Le 26 mars dernier deux amendements présentés par LR et le RN ont été votés par une large majorité (26 pour, 11 contre et 9 abstentions) en commission à l’Assemblée nationale en vue de supprimer les zones à faibles émissions visant à restreindre la circulation aux véhicules les plus polluants dans 40 agglomérations de plus de 150 000 habitants. Certains députés de gauche, y compris parmi le groupe écologiste, se sont abstenus. A l’opposé, certains soutiens du gouvernement dénoncent une manœuvre, « un cas d’école de l’exploitation des peurs par les populismes »[1] mais reconnaissent que le dispositif est à parfaire. La question sera débattue en séance plénière à partir du 8 avril.
L’idée d’interdire les véhicules les plus polluants en zone urbaine dense pour améliorer la qualité de l’air dans les villes date d’une dizaine d’années et s’est concrétisée en 2019 par la Loi d’orientation des mobilités. Finalement, après de nombreux aménagements et suspensions, la mesure, dans son application la plus sévère, concerne pour l'essentiel Paris et Lyon.
Quoique l’impact de la pollution soit, en effet, très mauvais pour la santé des citadins, Le point de vue qui est défendu dans Dialoguer avec la Terre[2] est celui de ceux qui trouve le dispositif parfaitement injuste. Que va-t-il advenir à tous ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter une voiture neuve ? Par quel moyen les travailleurs et particulièrement les travailleurs de la nuit habitant la grande périphérie peuvent-ils rentrer chez eux quand les transports en commun font défaut ? Autant de problèmes non résolus. La perspective de ce nouveau zonage pénalise les plus pauvres, elle ne tient pas compte de la particularité et de la diversité des habitants sur le plan de la mobilité ni même de l’état réel des transports en commun en grande banlieue. L’épisode des Gilets jaunes l’a amplement prouvé : les voitures individuelles ne doivent pas uniquement être vues comme des pots d’échappement. La suppression du passage de voitures individuelles dans le cœur des villes est préjudiciable sur le plan de la vie sociale et commerciale. Elle a parfois l’inconvénient de repousser la pollution à ses limites sans la supprimer. Elle a souvent pour conséquence la mort des centres-villes piétonnisés, car est, de ce fait, favorisée l’implantation en périphérie des centres commerciaux accessibles en voiture avec leurs immenses parkings. Et cela contribue à accentuer la coupure entre le centre et la périphérie et/ou même dans certains territoires à inverser les rôles respectifs du centre et de la périphérie, le supermarché devenant le nouveau cadre de la vie collective. C’est une erreur du même type que celles qui ont été constatées en matière d’urbanisme au siècle précédent. Le résultat : encore plus de ségrégation urbaine et de ségrégation sociale.
L’essence même de la ville, c’est d’être un carrefour, un lieu de passage et de brassages. N’oublions pas l’antienne du "droit à la ville". Si l’on veut diminuer les effets de serre dus aux transports automobiles, mettons l’accent sur la diminution de la vitesse, la création de pistes cyclables, de meilleures connexions en périphérie et surtout sur l’aide à l’achat de véhicules peu polluants alors que les primes ont été révisées.
[1] Article publié dans le site de Terra nova le 3 avril 2025 par Marine Braud, ex conseillère écologie auprès de la Première ministre. L’attaque contre les ZFE : un cas d’école de l’exploitation des peurs par les populismes | Terra Nova
[2] . Dialoguer avec la Terre. Renouer le lien entre les générations pour préserver notre maison commune, publié par les éditions de l’Atelier (collection dirigée par l'association Démocratie et spiritualité).