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Il existe des œuvres qui révèlent mieux que les traités le lien secret entre la matière et la mémoire. Eternal Sunshine of the Spotless Mind (Michel Gondry, 2004) en fait partie. Sous son apparente romance, le film explore une question vertigineuse, que devient l’équilibre d’un être quand on dérègle la mécanique de ses souvenirs ? Effacer la mémoire amoureuse, c’est tenter de rétablir artificiellement un barycentre intérieur comme si l’esprit, soumis à trop de tension, cherchait à retrouver une stabilité. Mais le système s’emballe, le chaos émotionnel se réorganise, l’ordre renaît du désordre. Joel et Clementine incarnent ainsi deux particules en orbite, deux consciences qui obéissent malgré elles à des lois de gravitation et de conservation plus fortes que leur volonté. Cette traversée de l’intime offre une métaphore des sociétés humaines. Car les civilisations, comme les individus, connaissent des oscillations, des ruptures, des déséquilibres thermodynamiques. Elles gravitent, se transforment, se désagrègent et se recomposent. L’histoire, la politique et les idéologies obéissent à des forces analogues à celles qui régissent la physique du monde : l’attraction, l’entropie, la résonance. Ainsi, les sciences physiques et les sciences humaines semblent partager une même architecture du réel, équilibre des forces, circulation de l’énergie, propagation du chaos.
Dès lors usqu’où les lois scientifiques , gravitation, conservation, entropie, théorie du chaos permettent-elles de comprendre, voire de prédire, les dynamiques sociales humaines ? Peut-on penser les sociétés comme des systèmes matériels, sensibles aux mêmes tensions et régularités que la nature ?
Pour tenter d’y répondre, cette réflexion se développera en trois temps, chacun éclairant une loi universelle du monde appliquée au champ humain. D’abord, la mécanique des équilibres montrera comment les forces sociales obéissent à des gravitations comparables à celles de la matière, chaque centre de pouvoir agit comme un barycentre symbolique autour duquel tout gravite. Ensuite, les lois de transformation et de conservation permettront de comprendre comment les sociétés, comme les corps physiques, se transforment sans jamais disparaître, selon une logique d’énergie conservée, d’entropie et de métamorphose. Enfin, l’étude des dynamiques des systèmes complexes révélera comment le chaos, loin d’être pure destruction, peut devenir principe d’ordre nouveau, un espace d’invention comparable à celui de la conscience humaine dans Eternal Sunshine.
La mécanique des équilibres sociaux:
Les sociétés humaines obéissent, parfois à leur insu, à des dynamiques qui rappellent les lois mécaniques de l’univers physique. De la gravitation universelle de Newton au concept de barycentre, en passant par la notion de rupture d’équilibre, les parallèles sont trop nombreux pour n’être que des images commodes. L’histoire et la sociologie semblent se structurer comme des mécaniques collectives où forces, masses et mouvements s’organisent. Newton écrivait dans ses Principia que « chaque particule de matière attire chaque autre particule avec une force directement proportionnelle à leur masse ».
Or, dans le champ social, n’en va-t-il pas de même ? Plus un centre de pouvoir monarchie, empire, État moderne, corporation multinationale accumule de ressources, plus il attire autour de lui les populations, les dépendances et les imaginaires. Marx, dans une perspective différente, voyait dans le capital un tel foyer gravitationnel, l’accumulation n’est pas neutre, elle attire et déforme l’espace social. La métaphore astrophysique trouve un écho inattendu chez Pierre Bourdieu lorsqu’il parle de « champ social », espace structuré de forces et de positions où chacun gravite selon son capital économique, culturel ou symbolique. Ce phénomène est toujours visible aujourd’hui. Les grandes métropoles mondiales, New York, Londres, Paris, Shanghai, jouent le rôle de « masses sociales » dont la gravitation attire talents, capitaux, et rêves d’ascension.
L’Europe elle-même, en crise démographique, vit un déplacement de son barycentre politique, de Paris et Berlin vers Bruxelles et Strasbourg, lieux de la mécanique institutionnelle de l’Union. La guerre en Ukraine illustre crûment cette gravité géopolitique, les pays d’Europe de l’Est, naguère périphériques, se rapprochent du centre de gravité militaire et économique occidental, tandis que la Russie tente d’imposer une autre orbite. Le conflit n’est pas seulement territorial, il est aussi barycentrique, une lutte pour savoir autour de quel foyer de masse symbolique, Washington, Bruxelles ou Moscou, les sociétés vont graviter. L’idée du barycentre, en physique, désigne ce point d’équilibre des masses en interaction. Dans la sphère humaine, le politique n’est souvent rien d’autre que la recherche désespérée de ce point d’équilibre, constamment menacé par les oscillations contraires.
La Révolution française, par exemple, fut l’expérience brutale de la perte de ce barycentre, les forces monarchistes et les aspirations populaires n’ont pu être stabilisées, entraînant une succession de déséquilibres, Terreur, Directoire, Empire où la société cherchait désespérément un centre de gravité. Les démocraties contemporaines, loin d’être le règne harmonieux du peuple, s’apparentent davantage à des systèmes oscillants, qui cherchent sans cesse à rétablir un équilibre fragile entre intérêts divergents. Ici, la comparaison rejoint Freud et la psychanalyse, l’appareil psychique lui-même fonctionne comme un système en tension, où les pulsions (ça), les interdits (surmoi) et la médiation (moi) tentent de trouver leur barycentre. La société n’est jamais qu’une psyché agrandie, une lutte permanente pour maintenir un compromis viable entre des forces antagonistes. Mais il arrive que cette mécanique atteigne ses limites, comme un organisme qui se décompense, une société peut être incapable de compenser ses contradictions internes. Tocqueville décrivait déjà, dans L’Ancien Régime et la Révolution, la France de 1789 comme un corps social qui ne pouvait plus s’autoréguler, les réformes tardives avaient accumulé des frustrations au point que l’équilibre devint impossible. La médecine emploie le terme de « décompensation » pour désigner le moment où un système organique cesse d’absorber les chocs et s’effondre. Appliqué au social, il décrit la logique des révolutions, des guerres civiles ou des effondrements d’empires. Rome, au Ve siècle, illustre cette loi, la mécanique impériale avait trop accumulé de tensions économiques, militaires, identitaires pour que le barycentre puisse se maintenir. Comme un pont qui dépasse sa charge critique, le système s’effondra sous son propre poids. Cette logique se retrouve dans les crises contemporaines. La crise financière de 2008 fut une décompensation économique, l’équilibre instable des marchés, maintenu artificiellement par la dette et la spéculation, céda brutalement. La pandémie de Covid-19 constitua un autre moment de bascule, l’appareil hospitalier, comprimé par des années de rationalisation budgétaire, perdit sa capacité d’absorption et révéla une fragilité structurelle. Aujourd’hui, c’est l’équilibre écologique mondial qui semble menacé, dérèglement climatique, perte de biodiversité, tensions hydriques. Le barycentre planétaire vacille entre croissance économique, justice sociale et survie environnementale. Comme le disait déjà Paul Valéry en 1919, « nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles ».
Cette comparaison mécanique est plus qu’une métaphore. Elle permet de penser les sociétés comme des ensembles dynamiques traversés par des forces objectives, bien qu’invisibles. Elle rappelle que la stabilité politique n’est jamais donnée, mais toujours une affaire de compensation fragile, soumise à la gravitation des intérêts, au barycentrage du compromis et au risque permanent de décompensation. Balzac, dans Splendeurs et misères des courtisanes, le pressentait déjà : « Les sociétés sont comme les machines : il suffit d’un grain de sable pour arrêter les plus puissants engrenages. »
Dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Joel et Clementine rejouent cette mécanique d’équilibre et de déséquilibre, deux astres qui s’attirent et se repoussent, incapables de rompre définitivement leur orbite commune. Le film devient une métaphore intime de la gravitation sociale, l’amour comme force newtonienne, la mémoire comme barycentre instable des émotions humaines.
Mais tout équilibre, fût-il parfait, finit par se rompre ou se transformer. Ce qui se conserve change d’état, ce qui s’effondre renaît autrement. Après la gravitation des forces vient la thermodynamique des histoires, la loi du mouvement, de l’usure et de la métamorphose. Passons donc aux lois de transformation et de conservation.
Lois de transformation et conservation:
Les sociétés ne se contentent pas d’obéir à des lois d’équilibre et de gravitation, elles sont aussi traversées par des principes de transformation et de conservation qui rappellent les lois fondamentales de la physique. Lavoisier affirmait au XVIIIᵉ siècle que « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Ce principe de conservation de la matière trouve son prolongement dans l’histoire des idées et des formes sociales, les croyances, les institutions, les idéologies ne disparaissent jamais totalement, elles changent de forme, se recomposent, se métamorphosent. Le polythéisme antique s’est mué en monothéisme chrétien, qui s’est lui-même fragmenté en réformes protestantes, le communisme soviétique a laissé place aux socialismes démocratiques, puis aux revendications altermondialistes. Freud, dans L’Avenir d’une illusion, le rappelait à propos de la religion, ce qui semble périr renaît ailleurs, sous une autre enveloppe. Dans le domaine psychique comme dans le domaine social, l’énergie pulsionnelle ne s’anéantit pas, elle se déplace, se refoule, se sublime. La thermodynamique offre une autre analogie , celle de l’entropie, la tendance irréversible de tout système isolé au désordre. Les sociétés connaissent ce même destin, leurs institutions, laissées à elles-mêmes, s’enlisent dans la routine, se bureaucratisent, s’usent. Max Weber parlait déjà de la « cage d’acier » des bureaucraties modernes, où l’idéal charismatique initial se fige en procédures. C’est une loi de dégradation comparable à l’usure des corps physiques. Nietzsche, dans La Généalogie de la morale, voyait dans la « mauvaise conscience » une sorte d’entropie morale, une énergie instinctive, empêchée de s’exprimer, se retourne contre l’homme lui-même et ronge la vitalité. Les sociétés, de la même manière, s’épuisent quand leurs institutions consomment plus d’énergie qu’elles n’en produisent, quand la conservation tourne en inertie.
Mais si l’entropie semble inévitable, elle n’implique pas nécessairement la mort. Les révolutions, les réformes, les renaissances culturelles jouent le rôle d’injections d’énergie qui redonnent vie au système. La Renaissance européenne, après les siècles de féodalité et de peste, fut une telle réorganisation énergétique, un moment où l’ancien ordre, trop entropique, céda à une nouvelle circulation de savoirs, d’arts et de sciences. Aujourd’hui, la transition écologique prétend accomplir une tâche similaire, ralentir l’entropie écologique en réorientant les flux énergétiques, passer d’une logique de combustion à une logique de renouvellement.
Le pouvoir lui-même obéit à cette loi de conservation. Comme l’énergie, il ne disparaît jamais, il se transfère. Quand les rois perdirent leur aura sacrée, l’autorité bascula vers l’État bureaucratique, quand les empires coloniaux s’effondrèrent, la domination se reconfigura dans des logiques économiques et financières. Michel Foucault le montrait dans Surveiller et punir, la peine, loin de disparaître, se transforme, passant du supplice corporel au contrôle disciplinaire, puis au gouvernement des conduites. Le pouvoir circule, se déplace, mais ne s’évanouit pas. Même la psychanalyse retrouve cette loi, la libido refoulée n’est jamais annihilée, elle se déguise, se convertit en symptômes ou en sublimations.
L’art et la littérature témoignent aussi de ces transformations. Shakespeare, dans Hamlet, fait dire au prince mélancolique que « le temps est hors de ses gonds », image de l’entropie historique, où l’ordre ancien ne suffit plus mais où le nouveau peine à naître. Walter Benjamin, dans ses Thèses sur la philosophie de l’histoire, voyait dans chaque révolution non pas la création ex nihilo d’un monde nouveau, mais la réactivation de promesses passées. Ainsi, la Révolution française ne fit pas disparaître la royauté par annihilation : elle en conserva les symboles (centralisation, sacralité de l’État) en les transposant dans une autre grammaire politique.
De la matière à l’histoire, une continuité s’impose, les lois de conservation, de transformation et d’entropie ne sont pas seulement physiques, elles s’impriment dans le tissu des sociétés humaines. Ce qui change, ce n’est pas la loi, mais le support, ici des atomes, là des institutions, ailleurs des imaginaires. L’histoire, comme la physique, est un immense laboratoire de transformations où tout se recycle, se décompose et se recompose.
Dans Eternal Sunshine, cette loi de transformation trouve sa forme la plus intime, la mémoire effacée ne disparaît jamais, elle se déplace. Chaque souvenir supprimé renaît sous une autre forme, comme une énergie qui change d’état. Le film illustre à l’échelle psychique la thermodynamique du sentiment humain, l’amour, même détruit, conserve sa trace, sa chaleur latente, son pouvoir de recomposition.
Pourtant, ni l’équilibre ni la transformation ne suffisent à décrire le réel, le monde, comme la mémoire, est fondamentalement chaotique. Les sociétés humaines, traversées de flux imprévisibles et de résonances collectives, ressemblent à ces systèmes sensibles où le moindre battement d’aile change tout. Entrons dans la théorie du chaos social.
Dynamiques des systèmes complexes:
Les sociétés, comme les systèmes naturels, obéissent à des logiques de complexité qui échappent aux modèles linéaires. La théorie du chaos, développée en mathématiques et en physique, a montré que des phénomènes apparemment aléatoires obéissent à des structures sensibles aux conditions initiales. Edward Lorenz, en étudiant les variations climatiques, formula la célèbre image du papillon dont le battement d’aile peut provoquer un cyclone. Or, n’est-ce pas là la dynamique des soulèvements politiques et des révolutions ? Un geste individuel l’immolation de Mohamed Bouazizi en Tunisie en 2010, fut l’élément déclencheur d’un vaste processus historique, le Printemps arabe, qui bouleversa plusieurs régimes et reconfigura le Moyen-Orient. Ce n’est pas l’ampleur du geste qui compte, mais la résonance du système au moment où il survient.
Les sociétés humaines ressemblent en cela à des organismes hautement sensibles, capables de basculer à partir d’une perturbation minime. Freud parlait de « symptômes » pour désigner ces manifestations disproportionnées d’un conflit psychique. L’acte banal qui déclenche une crise de l’hystérique ou l’obsession du névrosé ne sont que l’ultime maillon d’une chaîne invisible. De même, dans la vie collective, un détail, une caricature publiée, une vidéo virale, une hausse de quelques centimes du prix du pain, peut précipiter des foules entières dans la rue. Derrière l’imprévisible, il y a toujours un excès accumulé, une tension prête à se libérer. Cette imprévisibilité n’exclut pas la récurrence. Comme les structures fractales en mathématiques, les sociétés répètent des motifs à différentes échelles. La rivalité d’un couple, les querelles d’une famille, les divisions d’un parti politique ou les guerres entre nations obéissent souvent aux mêmes schémas, jalousie, rivalité, recherche de reconnaissance. René Girard, dans La Violence et le sacré, voyait dans le mécanisme du bouc émissaire cette structure répétitive, du microcosme villageois au macrocosme de la nation, la logique du sacrifice collectif se rejoue. C’est l’éternel retour de formes conflictuelles, comme si l’histoire humaine dessinait des fractales de violence et de réconciliation.
À cette répétition s’ajoute la résonance. En physique, une vibration isolée peut devenir gigantesque si elle rencontre la fréquence propre d’un système. Dans le champ social, un sentiment individuel colère, peur, enthousiasme peut se propager par mimétisme et devenir collectif. Elias Canetti, dans Masse et puissance, décrivait ce moment où l’individu se dissout dans la foule et se laisse emporter par une énergie commune. Les réseaux sociaux en offrent aujourd’hui une version démultipliée, une émotion locale peut se mondialiser en quelques heures, générant des mouvements massifs de solidarité ou de haine. Ce phénomène de résonance explique autant l’essor soudain de mobilisations planétaires (comme #MeToo ou Black Lives Matter) que les emballements complotistes ou les paniques collectives. La complexité sociale, enfin, rappelle que l’ordre et le désordre ne s’opposent pas simplement. Comme l’écrivait Prigogine, prix Nobel de chimie, les systèmes complexes produisent des formes nouvelles en se réorganisant à partir du chaos. Les sociétés, confrontées à des crises, inventent des solutions inédites, le désordre engendre une recomposition. Mai 68 en France, par exemple, fut à la fois une explosion chaotique et le point de départ d’une transformation durable des mœurs, des institutions éducatives et des rapports de genre. Le chaos n’est pas seulement destruction, il est aussi matrice de nouveauté.
En définitive, comprendre les sociétés comme des systèmes complexes, sensibles aux conditions initiales, traversés de résonances et de répétitions fractales, c’est se donner les moyens d’accepter leur imprévisibilité. La politique cesse alors d’être la recherche illusoire d’un contrôle absolu, et devient l’art de naviguer dans l’incertitude, de travailler avec les turbulences plutôt que de les nier. Shakespeare, dans Jules César, faisait dire à Brutus : « Il est un flux dans les affaires des hommes, qui, pris à la crête, mène à la fortune. » L’histoire est cette mer agitée, savoir reconnaître le flux, l’embrasser ou le détourner, c’est peut-être la seule sagesse politique qui reste.
Eternal Sunshine illustre cette logique chaotique à l’échelle du psychisme, un battement de mémoire suffit à tout bouleverser. Joel revit ses souvenirs dans un désordre croissant où chaque détail, chaque émotion, devient un papillon susceptible d’altérer tout le système. Le film rejoint Prigogine, le chaos intérieur n’est pas la fin, mais le point d’émergence d’un nouvel ordre celui d’une conscience réconciliée avec son propre désordre.
À travers ces correspondances, équilibre, transformation, chaos, une évidence s’impose, nous ne sommes jamais hors du monde physique, mais pris dans ses rythmes, ses oscillations et ses retours. De Eternal Sunshine aux crises de nos civilisations, tout se joue dans une même équation, comment transformer le désordre en forme vivante ?
En conclusion, « La nature n’imite pas, elle accomplit », disait Goethe. Les sociétés humaines, parce qu’elles sont faites de matière, d’énergie et de temps, participent de cette même logique, elles se transforment, se déséquilibrent, se recomposent, selon des rythmes qui rappellent la matière physique et les équations mathématiques. Ce parallèle n’est pas qu’une métaphore, il invite à penser la politique, la culture et l’histoire comme des systèmes dynamiques dont nous faisons partie, et non comme des sphères séparées du reste de l’univers. Ces correspondances invitent à dépasser le vieux clivage entre sciences « dures » et sciences « humaines ». Peut-être faut-il, comme le suggérait Edgar Morin, développer une « pensée complexe », capable d’articuler les lois de la matière et celles des cultures, pour