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SEPTEMBRE 2021, L’ABANDON DES CARRIÈRES
En 2020, un an avant d’obtenir la concession autoroutière Castres-Toulouse, la société NGE révélait des besoins en remblai plus de deux fois supérieurs à ceux prévus dans l’étude d’impact pour surélever l’infrastructure en partie située en zone inondable. L’entreprise présentait alors au habitants du tracé des projets de carrières, seule solution selon elle pour fournir les remblais. Ces projets, potentiellement illégaux, ont finalement été abandonnés sous la pression citoyenne. Un revirement de situation étonnant, sous un prétexte difficile à avaler d’optimisation du tracé qui permettrait de faire l’économie de l’importation de 2,8 millions de m³ de remblai.

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Depuis cette annonce, les spéculations vont bon train sur la provenance des remblais qui seront inévitablement nécessaire à la construction de l’autoroute, d’autant que l’entreprise est connue pour son utilisation de mâchefers (déchets ultimes contenant des plastiques issus de l’incinération de nos ordures ménagères) comme matériaux de remblais...
AMATEURISME À TOUS LES ÉTAGES !
Aujourd’hui, un agriculteur de Verfeil, Dominique Rougeau, rare cultivateur de pivoines en France à concurrencer la production hollandaise, apprend que le concessionnaire a pris la décision surprenante de modifier le tracé initial en décaissant à 6 m de profondeur en amont de sa propriété, pour encastrer l’autoroute au beau milieu de ses champs de fleurs.
Pourquoi avoir décidé de faire passer l’autoroute dans ce déblai monumental ? Pour Dominique Rougeau, c’est clair : après le couac des carrières mystérieusement annulées, NGE a l’intention d’extraire sur les terres de l’agriculteur les matériaux de remblai indispensables à la réalisation de l’autoroute. La terre ainsi prélevée permettrait de surélever l’autoroute dans les zones inondables de l’itinéraire. Problème : cette "optimisation" du tracé entre en contradiction avec le cahier des charges formalisé par le Dossier des Engagements de l’État en 2020, lequel ne mentionnait aucun déblai sur les terres de Dominique Rougeau (voir bas de page).
Depuis qu’il a pris connaissance du nouveau tracé, chaque pli recommandé que Dominique Rougeau adresse au concessionnaire lui vaut un coup de fil ou une visite courtoise d’un haut responsable de NGE.

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Il a ainsi l’occasion de constater que cette décision de NGE fait abstraction des caractéristiques les plus élémentaires du sol et de l’hydrologie souterraine. L’amateurisme et la précipitation de l’entreprise dans ses prises de décisions semblent insensés, mais le professionnalisme n’était visiblement pas un critère de sélection pour obtenir cette concession très contestée …
CONCESSIONNAIRE CHERCHE REMBLAI DÉSESPÉRÉMENT…
Les nombreux puits de la propriété de Dominique Rougeau révèlent une importante nappe d’eau à 3 m de profondeur, et l’agriculteur n’a pas manqué de prévenir le concessionnaire de la pression d’eau impressionnante qu’il rencontrerait en creusant à 6 mètres.
Cette nappe d’eau alimente les milliers d’arbres rares situés en aval, un trésor botanique que l’agriculteur passionné entretient patiemment depuis des dizaines d’années… Dominique Rougeau ne s’y trompe pas : « Si l’autoroute voyait le jour et coupait les nappes souterraines, seuls des cactus pourraient survivre en aval. »
Il ne croyait pas si bien dire… Après quelques relevés piézométriques, le concessionnaire revient la queue entre les jambes et l’oreille plus attentive que jamais aux conseils de l’agriculteur, les eaux souterraines risquant d’enterrer leurs plans six pieds sous terres.
Et Dominique Rougeau de renchérir : 14 orages dévastateurs ont frappé ses terres ces 20 dernières années, et d’après ses calculs, l’autoroute se retrouverait sous 70 cm d’eau avec de tels évènements météos, sans parler de la partie du tracé située en zone inondable et qui prend des allures de Camargue une fois l’année.
Alors une solution peut-être d’après Dominique Rougeau: passer plus en amont sur le coteau, mais le rayon de courbe de l’autoroute serait trop important selon NGE. A moins d’un an du début du chantier potentiel, l’entreprise semble à court de solutions. Affaire à suivre donc…
En attendant, un peu gêné par la passivité de certains de ses confrères agriculteurs alors qu’une crise alimentaire pointe le bout de son nez, Dominique Rougeau espère que son exemple fera tâche d’huile. Un esprit libre qui n’est pas prêt de se laisser dicter la trajectoire de la route au beau milieu de ses champs de pivoines !
ENQUÊTE ENVIRONNEMENTALE : C’EST PAS GAGNÉ…
Après avoir balbutié sur les carrières, tentant hasardeusement de s’écarter du cahier des charges envisagé lors de l’Enquête Publique, NGE est à nouveau confrontée à l’accumulation de données bidonnées qui a mené à une DUP (Déclaration d’Utilité Publique) bancale en 2018. Alors, où trouver discrètement 2,8 millions de m³ de remblai sans révéler les contradictions avec le projet initial ? Au vu de l’amateurisme dont fait preuve l’entreprise, le tracé nous réserve encore bien des surprises…
Et la modification du tracé chez Dominique Rougeau n’est sans doute pas une exception sur l’itinéraire. A Soual, il semblerait que le concessionnaire ait l’intention de décaisser à même des zones humides pour y extraire le précieux remblai qui lui fait cruellement défaut. Conséquence d’un dossier d’Enquête Publique sous-évaluant les réels impacts et besoins du projet d’autoroute, les effets sur l’environnement seraient sans commune mesure avec ceux exposés dans l’étude d’impact ; des conséquences dramatiques à l’heure où la préservation desdites zones humides constitue un enjeu crucial de préservation de l’environnement.
Depuis la signature de la concession, quelques élus, proches des laboratoires pharmaceutiques Pierre Fabre (implantés à Castres et à l’origine du projet d’A69), laissent entendre que le chantier d’autoroute n’attend que les pelleteuses pour démarrer. Ils omettent de préciser que le projet n’a toujours pas obtenu l’Autorisation environnementale. Quand on voit l’important décalage entre le projet d’aujourd’hui et le cahier des charges d’hier, et au vu des dégâts monumentaux chaque jour revus à la hausse sur les nappes souterraines et la végétation, difficile d’imaginer que l'Autorisation environnementale soit accordée…
Le collectif La voie est Libre, qui s’oppose à ce "projet inutile, écocide et injuste", défend quant à lui un "aménagement sécurisé et responsable" de la route existante. Il dénonce l’opacité totale dans ce dossier d’autoroute et tente en vain d’accéder aux éléments du contrat de concession signé en avril dernier.
Mais quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup…
Dossier des Engagements de l’État - juillet 2020 : « Secteur 2 de Verfeil à Villeneuve-lès Lavaur :
Sur ce secteur, la liaison, en tracé neuf, est très majoritairement en remblai à l’exception du passage au niveau du bourg de Teulat et du hameau de la Nagasse, qu’elle franchit en déblai afin de limiter les impacts visuels et sonores de l’infrastructure.»