Et toi maîtresse, tu vas voter dimanche ou tu vas encore faire grève?
Les profs le savent aussi bien que moi, on ne répond pas. Réserve, neutralité du fonctionnaire…
Au moment où nos six collègues de Bobigny sont menacé.es d’être déplacé.es pour « la bonne continuité du service », les pressions sur les remontées d’évaluations, les CMP vides, plus de psys, plus d’orthophonistes, les RASED pulvérisés, les assistantes sociales débordées déprimées qui démissionnent en masse, les collègues jamais remplacé.es, les entretiens obscures pour les postes à profil qui n’augurent rien de bon, les AESH maltraité.es par leurs PIAL, les élèves en situation de handicap qui subissent la mutualisation des heures d’accompagnement, le refus du président de parler les LGBT phobies en élémentaire, la CRIP débordée qui n’arrive pas à suivre les IP et nos élèves qui nous ont entendu.es, nous ont parlé de ce qu’iels subissent comme violences, comme négligences, et pour qui il ne se passe rien… je pourrais continuer encore, et je ne parle que de l’élémentaire.
Comme souvent, la question de mes élèves est très pertinente. Si je ne dois penser qu’à moi, dimanche j’attrape mon chien, et je pars en ballade en forêt. Demerden sie sich, le vote barrage j’ai déjà donné, merci bien.
Et puis je repense aux cinq dernières années, et à nos grèves justement. Les CRS omniprésents sur les cortèges, leur brutalité verbale et physique, les nasses anxiogènes, les parcours refusés par la préfecture, les gilets jaunes mutilé.es... Les scandales concernant la police se multiplient. Et nous ne pourrions plus ni les filmer, ni les prendre en photo? Les nouvelles lois qui se rajoutent à l’état d’urgence permanent sont liberticides. Et je ne parle qu’en tant que personne blanche, cis, dont les papiers sont bien en règle.
80% des policiers ont voté Marine Lepen ou Zemmour. 80%. Je ne prendrai pas le risque de voir cette police raciste et violente aux ordres directs de l’extrême droite. Pour mes élèves et leurs familles en premier lieu: s’il fallait appliquer la préférence nationale dans mon école, on n’aurait plus grand monde à préférer. Et pour toutes les personnes de ce pays qui ne ne considèrent pas que faire le dos rond en attendant que le tsunami passe, soit une stratégie envisageable. Pour la survie de toutes nos luttes, ou pour qu’elles aient une chance de survie en tout cas, je ferai le déplacement jusque’à mon bureau de vote dimanche. Il m’aura fallu une semaine pour en arriver là, et prendre ma décision. Une très longue semaine…
Quoique vous décidiez, je penserai à vous tou.tes dimanche soir. En espérant vous retrouver en AG ou dans la rue dès la rentrée; ce qui signifierait qu’on en a encore le droit…
Beaucoup de courage à toutes et tous pour la semaine à venir, et ce dimanche de vote qui se rapproche inexorablement.
Marie, professeur des écoles dans le 18ème à Paris