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Sur le stade de Montcabrier, la musique résonne sous le chapiteau pendant qu’une foule d’enfants lance balles et cerceaux au beau milieu d'un espace hors du temps où flottent des guirlandes en tissu. Sous les barnums des stands associatifs, assis sur des balles de pailles, les discussions vont bon train ! Pour cette première édition du FestiVAD, les membres de l’association Village Action Durable se sont démenés pour offrir aux 1200 festivaliers présents un lieu de rencontres, d’échanges et de fête au service de la lutte contre le projet d’autoroute Castres-Toulouse.

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Ce 25 septembre 2021, dans ce petit village du Tarn de 300 habitants, les sourires sont sur tous les visages… mais un moment de flottement s’abat sur l'évènement lorsque l’info commence à circuler : le Premier Ministre en déplacement à 30 km de là vient d'annoncer le nom du concessionnaire : NGE ! En traversant le stade, l’émotion gagne les organisateurs. Ces quelques mots sont dans toutes les bouches : "C’est une blague ?!"
NGE : UNE ENTREPRISE BIEN RENSEIGNÉE
Nul ne pouvait imaginer que cette entreprise obtiendrait la concession face à des Vinci ou Eiffage qui écrasent toute concurrence sur leur passage. Mais à y regarder de plus près, la discrétion dont ont fait preuve les deux géants du BTP dans leur course à la concession interpelle, et les festivaliers ne manquent pas d'ironiser sur cette décision : « Même Vinci n'en veut pas de ce projet pourri ! »
NGE avait lancé un pavé dans la mare et relancé la mobilisation contre le projet d’autoroute un an auparavant. L’entreprise ayant décroché le marché avait annoncé des chiffres totalement contradictoires avec les données de l’étude d’impact environnemental du projet autoroutier.
Pour construire l'ouvrage, NGE révélait en 2020 des besoins en remblai plus de deux fois supérieurs à ceux, déjà colossaux, mentionnés dans le dossier d’enquête publique (1,3 M de m³). Et pour extraire cette quantité ahurissante de 2,8 millions de m³ de matériaux, une seule solution selon l’entreprise, l’ouverture de 3 carrières sur 62 ha de terres agricoles jouxtant les villages situés sur le tracé : "Les besoins extérieurs en matériaux pour la réalisation de l’autoroute représentent de grands volumes ne pouvant être assurés par un approvisionnement différent." [extrait du mémoire de NGE suite à la concertation de juillet 2020]

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Ces trois carrières entrent en totale contradiction avec le cahier des charges fixé dans le dossier de l’autoroute Castres Toulouse qui prévoit d’utiliser les carrières existantes. Mais depuis un an, des lettres ouvertes ont été adressées aux ministères concernés par les collectifs Stop Carrière Montcabrier 81 (SCM81) et PACT pour dénoncer l’illégalité de ces projets. Plusieurs manifestations réunissant des centaines de personnes ont été organisées pour aboutir à ce revirement cocasse de situation ce samedi 25 septembre : « […] des carrières qui ne s’avéreraient plus indispensables selon le dernier communiqué de NGE, le futur concessionnaire de l’autoroute. » [francebleu.fr]
Sauf qu'avec l’obtention du marché, la crédibilité des chiffres qu'annonçaient NGE ne fait plus de doute : les besoins réels en remblai dépassent largement les données officielles. Dès 2016, l’entreprise prospectait pour exploiter des quantités de remblai 115% supérieures à ce que liront les citoyens consultés pour l’Enquête publique en 2017. Manifestement, elle avait connaissance de données qui n’étaient pas accessibles aux citoyens lambdas.
Depuis plus d'un an, pas un mot pour se désolidariser des chiffres avancés par NGE du côté des services de l'Etat, des élus ou des ministères. Un étrange silence qui se conclut donc par cette révélation fracassante : NGE obtient la concession !
RENDORMEZ-VOUS BRAVE GENS
L'annonce du retrait des projets de carrières n’est pas de nature à calmer les opposants. Bien au contraire, en annonçant le concessionnaire et la suppression des projets de carrières, J. Castex vient de démontrer que NGE connaît mieux que quiconque le dossier, et dans le même temps, il donne raison aux collectifs qui ont lancé l’alerte sur l’irrégularité des projets de carrières portés par cette même entreprise. En somme, "on admet avoir tenté de contourner le droit environnemental, maintenant rendormez-vous braves gens !"
Face à cela, la Ministre de la Transition Écologique ne pense toujours pas utile de donner suite à la lettre ouverte que lui a adressée SCM81 pour lui demander une étude indépendante sur les remblais. Le collectif l'a relancée cette semaine par voie de presse :
« Nous ne sommes pas dupes sur la sous-estimation flagrante de la quantité de remblai dans le dossier d’Enquête Publique, ce qui est de nature à remettre en cause la Déclaration d’Utilité Publique signée en 2018. Nous réitérons donc avec la plus grande détermination notre demande à la Ministre de la Transition Écologique afin qu’elle apporte des éléments précis sur les remblais indispensables à la réalisation du projet autoroutier. Des réponses à ces questions permettraient d’apaiser une escalade des tensions que nous souhaitons absolument éviter. Espérons que ce soit également le souhait des autorités compétentes, seules à même d’apporter ces réponses. »
NGE ET L’ART DU CONTOURNEMENT
Alors qu’est annoncé un début de chantier pour 2023, NGE a dans les faits débutée la construction de son autoroute dès 2000, bien avant que la décision de mise en concession ne soit actée autour d'un déjeuner. par le Ministre des Transports et le dirigeant milliardaire d'une firme pharmaceutique.
En 2000, puis en 2008, le trajet Castres-Toulouse gagnait en temps et en confort avec la réalisation par NGE des contournements de Soual et de Puylaurens, deux tronçons en 2x2 voies financés par 55 millions d’euros d’argent public.
Mais quand les automobilistes et les habitants de Soual et de Puylaurens pensaient bénéficier de routes publiques, NGE s’offrait pour l’avenir des routes privées aux frais du contribuable ! Eh oui, ces tronçons seraient gracieusement cédés à l'heureux concessionnaire de l'autoroute, qui ne proposera aucun itinéraire de substitution...

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A SOUAL ET PUYLAURENS, LE PASSÉ EST VOTRE AVENIR
Avec l'autoroute, les automobilistes auront le choix entre payer un concessionnaire pour emprunter des routes qu'ils ont déjà payées, ou retrouver les conditions de circulation d’avant 2000 ! Suite à l’Enquête Publique, la commission d’enquête avait pourtant émis une réserve dont NGE et les pouvoirs publics ne semblent pas faire grand cas: « La troisième et dernière réserve concernant la DUP est la révision de l’aménagement de l’itinéraire de substitution afin de lui rendre des conditions de confort et de sécurité au moins égales à celles actuellement offertes par la RN126, en particulier à hauteur de Soual et de Puylaurens. »
En 2000, cet article édifiant décrivait le calvaire que représentait la traversée des villages. Un bon moyen de s'imaginer ce que vivraient les automobilistes qui refuseraient de payer pour emprunter une route privatisée, bien qu'exclusivement financée par leurs impôts.
"Aujourd'hui, vers 18-heures, lorsque sera proclamée son ouverture officielle à la circulation, automobilistes et Soualais se demanderont certainement comment ils ont pu faire si longtemps sans la salvatrice déviation... [...] En sa qualité de route nationale (la traversée de Soual sera prochainement déclassée), la déviation a été cofinancée par l'Etat et la Région."
"Nous venons de traverser Soual en une minute trente secondes. Du jamais vu... [...] nous regardons, en contrebas, l'enfilade de voitures qui avancent au pas dans le village. Le fonctionnaire de l'Equipement qui n'en est pas à son premier test d'efficacité sourit à l'évocation du calvaire que subit certainement Sylvie, l'autre journaliste de «La-Dépêche du-Midi» coincée dans le bouchon soualais... [...] Enfin ! la circulation s'accélère, un peu, car les poids lourds sont toujours devant et à cette heure d'affluence il est impossible de les doubler. On se rapproche du deuxième rond-point. Il est 19-h-10 : 25-minutes au topchrono pour traverser Soual. Et il paraît que c'est encore plus long dans l'autre sens !" [la Dépêche du Midi - 19/02/2000]

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LE PLUS GROS FIASCO AUTOROUTIER JAMAIS RÉALISÉ
Les 500 ha de bitume de ce projet d’autoroute sont promis à un triste échec financier, alors que les opposants proposent un projet alternatif adapté d’aménagement de la route existante, beaucoup moins impactant pour l’environnement et pour les finances publiques. Il faut dire qu’avec moins de 6000 véhicules/jours (comptage de la DREAL réalisé avant la généralisation du télétravail) qui parcourent le trajet chaque jour, la file de gauche ne serait pas usée par les pneus ! Au micro du FestiVAD, un membre de la Conf 81 est ovationné.

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Il fait état de la catastrophe que représenterait cette autoroute pour les terres agricoles et les espaces naturels, un projet du passé qui ne prend pas en compte les réalités environnementales et les mobilités qui sont en train de changer, et tout ça pour un gain de temps de 10 minutes.
Ce projet dépasserait en tous points les plus gros échecs autoroutiers ayant vu le jour, mais une fois n'est pas coutume les finances publiques se substitueront à la rentabilité ! Le désert autoroutier entre Pau et Langon, où l’expertise citoyenne n’a pas été entendue, ne semble pas avoir refroidi les pouvoirs publics. Les collectifs PACT et SCM81, qui défendent une alternative à l'autoroute Castres-Toulouse, ont publié un comparatif avec la liaison Pau-Langon pour visualiser le désastre que représenterait le projet.
PEU DE VOITURES MAIS BEAUCOUP D'ARGENT PUBLIC

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Pendant ce temps-là, les quelques élus avides de grands projets inutiles communiquent dans la presse sur le coût du péage qui serait inférieur à ce qui était annoncé par la Dreal en 2016 (autour de 15€ l’aller-retour sur les bases de 2010). Un jeu de dupe quand on sait que par vases communicants, la subvention d’équilibre en serait d’autant plus élevée. Mais force est de constater que le prix du péage parle plus qu’une subvention d’équilibre de 275 millions d’€, une somme difficile à concevoir. Alors qui paierait cette aide publique pour équilibrer ce projet déficitaire? Le collectif SCM81 propose une carte de la répartition de la charge sur le contribuable.
Alors que les organismes publics (Autorité Environnementale, Commissariat Général à l'Investissement) ont alerté sur l'impact environnemental catastrophique et sur la démesure de ce projet d'autoroute au vu du faible trafic, alors que la surface d'un département français disparaît sous le bitume tous les 8 ans, à l'heure où les scientifiques supplient les pouvoirs publics de réagir face à la catastrophe qui s'annonce, les élus du sud-ouest n'ont qu'une obsession: mener à bien ce projet ridicule et délétère pour faire plaisir à une poignée d'entreprises !
Les citoyens, eux, ont compris! Ils s'organisent...