A VERFEIL, LA DÉTRESSE DES HABITANTS

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Une centaine de personnes fixe du regard les six hommes qui pourraient impacter durablement leur vie et artificialiser les terres du sud du Tarn.
Le malaise est palpable pour cette réunion d'information organisée par le concessionnaire. Visages fermés, sans doute surpris par la nature de l’accueil, les six hommes font face à la salle. Ils se présentent : représentants des entreprises NGE/ATOSCA et VINCI qui réaliseraient l’autoroute Castres-Toulouse, directeur de projet représentant le Préfet du Tarn.
Patrick Plicque, maire du village de Verfeil (31), les accueille avec un discours ferme et froid, réaffirmant son opposition au projet.
Au tour de Martial Gerlinger, directeur général de NGE/Atosca, de prendre la parole. Dans l’assemblée, les mâchoires sont serrées. Il tente de briser la glace avec une blague potache sur les excès de vitesse. Le public est hermétique. Aucun regard complice, son visage se referme dans un silence gênant. Plus tard, l’unique sourire que Gerlinger partagera avec son voisin de table sera interrompu par l’intervenant qui était en train de lui décrire ce que serait sa vie sous 70 décibels, à quelques dizaines de mètres de l’autoroute : « Ça vous fait rire ce que je vous dis ? ».
AVEC L’A69, « C’EST LABÈGE À VERFEIL »
Deux mois plus tôt, l’entreprise NGE exhibait au JT local de France 3 une simulation 3D de l’autoroute, sans doute une façon de donner des gages de l’avancée du projet pour tenter de décourager une opposition grandissante.
Mais à Verfeil, leur simulation 3D est introduite sans artifice et accueillie par un moment de flottement bientôt interrompu par les commentaires du public : « La RN126 n’apparaît pas, ils ne veulent pas montrer qu’il y a déjà une route parallèle à leur autoroute… »
« Vous voulez nous faire Labège à Verfeil ! » commente quelqu’un dans la salle, faisant référence à la périphérie toulousaine, victime d’un étalement urbain irraisonné qui a artificialisé la ville avec l’implantation de nombreuses zones commerciales…
Une dame d’un certain âge explose, hurlant le malheur que provoquerait ce projet d’autoroute qui détruirait ses terres, sa vie... Une épreuve qui arrive alors que sa vie familiale fût déjà bouleversée par des projets similaires dans le passé. La salle est abasourdie, émue par cette dame qui crie sans filtre sa détresse. Ne parvenant pas à contrôler sa peine, elle finit par sortir de la salle.
Sonnés par cette dernière intervention, les six hommes tentent de rebondir. Un peu plus tôt dans la salle, un intervenant avait dénoncé le mépris dont ils font preuve envers les habitants du tracé, les six hommes savent que chacune de leur réaction sera interprétée. Le représentant de Vinci-ASF a bien du mal à dissimuler sa gêne, comme s’il n’avait pas pris la mesure des vies brisées par ce projet.
L’A69 A FAIT SON TEMPS
Face à l’hostilité de l’auditoire qui les interroge, le concessionnaire se retranche derrière le respect du cahier des charges pour se dédouaner de toute initiative personnelle, ne cherchant même plus à justifier ce projet jugé "anachronique" par l’Autorité Environnementale, et détaché de tout "Intérêt Public Majeur" selon le récent avis du CNPN (Conseil National de Protection de la Nature).
Les membres de l’assemblée se regardent lorsque Hans Stoufs, directeur technique d'ATOSCA, annonce un gain de temps de 20 minutes permis par l’A69, effaçant d’un revers de main les 35 minutes qu’il martelait jusqu’alors.
Par ces mots à moitié assumés, NGE admet implicitement l'inexactitude des donnés matraquées depuis plus de 6 ans dans les documents officiels :
« Vous admettez donc avoir menti aux populations dans les documents officiels, avec la complicité de la préfecture du Tarn, pour vendre votre projet inutile ? » interroge un participant à la réunion. Maxime-Yasser Abdoulhoussen, l’énarque catapulté là comme Directeur de projet auprès du préfet du Tarn, décroche un sourire embarrassé...

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Ce gain de temps totalement irréaliste est depuis longtemps dénoncé par les instances indépendantes et par les collectifs qui défendent un "aménagement sécurisé de la route existante" en lieu et place de cette autoroute. Récemment, le collectif La Voie est Libre faisait le calcul, ironisant sur le chiffre de 35 min avancé par le concessionnaire. Sur les 62 km que parcourrait l’A69, les simulateurs d’itinéraires estiment actuellement le temps de trajet à 46 min. Le calcul des militants est sans appel : il faudrait rouler à plus de 330 km/h pour parcourir 62 km en 11 minutes. Pour le collectif, le gain de temps réel serait plutôt autour de 10 à 15 minutes.
Une note d’espoir clôture la réunion lorsque des membres du collectif la Voie est Libre prennent la parole : « Vous devez garder espoir, on est chaque jour plus nombreux à nous mobiliser. Il n’est pas envisageable de laisser un projet aussi inutile et destructeur se réaliser en 2022 ! ». Des applaudissements se font entendre dans la salle.
VERS UN REFUS DE L’AUTORISATION ENVIRONNEMENTALE ?
Après quatre jours et trois nuits d'une Grande Marche sur tracé du projet d'autoroute, le collectif La Voie est Libre est déterminé à tirer un trait sur ce projet. Renforcé par les récents avis accablants publiés par le CNPN et l'Autorité environnementale, il compte mener tous les recours légaux afin de contester l'Autorisation Environnementale si elle était accordée. Mais avant cela, ils espèrent bien montrer au Préfet du Tarn qu'il s'engagerait dans une voie sans issue en autorisant un projet sans fondement et unanimement dénoncé par les instances indépendantes. Du 28 novembre 2022 au 11 janvier 2023, les citoyens mobilisés comptent bien jouer un rôle de premier plan dans l'Enquête Publique Environnementale. Mais à l'aune du désastre climatique annoncé, les collectifs préviennent sur France Inter : leur mobilisation ira bien au-delà des recours juridiques pour refuser la destruction de 400 ha de terres agricoles et d'espaces naturels.
La prochaine réunion d'information du concessionnaire se déroulera le 17 novembre à 19h à Teulat (81), village qui se retrouverait coupé en deux par cette autoroute. Ça s'annonce animé...