
L'entreprise NGE/ATOSCA et les services de l’État se donnent six mois pour signer le contrat de concession de l'autoroute Castres-Toulouse.
Depuis l'annonce du nom du concessionnaire par le premier ministre en septembre dernier, c'est en terrain miné que l'entreprise NGE avance, harcelée par une contestation qui s'amplifie de jour en jour avec la création récente d'un nouveau collectif citoyen très déterminé : "la Voie est Libre". Et cela n'est pas prêt de s'arrêter...
En décembre dernier, lors d'une réunion avec des maires, le concessionnaire annonçait l'ouverture prochaine de centrales d'enrobage dans les villages de Puylaurens et Villeneuve-Lès-Lavaur, des installations classées ICPE à l'origine de nombreux scandales sanitaires du fait des émissions de benzène et de benzoapyrène, des substances hautement cancérogènes. Dans un reportage diffusé en 2019, Envoyé Spécial levait le voile sur les conséquences dramatiques des gaz émis par les usines d'enrobage sur la santé des riverains (maladies auto-immunes, cancers...) et sur l’environnement (dépôts de suie, dépérissement des végétaux...).
RETOUR SUR UN PROJET SANS FONDEMENT
Dans ce dossier d'autoroute, les services de l’État ne se préoccupent pas de répondre aux arguments des opposants tant les données objectives plaident pour un abandon du projet. Si l'on en croit les simulateurs d'itinéraires, le gain de temps de cette autoroute par rapport à la route actuelle serait de l'ordre de 12 minutes avant d'atteindre les bouchons toulousains. Comment alors expliquer la démesure d'un péage Castres-Toulouse qui oscillerait entre 8 et 10 Euros (prévisions issues du dossier DREAL) ? Pour une raison simple : les derniers comptages effectués par la DREAL en 2019 dévoilent un trafic cruellement insuffisant pour justifier le recours à une autoroute payante parallèle à une route existante (carte DREAL : une fraction de 5600 véhicules sur le trajet complet).

Dans le même temps, des aménagements publics gratuits pour l'usager voient le jour dans le département pour des trafics nettement plus importants (liaison Castres-Albi...).
De surcroît, la RN 126 parcourt ses 54 km entre Castres et Verfeil en quasi ligne droite et nécessite d'être promptement sécurisée et aménagée. C'est la solution alternative d'aménagement défendue par les collectifs La Voie est Libre, PACT et RN126, une solution qui ferait l'économie de centaine d'ha de terres agricoles. L'aménagement public de cette route a d'ailleurs débuté il y a 20 ans avec la création de deux tronçons en 2X2 voies, représentant 10 km sur les 54 km du trajet Castres-Verfeil, mais...
HOLD-UP SUR LES ROUTES PUBLIQUES
Pour qui roulent les élus de la communauté de communes Sor-et-Agout ?

Ils acceptent de rétrocéder au concessionnaire les 10 km de déviations publiques, privant les usagers d’aménagements gratuits d’une valeur de plus de 55 millions d’Euros. Il y a 20 ans, ces déviations sortaient le trafic des villages de Soual et de Puylaurens et faisaient gagner aux automobilistes jusqu'à 25 minutes pour rallier Toulouse depuis Castres.
Aujourd'hui, avec ce "Hold-up" réalisé avec l'assentiment des élus, les automobilistes devraient payer pour emprunter des déviations qu'ils ont eux-mêmes financées, ou bien retrouver des conditions de circulation dégradées en perdant un temps conséquent.
Pour les collectifs opposés à l'autoroute, cette rétrocession serait illégale. Ils s'appuient sur la réserve émise en 2017 par la commission d’enquête du projet d'autoroute qui exhortait le futur concessionnaire à proposer un itinéraire de substitution équivalent.
DES USINES A GOUDRON POUR PLUMER L'AUTOMOBILISTE
La quiétude de Puylaurens,

bourgade bien connue des sud-tarnais pour son marché de producteurs, pourrait bien être anéantie si le projet d'autoroute voyait le jour.
Tout comme à Soual, avec la privatisation de la déviation et le péage prohibitif qui y serait exercé, le trafic se masserait à nouveau devant la halle du centre-village. Aux pots d'échappement, s'ajouteraient les émanations toxiques d'une centrale d'enrobage qui pourraient bien pourrir la vie et la santé des villageois. Toutefois, à 20 km de là, un exemple a de quoi donner espoir aux habitants de Puylaurens...
En 2016, un collectif de Verfeil gagnait sa bataille contre une centrale d’enrobage après 10 ans de recours judiciaires, mettant en avant l’impact environnemental et sanitaire insupportable pour la population.
Cinq ans plus tard, un bras de fer similaire pourrait donc s’engager entre l'entreprise NGE/ATOSCA et les habitants de Puylaurens. Mais dans ce dossier autoroutier, l'opacité est de mise du côté des décideurs et du concessionnaire, les collectifs se chargent donc d'informer les habitants, comme l'illustre ce tract à destination des habitants de Puylaurens.

Après la mobilisation contre les projets de carrières finalement abandonnés sous la pression citoyenne, ces usines à goudrons pourraient bien être l'épisode de trop qui mettra un terme à ce projet d'autoroute déconnecté des enjeux de préservation des sols. Une difficulté supplémentaire pour le concessionnaire, qui fait face à la mobilisation sans précédent de plusieurs collectifs très déterminés.
Ce projet d’autoroute s'enfonce depuis de longues années dans une impasse et le chemin paraît bien long pour NGE/ATOSCA avant la réalisation du contrat. Reste à savoir si les décideurs seront capables d'entendre l’expression citoyenne qui pousse pour un aménagement du territoire cohérent et soucieux des enjeux environnementaux. La responsabilité leur revient avant que les tensions n'atteignent un point de non-retour.