humanitaires de l’ONU, en français)

Illustration 1

Un article d’Haaretz a retenu mon attention sur ce sujet  : il concerne le transfert et l’expulsion des Palestiniens d’Hébron-Al Khalil et est écrit par Gideon Levy et Alec Levac. Je l’ai traduit personnellement.

Les raids et la violence s'intensifient a Hébron : le transfert volontaire des palestiniens est en cours.

La place du marché est vide tandis que la chanson culte au sujet d’une autre Vieille Ville- celle de Jérusalem se fait entendre. La place du marché principal d’ Hebron est, depuis des années, presque complètement déserte. Quiconque voudrait comprendre pourquoi a juste besoin de lever les yeux : suspendus aux grilles que les Palestiniens installent au dessus de leurs stands pour se protéger des colons, des sacs d’ordure, d’excréments que ces derniers lancent sur les potentiels acheteurs . Les maisons des colons dans le quartier juif d’Hébron surplombent le marché, désormais désert. De l’autre côté du checkpoint,dans ce quartier, pas un seul stand ou magasin palestinien n’a survécu. Un peu plus loin, la partie semi-couverte du marché est vide elle aussi. Il y a des vivres en abondance et des stands très colorés mais très peu d’acheteurs ou de visiteurs. Les Palestiniens n’ont pas d’argent, dans une ville qui était autrefois un carrefour de la Cisjordanie, jusqu’au génocide dans la bande de Gaza. Vous voulez savoir pourquoi ? Regardez l’entrée principale : elle a été cadenassée cette semaine.Une ville d’un quart de million d’habitants est sous les verrous. Peut-on imaginer chose pareil sur la planète ? Les soldats israéliens supervisent l’entrée principale de la vieille ville. Parfois ils ouvrent la porte, parfois non. On ne sait jamais quand ça va être ouvert. Lundi dernier quand nous nous y sommes rendus , ils n’ont pas ouvert. Il y a des accès secondaires à travers des chemins sinueux au milieu des collines , mais c’est impossible de vivre comme ça. En fait c’est pour cela que la porte est fermée : pour rendre la vie impossible. Il n’y a pas d’autre raison que le besoin insatiable de molester et d’humilier pour les forces « de défense » les habitants palestiniens, ce qu’elles font encore plus violemment depuis le 7 octobre 2023. Le but est de conduire les Palestiniens au désespoir, et peut être même de les exclure de manière permanente. Un petit nombre finira par fuir, comblant ainsi le rêve de leurs voisins juifs. De son côté, l’armée collabore pleinement avec leurs plans sataniques , travaillant main dans la main avec les colons pour arriver au transfert tant désiré des Palestiniens d’Hébron. Sous le prétexte de « la guerre à Gaza », ici aussi, les abus sont perpétrés sans relâche et dans entraves ni contraintes. C’est dans la zone H2 que les preuves de ces exactions sont le plus évidentes : ici, Israël contrôle aussi bien la colonie juive dans la ville et les anciens quartiers qui l’entoure. Ici, le transfert de population n’est pas rampant, il galope. Les seuls Palestiniens encore visibles sont ceux qui n’ont pas les moyens de quitter cette vie infernale, sous la terreur de l’armée et des colons dans l’un des pires centres de l’apartheid israélien dans les territoires occupés. Dans ces quartiers qui portent un héritage culturel immense, au milieu des bâtiments en pierre ornés d’arches ancestrales, tout est à l’abandon, en ruine, souillé par les ordures que les colons laissent traîner et par les graffitis de haine ultranationaliste. Nous garons la voiture – il y a beaucoup de place pour se garer maintenant et nous nous dirigeons vers une rue étroite, dans un escalier sombre. Derrière les barreaux les fenêtres, on aperçoit des tas de déchets et derrières ceux-ci, les institutions israéliennes : Beit Hadassah, le centre religieux Yona Menachem Renart et le bâtiment de la fondation Joseph Safra. Les maisons des colons sont au bout de vos doigts : vous n’avez qu’à tendre la main pour les toucher.

Maintenant, nous sommes dans la rue Shalalah qui est partiellement sous contrôle palestinien.Le vieux bâtiment en pierre a été rénové récemment par le Comité de réhabilitation des Palestiniens d’Hébron et il est difficile de ne pas remarquer sa beauté, au milieu de ce fatras nauséabond qui l’entoure. Situé à quelques douzaines de mètres du checkpoint qui mène au quartier juif, c’est une structure étroite de trois étages qui abritent 5 familles : la famille étendue de Abu Haya , parents, enfants et petits-enfants.Une quinzaine Nous allons leur rendre visite.Après avoir circulé au milieu des groupes d’enfants, nous arrivons au 3eme étage dans l’appartement de Mahmoud et de sa femme Naramin. Ils ont 46 et 42 ans, 5 enfants dont certains ont déjà leur propre famille . Naramin avait 15 ans quand elle s’est mariée, dit-elle avec le sourire. Le père de famille , qui travaillait dans le bâtiment à Ashkelon est sans emploi depuis le 7 octobre 2023. Naramin prépare des repas qu’elle vend aux voisins pour gagner de l’argent.C’est la seule source de revenu du moment.Jusqu’au 7 octobre, elle était bénévole pour l’association B’Tselem. Avec une caméra fournie par l’organisation elle documentait ce qui se passait dans le voisinage.Mais elle n’ose plus participer au projet.C’est beaucoup trop dangereux d’être en possession d’une caméra ici. La dernière fois qu’elle l’a utilisée, la seule fois depuis le 7 octobre , c’était il y a cinq mois , elle filmait un feu que les colons avaient allumé sur le toit au dessus du marché. Un mois et demi après, des soldats sont venus dans son appartement, ont montré à Naramin une photo de son fils de 7 ans, Nasim et l’ont embarqué. Ils l’ont relâché , pétrifié,une demie heure plus tard.

Les rais nocturnes dans les maisons des Palestiniens sont devenus très courants ces derniers 21 mois : d’une fois par mois en moyenne, les descentes ont lieu au moins une fois par semaine maintenant, la plupart du temps en plein cœur de la nuit. Aucun israélien ne connaît cette réalité qui fait que depuis des années, à n’importe quel moment de la nuit, il ou elle peut être éveillé brutalement et voir et entendre une douzaine de soldats masqués et armés qui envahissent sa maison, parfois avec des chiens, puis qui poussent tous les occupants ahuris dehors, même les enfants terrifiés, pour être mis dans une seule pièce . Dans certains cas, les envahisseurs frappent les gens, fouillent les lieux avec violence, laissant derrière eux une traînée de destruction. Chaque fois, les soldats humilient et maudissent les Palestiniens.

Avant, ces incursions semblaient avoir un but : l’arrestation d’un suspect, la recherche de matériel de combat. Mais depuis le 7 octobre, l’impression générale est que la seule et unique raison pour ces raids est de semer la peur et la panique et de rendre amer la vie des Palestiniens. Il n’y a auun but apparent.Le dernier incident de ce genre concernant la famille Abu Haya a eu lieu la semaine dernière .Vers une heure du matin, le 2 juillet, Maher, le fils de Naranim âgé de 24 ans , marié à Aisha, 18 ans et papa de deux enfants quittait la maison quant il a dû remonter car des soldats l’empêchait de sortir de chez lui. Les caméras de surveillance montrent Maher qui attend innocemment dans la rue quand, soudain, de soldats surgissent et lui demande de les amener chez lui . Maher les conduits chez son frère, dans une autre partie du bâtiment, afin de ne pas réveiller tous les enfants. Mais les soldats ont ordonnés à Maher de réveiller tous les enfants, tout le monde,et de rassembler tous les habitants dans une seule pièce. Les troupes ne donnèrent aucune information concernant la raison de leur intervention. Une des mamans, Maharam, venait juste d’endormir sa petite fille quand les soldats sont entrés. Maher a réveillé tout le monde : ses parents, son oncle qui était en convalescence suite à une opération du dos, fut tiré de son lit, attrapé par la gorge et traîné hors de son appartement.Les trois familles du troisième furent rassemblés dans le petit salon dans lequel nous sommes actuellement. Naramin était très inquiète au sujet de ce qui se passait dans les étages inférieurs. Ils entendaient Maher crier tandis que les soldats le frappaient.

Un soldat a fait irruption dans le salon, arrachant le rideau, et ses potes se sont mis a fracasser tous les objets en verre qui se trouvaient dans un meuble à vitrine. Sans aucune raison. Les enfants se sont mis à hurler. Naramin a voulu ouvrir une fenêtre pour respirer un peu mais un soldat, plus jeune que ses fils, l’a empêché de le faire.

Le lendemain, Manal Al -Ja’bri, de B’Tselem, a recueilli le témoignage de Maharam, Elle raconte que son bébé criait et qu’elle n’ a pas pu le nourrir car les soldats ont refusé. Leur requête pour avoir de l’eau a aussi été refusée. Au bout d’une heure, les troupes ont ordonné à Naramin et aux autres dans la maison de se rendre dans un autre appartement du bâtiment. Le sol était jonché de débris de verre et les enfants étaient pieds nus.Ensuite, elle entendit des sons de vaisselle cassée dans son propre appartement.Les soldats ont aussi détruit le ventilateur. Ja’bri a déjà documenté au moins dix cas similaires « de destructions pour détruire » dans la même zone, peuplée par des Palestiniens très modestes

Quel fut le but du raid de la semaine dernière ? Voici ce qu’en dit le porte parole des forces armées : « Le 2 juillet 2025, les forces armées ont mené des opérations dans la ville d’Hébron, sous la supervision de la brigade Judée, pour recueillir des renseignements. Cette activité a eu lieu sans aucun événement exceptionnel et les allégations de destruction de biens ne sont pas connues. »

Vers deux heures du matin, le calme est revenu et Naramin a osé regarder dehors pour voir si les soldats étaient partis : ils étaient partis sans informer quiconque. Qui s’en préoccupe ? En ce qui les concerne, les Palestiniens pouvaient bien rester où ils étaient jusqu’au matin...Maher avait reçu des coups mais a refusé de dire à sa mère ce que les soldats lui avaient faits.Les trois voitures de la famille avaient été vandalisées, ils ont retrouvé les clés dans le container à ordures de la rue.

Tandis que nous buvons le café, la famille découvre que la vitre de la table du salon a été fissurée.. Pensent-ils à partir ? Naramin,dans un sursaut comme si elle avait été mordu par un serpent prononce un « non » court et catégorique.La semaine précédente, quatre familles ont quitté le quartier voisin de Tel Rumeida. Elles n’en pouvaient plus : Au total, d’après Ja’bri, au moins dix familles sont parties depuis le 7 octobre.Il n’y avait aucun problème de sécurité la semaine dernière dans ce quartier dans lequel aucun véhicule palestinien ne peut entrer, pas même une ambulance. Mais là,pour que les familles partent,un véhicule commercial a pu entrer...La fin justifie les moyens.On suffoque à Hébron, même sur les toits où nous nous rendîmes pour voir la vue : des vieux bâtiments en pierre plantés dans les pentes : de tous les côtés les bâtiments des colons étouffent tout espoir et toute respiration.

Gideon Levy et Alec Levac – article original publié le 11 juillet 2025

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